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nous l'avons annoncé, les principales et les plus usitées, il en est quelques autres, mais qu'on peut considérer presque toutes comme imparfaites, car toutes renferment quelque irrégularité, ou bien laissent quelque chose à déterminer, même sur le point de fait. Je crois donc ne devoir entrer dans aucune spécification à l'égard de cette dernière classe, parce qu'elle ne peut guère intéresser que les légistes anglais, ou tout au plus les jurés de la même nation. On peut en voir l'indication dans l'ouvrage de M. Philips, pag. 192, 194.

Il me reste, dans ce paragraphe, à parler du droit qu'a le jury anglais de recommander les accusés à la clé mence royale lorsqu'il pense qu'il y a de fortes considérations en sa faveur, bien que le fait imputé soit établi; mais pour que cette recommandation ait son effet, il faut qu'elle soit prononcée à l'unanimité comme le verdict même. En France nous n'avons rien de semblable, et une telle prérogative serait regardée comme attentatoire aux droits de la couronne, qui, dirait-on, a seule le droit de faire grace, comme si le jury n'était pas meilleur conseil du prince à cet égard que ses courtisans ou même ses ministres, qui ne peuvent jamais connaître aussi bien que les jurés, qui ont eux-mêmes jugé la cause, les circonstances qui peuvent réellement militer en faveur d'un condamné.

S VII.

Du jugement de la conr et de quelques circonstances accessoires.

En Angleterre, le juge ne prononce pas la condamnation dans chaque affaire et de suite après la déclaration du jury, comme cela a lieu en France; mais toutes les

condamnations sont prononcées ensemble à la fin de la session, et tous les accusés condamnés à la même peine sont compris dans un même jugement. Il n'y a qu'une exception pour le cas d'assassinat, et le motif paraît en être que pour un semblable crime on veut frapper aussitôt l'imagination par l'application instantanée de la peine. Mais il me semble que le même motif existe pour tous les crimes d'une même gravité, et seulement à un moindre degré pour ceux qui sont moins graves. Il me semble aussi que cet usage a l'inconvénient de laisser trop long-temps les accusés et leur famille ou leurs amis dans l'attente cruelle de leur sort. Cependant on peut dire en faveur de cet usage qu'il donne aux juges le temps de méditer leurs jugemens, ce qui est plus nécessaire dans un pays où la législation est quelquefois si incohérente ou si incertaine.

Un autre usage, auquel je ne vois aucune excuse et qui serait bien ridicule s'il n'était pas cruel, c'est de prononcer la peine de mort contre tous les individus condamnés nominalement à cette peine, d'après l'atrocité des lois anglaises, quoiqu'il soit déjà arrêté qu'il y a commutation de peine pour le plus grand nombre d'entre eux. Un acte de parlement, passé en 1823 seulement, autorise il est vrai les juges à ne point prononcer la peine de mort en pareil cas; mais par une interprétation singulière, on ne l'applique pas aux cours de Londres et de Middlesex, et l'usage continue ainsi que la harangue d'exhortation à bien mourir, qui ne devient plus alors qu'une farce tout-à-fait inutile.

En prononçant la peine de mort, le juge se couvre la tête d'un voile noir, et adresse aux condamnés l'exhortation dont nous venons de parler; il leur retrace en

même temps l'énormité de leur crime et la nécessité où il se trouve de les retrancher de la société. En France, il n'y a aucun appareil semblable à celui du voile noir, mais le président est aussi autorisé, après toute espèce de condamnation, à exhorter le condamné soit à se conduire avec fermeté et résignation, soit à réformer sa conduite. Il est de plus obligé de l'avertir de la faculté qui lui est accordée de se pourvoir en cassation, ainsi que du terme dans lequel cette faculté est circonscrite.

