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1515. perdu plusieurs de ses compagnons, qui moururent de froid, retourna en France avec ceux qui avaient survécu à l'inclémence de l'atmosphère et aux fatigues de ce long voyage.

1524.

Cette tentative fut faite par de simples particuliers qui n'avaient consulté que leur courage, et n'avaient agi qu'avec leurs propres ressources. Ce ne fut qu'en 1524 qu'un florentin, nommé Véranzani, fut commissionné par François Ier pour aller explorer l'Amérique, aux dépens de la couronne de France. II aborda aux environs du cap Hatteras, et fut bien accueilli par les aborigènes. Il fit plusieurs autres voyages, dans un desquels il périt, sans avoir rien accompli 1534. d'utile pour la France. En 1534, une autre expédition, commandée par Cartier, partit de St.-Malo, et entra, après une heureuse navigation, dans une baie située au sud de la rivière St. Laurent. Peu de temps auparavant, un navire espagnol avait naufragé dans ces parages, et quelques matelots avaient échappé à la fureur des vagues. Dès qu'ils virent arriver les navires de Cartier, ils accoururent sur le rivage. Les Français leur ayant demandé quel était le nom du pays dans lequel ils se trouvaient, l'un de ces malheureux qui était pressé par la faim, et qui crut qu'on lui demandait s'il y avait quelque chose à manger, répondit : Aca nada. (Il n'y a rien ici.) Les Français comprirent que cette terre s'appelait Canada, et ce nom lui est resté. Telle fut, si elle est vraie, la plaisante origine du nom donné à un pays dont la Louisiane a été long-temps une dépendance, et dont elle a tiré un grand nombre de ses habitants.

Les Français sont les premiers qui ont fondé une colonie à la Louisiane, et qui lui ont donné le doux nom qu'elle porte. Mais ce fut un Espagnol qui la découvrit, et qui y promena le premier ses regards explorateurs. Il s'appelait Hernando de Soto, et avait été l'un des plus illustres compagnons de Pizarre. Après avoir aidé à la

conquête du Pérou, il avait obtenu du roi d'Espagne le 1534 gouvernement de St. Yago de Cuba, avec la permission de porter la guerre dans la Floride et de la subjuguer. Il avait, de plus, le privilège d'en être le gouverneur et capitaine-général, sa vie durant, et d'y établir un marquisat à son choix, de trente lieues de long sur quinze de large. Soto avait acquis dans le Pérou des richesses immenses, mais il était loin de songer à en jouir dans la mollesse et le repos. Il est de ces hommes pour lesquels l'inaction est le plus pénible de tous les tourments. Leur ambition dédaigne la couche de la volupté et les plaisirs sensuels de l'épicurien. Il leur faut le bruit des armes, le son du clairon, le triomphe du guerrier et l'immortalité d'une vie historique. Telles sont les délices de ces ames fortement trempées qui se nourrissent de mouvements et d'émotions. Tel était Hernando de Soto, que fatiguaient les exploits de Pizarre et de Cortès. Nouveau Thémistocle, les lauriers de ses rivaux l'empêchaient de dormir. Aussi cherchait-il de tous côtés le théâtre de ses exploits futurs. Il crut l'avoir trouvé dans la Floride, et il n'aspira plus dès lors qu'à en devenir le conquérant. Il équipa à ses frais une flotte, mille hommes d'infanterie et trois cent cinquante chevaux, avec lesquels il partit de la Havane. Après sept jours de navigation, il aborda à la baie de Santo Spiritu, le 31 mai 1539. Cette petite armée était composée de gens 1539. d'élite, parmi lesquels se trouvaient, dit Garcilasso, six des conquérants du Pérou et beaucoup de gentilshommes d'une haute naissance, que la réputation de Hernando de Soto avait attirés sous son commandement. Il y avait en outre vingt-deux ecclésiastiques, que l'Adelantado ou gouverneur-général emmenait avec lui pour les besoins spirituels de son armée, et pour travailler à la conversion des Indiens.

Peu de tems après qu'il eut pris terre, des onze navires qui composaient sa flotte, il renvoya les sept plus

