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de nouveau leurs villages, ni les officiers ni les soldats du 1716. Presidio n'auraient la permission d'aller chez eux sans leur consentement. Emus par les paroles de St. Denis, les fugitifs, qui regrettaient sans doute leur demeure héréditaire, consentirent à retourner avec lui. St. Denis se mit à leur tête, et les ramena en triomphe à don Pedro, qui craignait que la fuite de ces Indiens ne lui fût reprochée, et ne fût attribuée à quelque acte de tyrannie ou d'inconduite de sa part. Aussi, fut-il très reconnaissant du service que St. Denis lui avait rendu.

St. Denis, pendant le séjour qu'il avait fait sous le toit hospitalier de don Pedro, s'était laissé captiver par les charmes de la fille du vieil hidalgo, et elle-même n'avait pas paru insensible au mérite du jeune officier français. Fort de l'amitié que lui témoignait don Pedro, et enhardi par le service qu'il venait de lui rendre, St. Denis lui demanda la main de sa fille, et l'obtint. Il passa six mois avec sa jeune femme; mais enfin, sentant qu'il ne pouvait plus prolonger son séjour au Presidio, et qu'il était de son devoir d'aller rendre compte de l'expédition dont il avait été chargé, il se décida à partir, et à s'éloigner de sa femme, quoiqu'elle fût enceinte. Il se mit en route, et arriva en août 1716 à la Mobile, accompagné de don Juan de Villescas, l'oncle de sa femme.

Crozat ayant recommandé que, malgré la non réussite de l'expédition de St. Denis, on fit une seconde tentative de commerce avec les provinces espagnoles par l'intérieur des terres, ses agents à la Louisiane fournirent. des marchandises à trois Canadiens, nommés Delery, Lafrenière et Beaulieu, qui partirent au mois d'octobre, et qui, remontant la rivière Rouge, se mirent en route pour la province de Nuevo Leon. Pour empêcher les Espagnols d'occuper les Natchitoches, où St. Denis avait laissé quelques hommes, il fut ordonné à un détachement sous les ordres de Dutisné d'aller s'y établir, d'y bâtir un fort et d'y tenir garnison.

1716.

Il n'est pas sans intérêt d'examiner le budget des dépenses que le commissaire-ordonnateur Duclos croyait indispensables pour l'entretien de la colonie de la Louisiane, en 1716: Un gouverneur, Un commissaire,

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Un lieutenant de roi,

Un aide-major,

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6,000 livres.

6,000

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On voit que, sous le rapport des finances, l'administration de Messieurs de Lamothe Cadillac et Duclos, n'avait pas reposé sur une base bien large.

CHAPITRE VII.

M. DE L'ÉPINAY, QUATRIEME GOUVERNEUR. —HUBERT, COMMISSAIRE
ORDONNATEUR. -CROZAT REMET AU ROI LA CHARTE QUI LUI
CONCÉDAIT LA LOUISIANE.

LE 9 de mars 1717, trois navires de Crozat arrivèrent de France, avec trois compagnies d'infanterie, cinquante colons, Messieurs de l'Epinay, gouverneur, et Hubert, commissaire-ordonnateur, nommés par une ordonnance du 8 octobre 1716.

Dans l'espoir d'empêcher la lutte de pouvoir qui ne manquait jamais de se déclarer entre tous les gouverneurs et les commissaires-ordonnateurs envoyés à la Louisiane, et pour prévenir les tiraillements et les dissentions qui en étaient les suites, le gouvernement avait tâché, autant que possible, de définir leurs pouvoirs respectifs, et leur avait énergiquement recommandé la concorde et l'esprit de conciliation. Dans ce but, les instructions suivantes leur avaient été remises :

LE MINISTRE,

A Messieurs de l'Epinay et Hubert.

"Tout ce qui regarde la dignité du commandement et le militaire, est pour le gouverneur seul. C'est à lui à déterminer les fortifications et les ouvrages sur les projets et les devis de l'ingénieur, après toutefois en avoir

1717.

