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tres administratives, d'autres législatives, et dont quelques-unes même sont de nature religieuse.

Comme juge, le chancelier connaît seul des appels du maître des rôles, du vice-chancelier et de tous les autres appels qui compètent à la chancellerie, outre la connaissance en premier ressort de toutes les causes qui ne sont pas réservées au maître des rôles et au vice-chancelier. Nous avons vu qu'il préside en outre la cour d'appel de la chambre des pairs ainsi que celle du conseil privé.

Sous le rapport administratif, il est membre du conseil privé; et dans cette qualité il a souvent la plus grande influence sur les mesures politiques, ainsi que sur l'administration générale du royaume. C'est lui spécialement qui nomme tous les juges de paix et plusieurs espèces de commissaires dont je n'ai cité qu'une partie, mais qui sont de véritables juges quoiqu'ils n'en portent pas le

nom.

Sous le rapport législatif, le chancelier est membre de la chambre des pairs, où il exerce aussi la plus grande influence, notamment dans tous les actes qui concernent l'ordre judiciaire et la jurisprudence en général.

Enfin, sous le rapport religieux, comme anciennement le chancelier était toujours un ecclésiastique et comme il présidait à la chapelle royale, il est encore aujourd'hui censé le directeur de la conscience du roi; et de plus c'est lui qui nomme à tous les bénéfices ecclésiastiques au-dessous de 20 liv. sterl. de revenu.

On voit, par tout ce qui précède, quelle est l'importance de la dignité de chancelier en Angleterre. Aussi estil tenu pour le second personnage du royaume lorsqu'il n'y a pas de haut intendant, ce qui est l'état permanent

du pays. On doit être surpris de trouver cette multitude de fonctions, avec cette énormité d'un pouvoir presque entièrement arbitraire, accumulées sur la tête d'un seul homme, dans un pays qui passe pour avoir une si bonne administration de la justice et de si bonnes institutions constitutionnelles. Depuis quelque temps, il est vrai, la chancellerie a été l'objet d'attaques violentes, non-seulement dans les papiers publics, mais encore dans la chambre des communes. J'examinerai dans la section prochaine quelques-uns des griefs qui se rapportent à la procédure de cette cour; mais quant à ce qui touche l'organisation personnelle, il est à regretter que les attaques aient été presque uniquement individuelles', et qu'on n'ait pas imaginé de remonter aux vices fondamentaux de cette bizarre institution, dont la seule existence est l'un des plus grands vices du système judiciaire anglais.

Je terminerai ce paragraphe par une indication un peu plus détaillée des divers officiers de la chancellerie.

1° Le chancelier, comme on l'a vu, est le chef suprême de la cour judiciaire, indépendamment de toutes les autres fonctions particulières dans plusieurs autres branches. Il est d'ailleurs nommé par le roi et révocable à sa volonté, ce qui fait de son pouvoir une arme formidable à la disposition de la couronne.

2o Le maître des rôles est une sorte de vice-chancelier, quoiqu'il n'en ait pas le titre; car il est spécialement appelé à remplacer le chancelier au besoin, et il a un rang supérieur à celui du vice-chancelier. Il a en outre une juridiction particulière, qu'il exerce avec l'assistance

(1) V. les débats de la Chambre des communes des 4 et 5 juin 1823 et ceux du 24 février 1824.

d'un ou de plusieurs maltres en chancellerie, dont je parlerai bientôt. Il est nommé à vie par le roi, sur la recommandation du lord chancelier.

3o Le vice-chancelier, dont l'institution ne remonte qu'à la cinquante-troisième année de Georges III. I doit remplacer le chancelier quand il en est requis, et il a aussi une juridiction séparée que le chancelier lui assigne. Il est aussi nommé à vie par le roi sur la recommandation du chancelier.

4o Il y a douze maîtres en chancellerie, dont quelques-uns, comme nous l'avons dit, siégent avec le maître des rôles; mais leurs fonctions ordinaires sont de recevoir les comptes de tuteurs, administrateurs, etc., de préparer les interrogatoires des parties, de taxer les frais de justice, de préparer les matières pour les jugemens, d'examiner les pièces sur le point de fait et de faire des rapports qui sont presque toujours décisifs d'après la grande confiance qu'ils inspirent à la cour.

