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Troisièmement, il est reconnu que l'intérêt de l'argent et le prix des marchandises s'élèvent toujours en raison des risques et des pertes du prêteur ou du vendeur. Ainsi donc vous aggravez précisément la position du malheureux débiteur lorsqu'il parvient à obtenir une somme ou un crédit, malgré la certitude qu'a le créancier de ne pouvoir réclamer le paiement en justice qu'avec des frais ou des obstacles immenses. Et remarquez bien que ce sera presque toujours l'homme honnête et réservé qui sera victime de la difficulté de trouver de l'argent ou du crédit, tout comme des effets désastreux des poursuites judiciaires; car l'homme audacieux et de mauvaise foi saura bien se mettre au-dessus de tous les risques; il saura inventer d'abord les moyens d'extorquer ce qu'il désire, et ensuite, par ses chicanes, sa fuite, ou une banqueroute frauduleuse, paralyser les efforts judiciaires du créancier le plus légitime.

Je crois en avoir dit assez pour montrer la futilité des raisons qui ont déterminé les adversaires du projet de loi de lord Altorp, et pour faire voir, sous un nouveau point de vue, combien sont profonds et compliqués les vices du système judiciaire que j'ai entrepris d'exposer.

S II.

De la Cour des juges de paix en petty-sessions, et de celle des mises en prévention en matière criminelle.

Nous avons vu, dans le chapitre II de la classe précédente, ce qui concerne les juges de paix en général, et spécialement tout ce qui est relatif à leurs quarter-sessions. Il ne nous reste donc qu'à dire un mot des deux autres espèces de cours qu'ils sont également appelés à

tenir, et dans lesquelles ils jugent tout à la fois le fait et le droit.

La première espèce est la cour des petites sessions (petty-sessions), qui a lieu toutes les semaines ou plus souvent, pour juger un assez grand nombre de petits délits ou contraventions de police, dont la connaissance leur a été attribuée par divers statuts. Elles prononcent sans appel sur quelques-uns de ces cas et à la charge d'appel sur les autres. Elles ont en outre quelques attributions administratives, qu'il n'est pas de mon sujet d'indiquer plus en détail.

La seconde espèce de cours dont je dois ici m'occuper n'a reçu aucun nom particulier, sans doute par une suite de la confusion d'idées dont j'ai parlé à la fin du chapitre sur le jury. Cependant, je le répète, les juges de paix rendent un véritable jugement en matière criminelle lorsqu'ils font ce qu'on appelle en anglais un comitment, c'est-à-dire lorsqu'ils décident qu'il y a lieu à poursuivre un individu plus amplement et à l'envoyer provisoirement en prison s'il ne fournit caution; c'est pourquoi je désigne sous le nom de cour de mise en prévention l'espèce de tribunal qu'ils tiennent en pareil cas. Au reste, cette cour peut être tenue par un seul magistrat ou par plusieurs; ils doivent cependant être deux au moins pour poursuivre un de leurs collègues.

S III.

Des Cours d'assises pour les insolvables.

Dans le chapitre précédent nous avons vu que, par le statut premier du présent règne, les juges de paix avaient d'abord été investis du pouvoir de remplir jusqu'à

un certain point les fonctions de la cour des insolvables dans leurs comtés respectifs; mais le statut 5 dudit règne leur a totalement enlevé cette branche de juridiction, et a créé pour les insolvables des comtés une espèce nouvelle de cours d'assises qui sont tenues par les commissaires de la cour centrale.

Les comtés de Middlessex et de Surrey, ainsi que la cité de Londres, sont exceptés de cette juridiction nouvelle et restent sous la juridiction immédiate de la cour centrale.

S IV.

Des Cours martiales 1.

Anciennement la cour de chevalerie connaissait de tous les délits militaires; mais le grand connétable, qui tenait la section criminelle, ayant été supprimé sous Henri VIII, cette cour ne jugea plus que les affaires civiles touchant les faits d'armes, outre celles sur le point d'honneur et sur les titres de noblesse et armoiries, jusqu'à ce qu'enfin sa juridiction soit tombée complètement en désuétude sous tous les rapports 2.

