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tique de pélitoire, qui d'après son étymologie signifie seulement l'acte de demander en général, et qui pourrait aussi bien s'appliquer à tout autre espèce d'action judiciaire, puisque dans toutes également il s'agit toujours d'une demande.

Sous un autre point de vue, qui est plus universel, on a encore divisé les actions en réelles et en personnelles. Le premier de ces mots, qui vient du mot latin res (chose), indique l'intention spéciale d'obtenir une certaine chose, n'importe dans quelles mains elle se trouve, et lors même que celui qui la possède n'a point contracté personnellement avec vous, comme si l'on réclame la propriété d'une terre ou le paiement d'une dette hypothéquée sur une terre vendue par le précédent propriétaire. Comme en ce cas on fait abstraction de la personne qui possède la chose, on appelle spécialement action réelle celle qui se rapporte à une telle demande. L'action personnelle, au contraire, est celle par laquelle on ne peut s'adresser qu'à telle ou telle personne, comme pour le paiement d'une dette contractée sans hypothèque, ou pour l'accomplissement d'une promesse, ou pour tout autre genre d'obligation. En ce cas il s'agit bien souvent aussi d'obtenir une chose; mais comme l'action se dirige contre la personne qui a contracté l'obligation ou son représentant, on est convenu de l'appeler plus spécialement personnelle. On voit encore ici que ces dénominations ne sont point parfaitement caractéristiques, puisqu'elles ne représentent pas au premier abord d'une manière bien nette la série d'idées qu'elles sont destinées à exprimer.

Quoi qu'il en soit du plus ou moins de justesse de toutes les dénominations précédentes des actions, il faut

cependant convenir que les notions sur lesquelles elles sont principalement fondées sont assez raisonnables, et qu'on pourrait au besoin rectifier ce qu'elles ont de défectueux. On pourrait donc, sans un grand inconvénient, les appliquer au langage de la procédure, et l'on doit dire à l'honneur de ceux qui ont rédigé les codes français actuels que telles sont à peu près les seules divisions qu'ils ont retenues ou indiquées dans le code civil et dans celui de procédure. Mais il n'en est pas ainsi dans la jurisprudence anglaise, qui admet une foule d'autres divisions, presque toutes arbitraires, ou bien qui, lorsqu'elles étaient primitivement fondées sur des bases naturelles, ont presque toujours été détournées de leur premier sens par des fictions absurdes ou des distinctions purement artificielles. Quant aux autres nations de l'Europe, leurs divers jurisconsultes, ainsi que ceux de la France avant la révolution, ont toujours mis beaucoup d'importance dans la classification des actions judiciaires, et il existe sur cet objet plusieurs traités scientifiques, dont les premiers rudimens se trouvent dans les Institutes de Justinien, qui a servi pour tous de point de départ; mais quoiqu'en général ces traités ne soient point, comme en Angleterre, obscurcis par l'emploi actuel des fictions, leur langage, leurs définitions et leurs divisions ne sont pas moins soumis à l'influence de l'ancienne barbarie de la prétendue science légale. Aussi me suis-je bien gardé de retenir la plupart de leurs notions dans l'explication que j'ai donnée cidessus.

Après ces idées préliminaires sur la procédure technique en général, je vais exposer ses bases principales, tant en Angleterre que dans quelques autres pays.

SI.

Des actes introductifs d'instance, et des moyens d'assurer la présence du défendeur.

Nous avons vu qu'en France le premier acte qui ait lieu dans un procès est celui qu'on appelle une citation dans les justices de paix, et un ajournement dans les tribunaux de première instance. Cet acte, outre l'indication des parties, contient l'énoncé sommaire de l'objet de la demande ainsi que les moyens à l'appui. Nous avons vu aussi que le seul fait de la signification de cet acte au défendeur par le ministère d'un huissier saisit le juge de l'affaire, même à son insu, jusqu'à ce qu'elle soit appelée à l'audience, sauf à se déclarer incompétent si elle a été mal à propos portée devant lui. Au reste, dans cette espèce d'actes, il y a bien quelques conditions imposées pour garantir la réalité de la signification, l'identité des personnes; etc., etc., et l'observation de ces règles conduit bien à une certaine uniformité dans quelques parties des citations et ajournemens; mais on n'est obligé de suivre aucune formule déterminée selon la différence des actions. Pourvu qu'on ait observé les règles imposées à peine de nullité, règles qui sont à peu près les mêmes pour toute espèce d'action, l'on rédige son acte de la manière qui semble la plus convenable, sans être astreint à d'autre langage qu'à celui qui est propre à se faire comprerdre.