5o Les commissaires pour les banqueroutes sont aussi de vrais officiers dépendant de la chancellerie, quoiqu'ils forment des espèces de tribunaux distincts, et qu'ils soient même placés dans un local assez éloigné de celui de la cour de chancellerie. En effet ils sont non-seulement désignés par le chancelier pour chaque affaire, mais encore ils agissent sous sa surveillance spéciale et ils sont dans l'usage de lui renvoyer tous les cas difficiles; d'ailleurs, après leur décision, l'on est encore obligé de recourir à la chancellerie pour avoir le certificat de libération définitive.

Depuis quelque temps, les banqueroutes se sont tellement multipliées que ces commissions sont devenues de vrais tribunaux permanens, siégeant souvent deux fois

par jour et presque toute l'année. On a même été obligé d'ériger pour leurs audiences un bâtiment spécial près de Guildhall, dans la cité. Chacun des tribunaux formés par ces commissions se nomme une liste (list), parce qu'il est composé de la liste des noms des commissaires qu'on affiche à la porte de chacun de ces tribunaux particuliers. Chaque liste est composée de cinq membres, quoiqu'elles puissent décider au nombre de trois; le nombre actuel de ces listes est de quatorze ;

6° Les examinateurs qui sont chargés, pour Londres et vingt milles à l'entour, de recevoir les dépositions des témoins et d'en délivrer des copies;

7° Les six-clercs (six- clerks) pour la rédaction et l'enregistrement d'une partie des procédures. Ce sont des espèces d'avoués, sans lesquels on ne peut faire certains actes de chancellerie. Leur nom vient de ce qu'il n'y a que six individus qui aient ces places en titre; mais chacun d'eux a des sous-clercs qui de fait en remplissent les fonctions, de sorte que les places de six-clercs sont de vrais sinécures, car ils retirent une grande part des profits. Chacun d'eux peut avoir dix sous-clercs appelés spécialement clerks in court, ce qui ferait monter à soixante le total des employés de cet office; mais dans le fait il n'y en a dans ce moment que vingt-cinq en

viron.

Le mot de six-clerk est souvent employé au singulier, comme nous disons en France un cent suisse pour désigner un des cent suisses qui forment une compagnie particulière de la garde royale; car nous nous servons également de cette expression quoique le nombre de cent puisse augmenter ou diminuer.

8. Il y a vingt-quatre praticiens (cursitors), qui sont

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une autre espèce de commis-greffiers, chargés de faire tous les actes introductifs d'instance pour la cour du banc du roi.

9. Il y a en outre, comme dans les autres grandes cours, une multitude d'employés dont les fonctions seraient trop longues à détailler, et qui sont compris sous diverses dénominations, toutes très difficiles à rendre dans une langue étrangère.

10. Enfin il y a une sorte d'huissiers-audienciers pour chacune des sections particulières, comme dans toutes les autres cours.

Indépendamment de tous ces officiers intérieurs de la chancellerie, il y a un serjeant at arms qui a plusieurs substituts chargés d'arrêter ceux qui ne comparaissent pas, et un geôlier de la prison dite Fleet-Prison, laquelle est spécialement destinée à ceux que la cour fait emprisonner, notamment pour défaut de comparution.

SIV.

De la Cour de l'Echiquier jugeant comme cour d'équité.

Je ne range cette cour dans la présente classe que pour cette partie de ses attributions où elle agit comme cour d'équité, puisqu'alors jugeant sans jurés, elle décide à la fois sur le fait et sur le droit. Je n'ai, du reste, qu'à en faire mention, puisque dans la classe précédente j'ai donné les détails nécessaires sur l'origine et l'organisation de l'échiquier en général.

(1) Suivant l'annuaire appelé Clark's new law list, le nombre total des employés à la chancellerie autres que le chancelier, le vice-chancelier et le maître des rôles, est de trois cent cing.

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