En Angleterre, après le jugement principal, le juge peut ordonner que le comté paiera les frais de poursuite, mais pour les crimes de félonie seulement', car pour les autres délits, les frais sont toujours à la charge de la partie poursuivante. Le même juge peut aussi statuer sur les dommages de la partie plaignante, mais non sur ceux de l'accusé, qui est obligé d'intenter une nouvelle action.

En France, en cas d'absolution, les frais sont à la charge de la partie civile ou du trésor public, s'il n'y a pas de partie civile. Quant aux dommages, la même cour d'assises peut également statuer en faveur de l'accusé. Cependant si celui-ci n'avait connu son dénonciateur qu'après la session, il peut former une demande postérieure, mais la partie civile est toujours obligée de la former avant le jugement même.

(1) Le statut du 26 mai 1826 a spécifié quelques cas graves de misdemeanour, pour lesquels le juge peut ordonner le remboursement des frais de poursuite, comme pour les cas de félonie.

CHAPITRE IIème ET DERNIER.

DES MOYENS DE SE POURVOIR CONTRE LES VERDICTS DU JURY OU LES JUGEMENS DE LA COUR, DANS LES MATIÈRES CRIMINELLES.

On peut, en général, se référer à ce qui a été dit dans la section de la procédure civile, quant à l'objet du présent chapitre, car les moyens de se pourvoir contre les verdicts et jugemens criminels sont au fond les mêmes qu'au civil. Cette similitude résulte sans doute de l'égale application du jury dans ces deux branches de l'administration judiciaire; il y a bien quelques différences, mais elles sont peu essentielles et ne sont susceptibles d'aucune observation intéressante.

Il est cependant une remarque importante à faire sur le pouvoir qu'a le juge d'attaquer indirectement le verdict d'un jury, mais dans le cas de condamnation seulement, s'il la trouve mal fondée. Alors il en réfère aux autres grands juges, et si tous partagent son opinion, on en fait rapport au roi qui accorde toujours la grace au condamné.

Enfin, ce qui est bien plus extraordinaire et n'a point un côté si favorable que l'usage précédent, c'est que lors même qu'il y a un appel comme d'erreur contre un arrêt de condamnation, le juge peut néanmoins passer à l'exécution sous sa propre responsabilité. Rarement cela a lieu, mais on en cite pourtant quelques exemples, et le fait seul d'une telle faculté me semble une chose bien redoutable.

CONCLUSION GÉNÉRALE DE L'OUVRAGE.

Me voici à la fin d'une tâche dont peu de personnes comprendront toute la difficulté. En effet, à supposer qu'il y ait quelque ordre dans l'arrangement des diverses parties de mon travail, on ue songera pas au chaos épouvantable d'où j'ai dû faire sortir cet ordre, et combien cela devait être surtout embarrassant pour un étranger. On ne songera pas non plus combien il était difficile de réduire à des règles ou classifications générales un aussi grand nombre d'objets, qui tant dans l'esprit des législateurs que dans la pratique, ne furent jamais conçus que dans des vues particulières; enfin, l'on ne pourra imaginer les efforts continuels que j'ai été obligé de faire, pour diminuer autant que possible les formes fastidieuses qui étaient inhérentes à mon sujet et que je devais reproduire à chaque instant.

Quoi qu'il en soit à cet égard, j'ose me flatter du moins qu'on restera persuadé que j'ai tout fait pour compenser ces désavantages naturels par la vérité du tableau que j'avais à présenter. Toutefois, sans même contester la pureté de mes intentions, quelques personnes diront peut-être Comment serait-il possible que vos couleurs fussent vraies lorsque, dans tout le cours de votre ouvrage, on trouve un système politique arrêté, auquel vous rapportez sans cesse les faits et vos jugemens?.... Je répondrai qu'en effet je crois avoir un système de principes bien déterminés, dont jamais rien, je l'espère, ne pourra me faire départir. Ces principes sont appuyés sur le vif désir de voir établir partout l'égalité civile, qui n'est à mes yeux que la justice appliquée à l'exercice des droits

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