1717. conféré avec le commissaire-ordonnateur, que les marchés, la dépense, et les moyens de trouver les fonds, regardent uniquement, et ils doivent envoyer conjointement les plans et les devis estimatifs, pour recevoir les ordres de Sa Majesté à ce sujet.

"L'administration des fonds, des vivres, munitions, marchandises, et généralement tout ce qui a rapport aux magasins, appartient au commissaire-ordonnateur, et il ne doit être fait aucune communication, vente, ou autre chose, que sur ses ordres, mais du consentement et avec la connaissance du gouverneur. Si cependant le sieur de l'Epinay juge convenable de faire quelque dépense extraordinaire pour le service, Sa Majesté souhaite que le sieur Hubert l'ordonne conformément à sa demande, et qu'ils en rendent compte l'un et l'autre. Elle recommande au sieur de l'Epinay de ne s'y point déterminer sans une nécessité absolue.

"Ils doivent avoir l'un et l'autre une grande attention pour que les fonds, que Sa Majesté fait tous les ans pour les dépenses de la colonie, soient bien et utilement employés, et Sa Majesté ne veut point qu'il soit fait aucun excédant de dépense.

"Le détail et l'administration des hôpitaux regardent aussi le commissaire-ordonnateur; mais sa Majesté recommande au sieur de l'Epinay d'avoir attention que les choses se passent dans les règles.

"L'administration de la justice regarde pareillement le commissaire-ordonnateur, en sa qualité de premier conseiller et de premier juge.

"A l'égard de la police, elle est commune entre le gouverneur et le commissaire-ordonnateur, et ils doivent la faire conjointement, et y tenir la main avec exactitude.

"Ils doivent aussi donner conjointement les concessions de terres, et favoriser l'un et l'autre tout ce qui pourra avoir rapport au commerce, dans lequel ils ne doivent pourtant entrer que pour donner protection aux commis

du sieur Crozat, et les aider quand ils en auront besoin, 1717. et autant qu'il sera en leur pouvoir.

"Si, après ces explications, il survient quelque difficulté entre les sieurs de l'Epinay et Hubert, à laquelle on n'ait pas prévu, Sa Majesté souhaite, qu'ils s'en expliquent ensemble avec douceur et amitié, et toujours en vue du service et du bien public, et s'ils ne peuvent pas s'entendre, ils proposeront chacun leurs raisons, sur lesquelles Sa Majesté leur fera savoir ses intentions.

"Ils trouveront ci-incluses les lettres patentes qui établissent pour toujours le conseil supérieur de la Louisiane, et Sa Majesté se remet à eux d'en tenir les séances à l'île Dauphine, ou au fort St.-Louis de la Mobile, suivant qu'ils l'estimeront plus convenable et plus commode pour les habitants.

"L'ile à la Corne est concédée à M. de Bienville en roture, ne voulant pas la donner en fief, comme elle avait été demandée."

On voit par ce document qu'une faveur féodale que Bienville avait demandée lui était refusée, mais, d'un autre côté, on lui donnait la croix de St. Louis que M. de l'Epinay était chargé de lui remettre. Cela ne calma pas le mécontentement de Bienville qui se croyait, plus que tout autre, des titres au gouvernement de la Louisiane. Aussi, à peine M. de l'Epinay était-il dé barqué, qu'une funeste mésintelligence éclatait entre lui et Bienville, et que la colonie se divisait encore en deux partis ennemis, Bienville avec sa faction d'un côté, et de l'autre, l'Epinay, Hubert et tous ceux qui étaient mécontents ou jaloux de Bienville.

Une convention avait été faite entre Crozat et de l'Epinay, par laquelle Crozat s'engageait à donner à de l'Epinay une somme de 2000 livres par an et lui accordait divers autres avantages, à condition qu'en sa qualité de gouverneur il ferait strictement et sévèrement exécuter l'ordonnance royale qui concédait à Crozat le

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