Depuis la suppression du grand connétable jusqu'au règne de Guillaume III il n'y eut aucune cour militaire tenue régulièrement, quoique, dans plusieurs circonstances, la couronne ait érigé arbitrairement des commissions de cette nature qui jugeaient même des personnes non militaires.

En 1693, pour la premiere fois, un acte parlementaire autorisa le gouvernement à ériger des cours martiales pour la répression de la mutinerie et de la dé

(1) Tommlins, aux mots courts-martial, courts of chivalry, constable, soldiers.

(2) Blackstone, t. IV, p. 268.

sertion et d'autres délits contre la discipline militaire. Mais cet acte ne devait durer que jusqu'au mois de novembre suivant; cependant, sauf une interruption de trois ans, savoir de 1698 à 1701, il a toujours été renouvelé chaque année avec quelques modifications.

Il résulte de cet état de la législation sur les cours martiales qu'elles sont regardées comme temporaires, et qu'il faut chaque année un acte du parlement pour leur donner une existence légale, ce qui est d'une grande importance pour la liberté publique, malgré l'imperfection du système représentatif anglais, car ce système peut s'améliorer d'un moment à l'autre; et d'ailleurs, les passions particulières de ceux qui le composent sont quelquefois au moins une barrière contre le despotisme de la couronne.

Il y a cependant un vice fondamental dans la composition de ces cours; c'est qu'étant créées au moment du besoin, elles doivent avoir la partialité de toute commission judiciaire spéciale, qu'on choisit toujours parmi les hommes qu'on croit les plus hostiles au genre des faits qu'on veut réprimer. Cette cause exerce surtout son influence dans les dissentions intérieures et même pour de simples actes d'une mutinerie passagère.

Les cours martiales sont toutes composées de militaires, et elles prononcent à la majorité de voix dans les cas ordinaires; mais pour condamner à mort il faut les deux tiers des voix.

Une disposition qui peut servir de garantie pour les citoyens et les militaires eux-mêmes, c'est que les jugemens des cours martiales sont sujets à la révision de la cour du banc du roi, qui peut poursuivre criminellement les juges de ces cours dans le cas d'excès de pouvoir.

S V.

Des Cours ecclésiastiques 1.

Je n'aurais point parlé des cours ecclésiastiques si elles n'avaient qu'une juridiction purement spirituelle, sans aucun pouvoir temporel; mais d'une part, les matières de foi et de discipline religieuse sont considérées en Angleterre comme des objets de gouvernement, puisque le roi est le chef suprême de la religion de l'état; et d'un autre côté, les cours ecclésiastiques ayant usurpé une partie de la juridiction des choses temporelles, comme en matière de testament et de mariage, il était indispensable d'en parler pour compléter le tableau de l'organisation judiciaire de ce pays. Toutefois, pour ne pas multiplier sans nécessité les divisions de ce chapitre, et vu la connexion particulière que les cours ecclésiastiques ont entre elles, je comprendrai sous ce même paragraphe toutes celles dont il me reste à parler 2.

1° La principale cour ecclésiastique, après les cours centrales et en dernier ressort dont j'ai traité dans la classe précédente, est la cour des arches (arches-court), ainsi nommée parce qu'elle était autrefois tenue dans l'église de Sainte-Marie-des-Arches (Saint-Mary-le-Bow). Maintenant elle a conservé le même nom, quoiqu'elle se tienne dans un local appelé des Doctors commons, ap

(1) Tommlins, aux mots Bishops and archbishops, Courts ecclesiastical, arches courts, peculiar, prerogative.

(2) Sous le rapport ecclésiastique, l'Angleterre et le pays de Galles sont divisés en deux provinces ou archevêchés, et en vingt-cinq évéchés ou diocèses. Les deux archevêchés sont ceux de Cantorbery et d'York; mais le premier est sans comparaison le plus considérable, car il a sous lui vingt et un évêchés parmi lesquels est celui de la capitale.

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