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premiers besoins; veillez d'une part à notre subsistance, sur-tout à celle du pauvre, qui doit être le premier objet de vos sollicitudes; travaillez à nous donner une bonne constitution et des lois sages; travaillez-y sans relâche et dans le sein de la paix, faites que le fer ennemi ne moissonue plus nos guerriers; que le sang de nos frères ne coule plus; alors les étrangers, envieux de notre sort, viendront admirer notre gouvernement et nos campagnes, ils s'y complairont; le commerce, l'industrie et les arts renaîtront et fleuriront. Pour récompense de vos bienfaisans travaux, vous entendrez chaque citoyen se dire que je suis heureux d'être né dans ce pays et de l'habiter! O que ma patrie est belle et glorieuse! je donnerais, pour elle, mon sang. Tous les français chanteront, chaque jour, les louanges de nos guerriers, des pères de la patrie. Ils se réjouiront avec vous d'avoir contribué à sa défense, à sa Constitution; en un mot, à son bonheur, et de contribuer encore à ses besoins.

CHAPITRE XXVIII.

Opinion d'un Jurisconsulte Patriote sur le procès intenté à Louis XVI, dernier roi des Français, extraite du numéro 5 du tome VI de la Gazette des Tribunaux et Mémorial des Corps administratifs et municipàux.

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A République française peut désormais s'élever sans obstacles à la hauteur de ses destinées. Ce trône, qui interceptait les influences bienfaisantes de la liberté, est tombé sous la foudre du Peuple; le tyran est enchaîné au milieu des débris de sa couronne et de son sceptre fracassé; et je crois voir cette main terrible qui, troublant jadis la joie d'un festin, traça sur le mur la condamnation d'un roi profanateur, écrire, sur le sommet de la tour du Temple, dans tous les dialectes, LA DERNIÈRE HEURE DES ROIS APPROCHE. Envain plusieurs d'entr'eux ont déjà jeté le cri de la guerre; envain ils ont appelé leurs esclaves; envain ils leur ont dit d'aller exterminer ce Peuple qui a l'audace de vouloir être libre: la terre de la liberté les a engloutis. Qu'ils sachent donc que des fondemens de ce trône abattu, sortiront tou

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jours des foudres et des éclairs pour anéantir ceux qui tenteraient de le relever; comme autrefois des ruines d'un temple fameux s'élançaient des flammes dévorantes pour repousser les mains qui s'efforçaient de le reconstruire.

Attentive aux progrès étonnans de notre révolution, l'Europe a les yeux fixés sur la grande question qui occupe aujourd'hui les représentans du Peuple français. Louis XVI sera-t-il jugé? Louis XVI sera-t-il puni ? Problêmes importans, de la solution desquels dépend en quelque sorte l'honneur national. Sans doute l'Assemblée, dépositaire des intérêts et de l'honneur d'un grand Peuple, proportionnera ses soins, son attention, sa marche prudente à l'importance de la délibération, et ne coupera point avec l'épée ce noeud qu'il faut décomposer avec sagesse. Elle accueillera toutes les opinions de quelque part qu'elles viennent, sachant que tout citoyen aujourd'hui a, pour ainsi dire, sa tribune d'où il doit être écouté.

Avant d'aborder cette grande question, je me suis interrogé, et j'ai appliqué la pierrede-touche sur tous mes sentimens; j'ai cherché à me faire une image du meilleur juge dans ce procès trop célèbre : ce serait, me suis-je dit, un homme qui ne serait jamais entré dans le tourbillon de l'ambition; qui, servant sa patrie par un travail utile mais borné nè connaîtrait Louis XVI que de nom; qui n'aurait jamais vu la cour que pour en concevoir des idées désavantageuses, dont la plunie, aussi libre et aussi pure que

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son cœur, ne se serait jamais vendue à aucun parti, ni déshonorée par la flatterie; un homme qui, dès sa jeunesse, aurait détesté les tyrans; qui, l'imagination et le cœur pleins des beaux temps de la Grèce et de Rome, aurait palpité, dès son enfance, au seul nom de la liberté; aurait reproché plus d'une fois à la nature de l'avoir attaché, en naissant, à la chaîne d'un despote. En traçant cette image, je n'ai fait que tracer mon portrait.

J'entáme donc avec confiance une discussion difficile; je parlerai en homme qui s'intéresse vivement à la gloire de son pays, qui voudrait voir tous les Peuples régénérés à la liberté, et qui souvent aime à se représenter cette fédération du genre humain, qu'il faut plus que jamais espérer; et la philosophie versant, sur toutes les latitudes du globe, des torrens de lumière.

Vouloir se dissimuler les crimes de Louis XVI, ce serait prétendre que la morale peut être soumise à des variations, qu'elle n'est pas la même pour les rois et pour le vulgaire des hommes; et que, semblable à cet instrument avec lequel la physique estime la température de l'atmosphère, elle présente des changemens et des différences à une certaine élévation. Il n'est point nécessaire d'offrir ici le tableau hideux des crimes de Louis XVI, ni d'examiner s'ils ont eu leur source dans la corruption de son cœur, ou dans les illusions qui environnent tous les trônes; il n'est point nécessaire de rappeler ni cette hypocrisie par laquelle il voulait en imposer à la Nation qu'il trahissait, ni tous ces engagemens foulés

aux pieds, au mépris de tout ce qu'il y a de plus sacré; ni ces sermens perfidement violés, ni l'autel de la patrie tant de fois souillé par des protestations que prononçait sa bouche, mais que désavouait son cœur ; ni son palais rempli d'assassins au mois de Février 1791, ni ces corbeilles chargées de poignards destinés à égorger les patriotes, ni sa perpétuelle connivence avec l'ennemi du dehors, ni ses trésors répandus avec profusion pour accélérer la contre-révolution, ni cette fuite à Varennes, ni ses mensonges, ni ses ruses, ni sa félonie, ni ce dernier projet du 10 Août, qui a mis le sceau à tous les crimes précédens.

Si par la question Louis XVI est-il jugeable? on entend Louis XVI est-il criminel? On ne pourrait répondre qu'affirmativement à la question. Mais, si cette question: Louis XVI est-il jugeable? doit se traduire en celle-ci Louis XVI peut-il être mis en cause? Le problême n'est pas aussi facile à résoudre.

Je n'examine pas si c'est une mesure bien politique de la part de la Convention, de se charger de ce procès; si ce n'est pas reconnaître encore Louis XVI pour roi, lorsqu'il ne l'est plus, que de le juger avec cet appareil; si ce n'est pas relever aux yeux du Peuple la prétendue dignité des rois, si ce n'est pas lui dire que les rois sont au-dessus des hon mes ordinaires, qu'ils sont d'une autre nature que le vulgaire des citoyens, que ce titre de monarque imprime un caractère indélébile de majesté, de grandeur, qu'il suffit de porter une couronne pour n'être plus un

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