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Cette rigueur d'observation de certains mots sacramentaux produit souvent des effets ridicules et des fictions analogues à celles que nous avons remarquées dans la procédure civile. Par exemple, aux assises de Chester, en janvier 1825, dans un indictment contre M. Pearson et M. Ward, accusés seulement d'avoir excité par des paroles à commettre des mauvais traitemens, il était dit qu'ils avaient assailli, battu, meurtri, maltraité. Par exemple encore, lorsqu'on poursuit un inconnu, l'on est obligé de supposer un nom quelconque contre lequel l'indictment est rédigé.

Je crois intéressant de donner ici la copie d'une partie d'indictment, dont je choisis l'exemple dans l'affaire contre Thurtell, que j'ai déjà eu l'occasion de citer plusieurs fois :

Les jurés de notre seigneur le roi, sous leur serment, représentent : que Jean Thurtell, demeurant en la paroisse d'Aldenham, dans le comté d'Hereford, n'ayant pas devant les yeux la crainte de Dieu, mais étant excité et séduit par l'instigation du diable, le 24 octobre de l'an 1823 de notre seigneur, avec force et armes, se trouvant alors dans la susdite paroisse d'Aldenham, a commis un assaut, félonieusement, volontairement et avec une malice préméditée, contre Guillaume Weare, contre la paix de Dieu et de notre susdit seigneur le roi; et que ledit Jean Thurtell, avec un certain pistolet, de la valeur de dix shellings, que ledit Jean Thurtell tenait dans sa main droite, alors et là, a frappé, forcé et pénétré, alors et là, félonieusement, volontairement et avec une malice préméditée, ledit Guillaume Weare, dans et sur le côté gauche de la tête de lui ledit Guillaume Weare; et que ledit Jean Thurtell, par ladite

action de frapper, pousser, forcer, pénétrer le pistolet susdit, dans, sur et dedans le côté gauche de la tête de lui le susdit Guillaume Weare, alors et là, félonieusement et avec une malice préméditée a fait audit Guillaume Weare une blessure mortelle, de la profondeur de deux pouces, de la largeur d'un pouce, de laquelle fracture mortelle ledit Guillaume Weare, alors et là, mourut; et ainsi, les jurés susdits, sur leurs sermens, disent que ledit Jean Thurtell a tué et assassiné lui ledit Guillaume Weare, de la manière et dans la forme susdite, félonieusement, volontairement et avec une malice préméditée, contre la paix de notredit seigneur le roi, sa couronne et sa dignité; et les susdits jurés, sur leurs sermens susdits, représentent en outre que Joseph Hunt, domicilié dans la paroisse d'Aldenham, dans le susdit comté d'Hertford, n'ayant pas devant les yeux la crainte de Dieu, mais étant excité et séduit par l'instigation du diable, avant que la félonie et l'assassinat fût commis par Jean Thurtell, de la manière et dans la forme susdite, avec force et arme, le même jour et l'année susdite, c'est-à-dire au même jour et année susdite, avec force et arme, a malicieusement, félonieusement et avec une malice préméditée, provoqué et excité, aidé, procuré, ordonné, loué, conseillé et dirigé lui ledit Jean Thurtell à faire, commettre ladite félonie et assassinat, de la manière et dans la forme susdite, contre la paix de notredit seigneur le roi, sa couronne et sa dignité. »

J'avais d'abord l'intention de donner cet acte d'accusation en entier; mais je me borne au premier chef, qui est bien suffisant pour donner une idée de ce genre de

rédaction; d'ailleurs le second chef étant encore plus étendu, j'ai craint de fatiguer la patience du lecteur.

Après avoir insisté avec quelque détail sur l'indictment, qui est la forme d'accusation la plus commune en Angleterre, je vais dire quelques mots de l'information' qui constitue une autre manière de procéder criminellement.

Ce qui distingue principalement l'information de l'indictment, c'est que cette dernière espèce d'actes est l'œuvre du jury d'accusation, tandis que l'information est faite directement par l'officier judiciaire, à la requête duquel certaines poursuites sont intentées.