1539. grands à la Havane avec ordre de les mettre à la disposition d'Isabelle de Bobadilla, sa femme, et il ne garda que quatre embarcations légères ou brigantins qu'il confia au commandement de Pédro Calderon qui, entr'autres mérites, avait celui d'avoir servi sous le grand capitaine, Gonzalve de Cordoue. Arrivé à Hirrihigua, village situé à deux lieues dans l'intérieur, il y séjourna quelques jours pour donner le tems à ses bagages d'arriver, et il continua ensuite sa route vers les Apalaches. Mais chaque pouce du sol lui présenta des difficultés qui paraissaient presque insurmontables. Devant lui se déroulait un océan de forêts entrecoupées de marais impraticables, et chaque arbre semblait receler un indien dont la flèche était dirigée contre sa personne et contre ses compagnons. Le pays était divisé en plusieurs districts, et la ville principale de chaque district portait le nom du district. Plusieurs de ces divisions territoriales étaient gouvernées par des femmes, qui montrèrent un cœur plus compatissant que celui des caciques voisins. Elles exercèrent envers les Espagnols une hospitalité généreuse et leur offrirent toutes les provisions dont ils pouvaient avoir besoin. Garcilasso prétend que l'une d'elles, nommée Cofachiqui, présenta à Soto une incroyable quantité de perles de la plus grande beauté, et il compare l'entrevue de cette reine et de Soto à celle de Cléopâtre et de Marc Antoine, bien qu'elle fût, ajoute-t-il naïvement, inférieure en magnificence et en majesté. Après que ses troupes se fussent un peu rafraîchies, Soto continua sa route. Mais dans l'intervalle de repos qu'il avait pris, plusieurs caciques s'étaient confédérés pour s'opposer à l'ennemi commun, et Soto eut à livrer de nouveaux combats dont il sortit toujours vainqueur. Car les flèches des sauvages ne pouvaient rien contre des hommes dont la plupart étaient couverts d'une armure à l'épreuve des armes offensives de leurs ennemis, tandis

que le fer espagnol perçait aisément le corps sans dé- 1539. fense de l'enfant des forêts. L'artillerie et les arquebuses multipliaient la mort dans leurs rangs, et ces effrayantes détonnations, répétées par des milliers d'échos, portaient la terreur dans leurs cœurs. Ils croyaient que des enchanteurs avaient fait descendre le feu du ciel pour les dévorer.

Après avoir surmonté tous les obstacles, Soto pénétra dans les Apalaches, où il résolut de passer l'hiver. Au retour du printemps, Soto s'avança au Nord Ouest, parcourut une partie des Etats actuels de la Georgie, du Tennessee, du Kentucky, et pénétra jusqu'au 37me degré de latitude Nord. De là, il se dirigea Sud Ouest jusqu'à la baie de la Mobile, au travers du territoire des Tuscaloussas, des Mobiliens et des Alabamas. Les Mobiliens firent la plus courageuse résistance à cette invasion étrangère, mais ils furent complètement défaits. Il parait que le carnage fut affreux, car Garcilasso, l'historien de Soto, nous apprend que les Indiens perdirent onze mille hommes, et qu'à la prise de leur capitale, plus de mille femmes qui s'étaient réfugiées dans un édifice, y périrent dans les flammes. Soto laissa son armée reposer un mois parmi les débris de sa triste victoire, et se rendit ensuite dans le pays des Chickassas, parmi lesquels il passa l'hiver.

Soto courut les plus grands dangers parmi cette nation belliqueuse. Lorsqu'il arriva sur son territoire, il ne vit autour de lui que des figures sombres et farouches et devina aisément les intentions hostiles des Indiens. Aussi, se tint-il sur ses gardes et ce fut à sa prudence qu'il dut sa conservation et celle de ses compagnons. Les Espagnols arrivèrent au principal village des Chickassas, le ler Décembre 1540, et le trouvèrent abandonné. 1540. Voulant y établir leurs quartiers d'hiver, ils firent provision de vivres et transportèrent des villages voisins toute la paille et tout le bois qui leur étaient néces

1540. saires pour se construire des cabanes, car celles qui composaient cette bourgade, quoiqu'elles fussent au nombre de deux cents, ne leur étaient pas suffisantes. Ils y passèrent deux mois assez tranquillement et n'étant inquiétés que par des escarmouches de nuit que leur livraient les Indiens. Toutes ces attaques furent facilement repoussées, mais l'évènement prouva que cette apparente mollesse des Indiens n'était qu'une feinte pour endormir les Espagnols dans une fatale sécurité.

1541.

Vers la fin de janvier 1541, les Indiens profitèrent d'un vent de Nord qui soufflait avec violence et qui était favorable à leurs desseins. Ils marchèrent dans le plus profond silence, sur trois colonnes, contre le village que les Espagnols occupaient et qu'ils avaient fortifié. Ils arrivèrent à cent pas des sentinelles sans être aperçus. Il était alors une heure du matin. Ils commencèrent l'attaque en poussant des hurlements affreux et avec grand bruit de toute espèce d'instruments sauvages. Ils étaient munis de torches faites avec une espèce de jonc tressé, qui croît dans le pays et qui, étant allumé, garde le feu et brule comme une mèche d'arquebuse. Lancées dans l'air, ces torches, au lieu de s'éteindre, ne deviennent que plus ardentes. Au bout de leurs flèches, ils avaient attaché des anneaux faits avec ces mêmes joncs, pour incendier les toits en paille des cabanes espagnoles. Le succès couronna un plan aussi bien concerté et en quelques minutes tout le village était en feu.

Bien que pris à l'improviste, les Espagnols ne furent pas déconcertés et la promptitude de la défense répondit à celle de l'attaque. Le gouverneur, qui ne manquait jamais de se tenir toujours prêt contre toutes les surprises de ce genre, fut le premier à cheval. L'attaque des Indiens fut si brusque, qu'elle ne lui donna que le temps de se couvrir d'un bouclier, d'un casque

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