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donné vingt-quatre heures pour faire ses réflexions. Je donnai à la personne qui me consultait, l'avis de se montrer disposée à entrer dans cette coalition, pourvu qu'auparavant on lui fit connaître son organisation, ses projets, ses moyens, et les personnes dont elle était composée; je lui recommandai expressément de ne rien oublier de ce qu'on lui dirait, et particulièrement de s'assurer du nom et de la demeure de ce maréchal-decamp; il me promit de ne pas tarder à venir m'instruire du résultat de sa seconde conversation avec lui. Il revint en effet le lendemain, et me rendit le compte le plus détaillé de ce qui s'était passé : j'en pris une note exacte que je lus le soir même au conseil; le roi en fut indigné, et ordonna au ministre de l'intérieur d'en faire sur-le-champ la dénonciation au directoire du département, et de lui recommander de faire toutes les recherches possibles pour découvrir ce prétendu maré-ch. 1-de-camp, de le faire veiller de très-près, et de s'assurer de sa personne, s'il y avait licu. Comme cette lettre fut écrite au même instant par M. Cahier de Gerville, et envoyée immédiatement après le conseil, il est possible qu'il n'en ait pas gardé de minute; mais Poriginal se trouvera aisément dans le dépôt du directoire du département. Les recherches ordonnées par le roi, furent faites avec soin: on était parvenu à découvrir le domicile de cet homme; mais il se cachait depuis plusicurs jours, de manière qu'il n'avait pas été possible de le surprendre. Il paraissait au sur

plus, par les notes qu'on s'était procurées sur son compte à la police, que cet homme était non-seulement un mauvais sujet, mais une très-mauvaise tête. Quoiqu'il en soit, la conduite du roi dans cette affaire, prouve au moins, qu'il ne favorisait pas les coalitions prétendues formées pour sa sureté.

Troisième Fait.

Dans le mois de janvier dernier, M. Cahier de Gerville, faisant lecture au conseil d'un projet de proclamation, le roi l'arrêta à une phrase où se trouvait ces mots, l'amour de mon Peuple, et lui dit de les corriger par ceux-ci, l'amour du Peuple Français. Je ne puis plus (ajouta-t-il d'une voix émue et les yeux gonflés de larmes), je ne puis plus dire MON PEUPLE, mais on a beau faire, ce sera toujours l'expression de mon cœur. Ce fait intéressant peut être attesté par les ministres qui composaient alors le conseil, et j'adjure tous ceux qui les y ont précédés ou suivis, de déclarer s'ils n'ont pas reconnu, dans plusieurs circonstances, qu'un des sentimens les plus dominans chez le roi, était l'attachement

plus profond, le plus tendre, et le plus touchant pour le Peuple Français. On n'a pas oublié que le jour même de son arrivée de Varennes, l'un des premiers officiers de sa maison lui témoignant ses regrets sur le mauvais succès de cette démarche, et particulièrement sur l'augmentation de crédit et de puissance qui en résultait pour l'Assemblée, il fit sur-le-champ cette réponse remarqua

ble: Tant mieux, mille fois tant mieux, pourvu qu'elle s'en serve pour le bonheur du Peuple.

Quatrième Fait.

Dans la séance du 6 de ce mois, le rapperteur Valazé, a fait la lecture d'une note trouvée chez moi, sur un nouvel ordre de chevalerie de la reine; et pour donner plus d'importance à cette pièce, qui a excité, avec grande raison, unérisée générale dans l'Assemblée, il a dit qu'elle avait été trouvée dans mon portefeuille. Le rapporteur Valazé s'est trompé, et si l'Assemblée veut bien se faire représenter le procès-verbal de la levée des scellés qui avaient été mis chez moi, elle y verra que ce n'est dans aucun de mes porte-feuilles que cette pièce a été trouvée; mais, puisqu'il faut le dire, dans le scau de faïence qui était dans ma garde-robe; il eût été difficile d'en faire usage, si on ne l'eût pas séparée d'un billetd'envoi qui était dans le même seau. Ce billet, daté des premiers jours de septembre ou d'octobre 1790, était à peu près conçu en ces termes: « Je vous envoie la note dont je vous ai

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parlé avant-hier; je vous préviens que je la » tiens d'une personne dont la tête est exaltée; » ainsi vous en croirez ce que vous voudrez ». Le lieu où elle a été trouvée, prouve que j'en avais porté le même jugement que la Conven'tion nationale.

Les membres du comité de surveillance de la commune qui firent l'examen de tous les papiers contenus dans le seau, et qui y employèrent près de neuf heures, suivant le rapport

de la personne qui y assistait pour moi, y

trouvèrent aussi une liste du comité autrichien, composée d'environ trente noms, tous fabriqués, et ils s'empressèrent de saisir cette pièce, qu'ils regardèrent d'abord comme une découverte très-importante: heureusement la clef de ces noms se trouvait écrite en seconde colonne sur la même page, et on y lisait ceux de MM. Sveves, Condorcet, Brissot, Robespierre, etc. etc. Mais si la clef eût été écrite sur une feuille différente, et qu'on eût pu la'séparer de la liste, aussi aisément qu'on a séparé la note sur l'ordre de chevalerie de la reine, du billet d'envoi, on aurait pu alors employer cette liste comme une grande preuve de l'existence du comité au

trichien.

Tels sont les faits que j'ai cru devoir faire connaître à l'Assemblée, et dont l'exactitude sera constatée par les preuves que je cite, et qu'elle pourra faire vérifier, ou par les témoins que j'indique, et qui pourront être entendus. J'en aurais eu un bien plus grand nombre à présenter, si les catastrophes du mois de septembre n'avaient pas mis en fuite ou fait périr les personnes qui auraient pu en attester la vérité, ou en rapporter des preuves écrites.

Signé, DE BERTRAND.

Fin du Tome second.

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