En Angleterre, les actes introductifs d'instance different de ceux de la procédure française sur presque tous les points que je viens d'indiquer; mais parmi ces divers points, il n'en est qu'un seul où toutes les espèces d'actes analogues aient un trait commun de dissemblance avec ceux de la procédure française : c'est celui qui est re

latif à la manière de saisir les juges de la connaissance d'une affaire. En Angleterre, on est toujours censé s'adresser au roi en chancellerie, ou à la cour compétente, pour obtenir la permission de citer le défendeur. Il est vrai que cela n'est plus qu'une affaire de forme, et ces ordres s'obtiennent de droit et sans aucun examen préalable; mais le principe n'en est pas moins conservé. D'ailleurs, c'est justement cette manière purement formelle de faire de tels actes qui est ici tout-à-fait caractéristique, et par conséquent digne de notre attention.

Il est impossible d'expliquer ainsi d'un seul trait les autres différences, d'abord parce que les actes ne sont pas les mêmes dans toutes les cours, et ensuite parce qu'ils varient même dans une même cour, selon la nature des actions. En outre, il y a tant de subdivisions parmi les espèces particulières d'actes de cette catégorie que cela rend impossible d'établir aucune règle commune à toutes les espèces. Ainsi je ne vois d'autre moyen, pour donner des notions claires à ce sujet, que d'indiquer les principales divisions qu'on a créées, et de donner une idée sommaire de leurs subdivisions, autant que cela est nécessaire pour faire connaître le caractère particulier de cette première partie de la procédure anglaise.

DIVISION PREMIÈRE.

Des ordres primitifs ( original writs 1).

Les juges anglais, comme nous l'avons aussi vu précédemment, n'ont pas toujours une juridiction complète par le seul fait de leur institution, et l'on doit en cer

(1) Stephen, p. IV; Blackstone, t. III, p. 273; Boote, p. 10-20, 37, 28, 30, 31, 33-36, 56, 57, 68; Tidd, p. 95-145.

tains cas leur donner une attribution spéciale pour chaque affaire. Ce principe est surtout applicable aux deux cours supérieures de la loi commune, et l'original writ est en grande partie destiné à conférer cette attribution. Il sert en outre à rendre obligatoire la comparution du défendeur. Il est adressé au nom du roi au shériff du comté, avec ordre de sommer la partie adverse de faire raison au demandeur, ou de venir devant la cour déduire ses motifs de refus.

Tels sont les caractères invariables de l'original writ; mais il renferme d'autres conditions qui varient selon les cas, et qui sont particulières à cette première espèce d'actes. Pour bien comprendre ceci, il faut se reporter à une époque très ancienne de l'histoire judiciaire.

Nous avons également vu, dans l'un des chapitres précédens, que les Romains et ensuite les Francs et les Lombards avaient adopté certaines formules convenues d'avance,dont il fallait absolument faire usage pour intenter une action en justice. Il ne suffisait pas d'expliquer nettement l'objet de sa demande, il fallait employer strictement les mots de la formule qu'on avait appropriée à l'action dont il s'agissait. Or la jurisprudence anglaise ayant admis de telles formules, l'emploi de ces formules, qui sont différentes selon les genres d'action, rend très variable une partie du contenu des original writs. Il était naturel de se demander pourquoi l'on s'est créé de semblables difficultés; les légistes ont cherché à leur trouver un motif raisonnable: on adit entre autres raisons, que c'était probablement pour définir d'une manière plus certaine la nature des torts pour lesquels la loi donnait une réparation'; mais

(1) Stephen, appendix, note 2, p. 6.

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