Il y a deux sortes principales d'informations, l'une qui se fait à la poursuite du roi seul, et l'autre qui a lieu en partie à la requête du roi et en partie à celle d'une personne lésée. Cette dernière s'applique surtout aux cas où la loi accorde une partie de l'amende au roi et l'autre partie au dénonciateur. Quant à la première espèce, elle se subdivise en deux autres, celle qui concerne les délits graves intéressant de près le gouvernement et poursuivies d'office par l'attorney général, et celle qui se rapporte à des délits de moindre importance, mais qui intéressent encore le gouvernement et qui ne se poursuivent ordinairement qu'au nom du maître de l'office de la couronne, sur la dénonciation ou plainte des particuliers. Toutefois ces distinctions ne s'observent pas toujours bien exactement, et quelquefois on se sert de l'information pour la poursuite de délits privés, soit à la requête de l'attorney général, soit à celle du maître de l'office de la couronne.

(1) Blackstone, t. IV, p. 308-312; et Tommlins, à ce mot.

Il est certaines actions, par exemple celle contre les délits de chasse, qu'on ne peut poursuivre que par la voie de l'information. Je citerai à cet égard une affaire contre Georges Cullum, portée au bureau de police de Marylebone, en 1824, pour avoir tué un lièvre sans port d'armes, et dans laquelle les parties furent renvoyées sur le motif l'action devait être introduite par la voie d'informa

que

tion.

L'information est à peu près sujette aux mêmes nullités de forme que l'indictment. Il est pourtant quelques points sur lesquels on s'est un peu relâché de cette ri

gueur.

Ce mode d'action criminelle a une origine ecclésiastique', et elle est généralement vue avec défaveur, parce qu'elle porte atteinte à l'institution du jury en dispensant du premier degré de ses attributions; car après que l'information est faite, on passe devant le jury de jugement définitif.

Je terminerai ce paragraphe en indiquant certaines particularités relatives à la présentation des indictmens dans chaque session de cour d'assises, ou dans chaque quarter session des juges de paix. Le jury d'accusation convoqué d'avance par le shériff se présente au commencement de la première audience : là le président lui adresse un discours, dans lequel il lui donne un aperçu des causes qui doivent lui être soumises, en insistant sur les points qu'il croit les plus importans ou les plus difficiles; les jurés se retirent eusuite pour examiner les plaintes et entendre les témoins. Puis, à mesure qu'ils décident, l'un d'eux se rend à l'audience, où souvent la

(1) Ensor, p. 376.

cour est occupée à juger les causes; et sans interrompre les opérations de la cour, il remet à l'un des officiers la décision du jury qui est exprimée par deux mots écrits sur le dos de la plainte. En cas de mise en accusation, ces deux mots sont : true bill (plainte vraie), et dans le cas contraire, not true (non vraie). Cette manière est très expéditive et très économique, d'autant plus que les témoins qui ont été ainsi entendus par le jury d'accusation se trouvent sur les lieux pour comparaître le même jour ou le lendemain devant celui du jugement.

CHAPITRE II.

DES DÉBATS ET DU JUGEMENT définitif.

SIer.

De l'ouverture des débats et de quelques traits généraux qui se rapportent à l'ensemble des débats.

Nous avons vu, dans le chapitre précédent, que l'instruction criminelle préparatoire avait en Angleterre une grande tendance à la rapidité; or une tendance pareille a lieu dans les débats définitifs, où elle est peut-être encore plus remarquable par les combinaisons imaginées pour arriver à ce but par tous les moyens possibles.

En effet, nous avons déjà vu que le jury d'accusation siége en même temps que celui de jugement, et que leurs opérations marchent de front sans se heurter; mais ce qui économise encore beaucoup de temps, c'est que le jury de jugement reste le même pour toutes les causes du même jour, si les accusés n'en demandent pas un autre ;

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