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HISTOIRE

DE LA

LOUISIANE.

CHAPITRE XVII.

ORDONNANCE SUR LES LEVÉES ET SUR LE PAPIER MONNAIE.-
TRAITE EXCLUSIVE SUR LE MISSOURI ET SES AFFLUENTS AC-
CORDÉE À DÉRUISSEAU.-INTRIGUES DES CHACTAS ET DES
CHICKASSAS.-MÉMOIRE DE DEVERGÈS SUR L'EMBOUCHURE DU
FLEUVE. POPULATION DE LA NOUVELLE ORLÉANS ET DE LA
COLONIE. LENORMANT REMPLACE SALMON, COMME COMMIS
SAIRE-ORDONNATEUR.-FORTIFICATIONS DE LA LOUISIANE.-OU-

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RAGAN TERRIBLE.

LES Chickassas ne furent pas plutôt informés de l'ar- 1743. rivée d'un nouveau gouverneur, qu'ils lui députèrent, pour demander la paix, quatre de leurs chefs avec un français, nommé Carignan, qu'ils retenaient prisonnier depuis long-temps. Ces chefs se rendirent d'abord chez les Alibamons, d'où ils envoyèrent Carignan à la Nouvelle-Orléans avec des lettres qu'ils avaient fait écrire au marquis de Vaudreuil. Par ces lettres, ils demandaient qu'on leur accordât la paix et qu'on leur procurât des secours en munitions et marchandises qui leur étaient nécessaires. Ils marquaient en même temps que s'ils gardaient les autres Français qui étaient encore chez eux, ce n'était que pour obtenir plus facilement leur demande. M. de Vaudreuil leur

1743. fit répondre qu'il leur accorderait la paix à deux conditions:

1744.

1°. Qu'il ne serait rien conclu que de concert avec les Chactas, auxquels les Chickassas seraient tenus de donner une satisfaction convenable pour tout ce qu'ils avaient fait contre eux à l'instigation des Anglais.

2°. Qu'ils chasseraient de leurs villages les traiteurs anglais, auteurs de tous les malheurs qui leur étaient arrivés.

Le 18 octobre, messieurs de Vaudreuil et Salmon lancèrent une ordonnance qui obligeait les habitants de faire leurs levées avant le 1er. janvier 1744, sous peine pour eux de voir réunir leurs terres au domaine de la

couronne.

Cette pénalité était assez sévère pour assurer l'exécution de l'ordonnance et il est probable que les levées furent régulièrement faites et entretenues.

Le budget des dépenses de la colonie fut, cette année, de 348,528 livres.

Au commencement de 1744, M. de Vaudreuil informa son gouvernement qu'il avait fait des présents aux sauvages et morigéné le Soulier Rouge qu'on aurait dû, suivant lui, traiter plus durement qu'on ne l'avait fait jusqu'à présent. "Je l'ai menacé, dit-il, de lui ôter sa médaille à la première faute et de lui retrancher ses présents. Les Chactas sont affectionnés et soumis.

"Les Chickassas continuent à demander la paix. J'en ai parlé aux Chactas, qui m'ont dit d'en faire à ma guise et que ma décision, quelle qu'elle fût, serait agréée par eux. Les Chickassas auraient accepté mes conditions de paix basées sur l'expulsion complète des Anglais, si j'avais pu leur fournir toutes les marchandises dont ils ont besoin. Mais les magasins sont vides de marchandises et de munitions, et je n'ai pu m'exposer à un manque de foi." M. de Vaudreuil termine sa dépêche en demandant avec instance des vivres et des

munitions et en affirmant que, s'il en était pourvu, il 1744. gagnerait facilement toutes les nations sauvages. D'ailleurs, la demande de marchandises est le refrain de toutes ses lettres, et il ne cesse d'assurer le gouvernement français que c'est le seul moyen d'exercer de l'influence sur les sauvages et d'en conjurer les hostilités.

Les Chickassas, qui avaient proposé aux Français de traiter de la paix sans la participation de leurs alliés, les Chactas, proposaient aussi à ces derniers de faire la paix sans consulter les Français. A ce sujet, M. de Vaudreuil écrivait en date du 17 septembre : "Il parait que les Chickassas ont fait proposer la paix aux Chactas sans ma participation, et que les Chactas sont assez disposés à l'accepter de même. Ce serait pour les Anglais un excellent moyen de rentrer chez les Chactas et de les mettre dans leurs intérêts contre nous. Ce changement de dispositions est étrange et contraste singulièrement avec la soif de guerre et de vengeance que les Chactas manifestaient naguère. Je ferai tout ce que je pourrai pour neutraliser ces efforts qui tendent à notre perte, mais il ne faut pas se dissimuler que nous n'avons rien, que nos magasins sont vides et que, entre nous qui ne pouvons que promettre et les Anglais qui donnent, le choix n'est pas douteux pour les sauvages. Déjà plusieurs sont allés traiter de leurs pelleteries aux Alibamons avec les Anglais, et cet exemple sera contagieux. Tout ce que je puis faire, c'est d'insinuer qu'il n'y a nulle bonne foi dans toutes ces propositions des Chickassas, qui veulent probablement attirer leurs ennemis pour les mieux frapper par surprise, ou qui cherchent tout au moins, à l'abri de ces pourparlers, le moyen de faire tranquillement leurs récoltes."

Après avoir fait cet exposé, M. de Vaudreuil redemande avec plus de vivacité que jamais des vivres et des marchandises, en alléguant que, sans cela, il ne ré

1744. pond pas que tous les sauvages ne passent aux Anglais. Le 27 d'avril, le conseil d'Etat avait pris l'arrêté suivant:

"Attendu que le papier de carte et les billets perdent, suivant l'information que nous avons reçue, 200 pour cent sur l'argent comptant et que, par conséquent, tout est devenu d'une cherté excessive, nous avons jugé, pour faire cesser ces inconvénients préjudiciables à nos finances, au bien de la colonie, et aux progrès de son commerce, devoir faire retirer la totalité des cartes et des billets qui se trouveront répandus dans le public, pour en supprimer le cours, en prenant d'ailleurs des mesures pour pourvoir aux fonds nécessaires au paiement des dépenses que nous ordonnons ; mais comme il ne serait pas juste que nous fissions le remboursement de ces cartes et billets au pair, puisque les dépenses pour le paiement desquelles ils ont été délivrés, ont été portées à des prix proportionnés au discrédit public, nous avons résolu d'ordonner le remboursement de ces valeurs, à la réduction de cent cinquante pour cent, en lettres de change sur le trésorier genéral de France, et nous annulons les cartes et billets qui ne seraient pas rapportés dans les deux mois qui suivront l'enrégistrement des présentes."

On se rappelle que le gouvernement, malgré l'avis contraire de Bienville et de Salmon, avait, en 1735, fait une émission de monnaie de cartes qui, avait-on dit aux colons, ne devait pas avoir le sort du papier de la compagnie des Indes, attendu que le papier du roi devait nécessairement offrir des garanties meilleures que celles d'aucune compagnie. Mais à peine neuf années s'étaientelles écoulées, que ce papier perdait 200 pour cent, et que le gouvernement français profitait de cette circonstance pour retirer, avec une réduction de 150 pour cent, son propre papier, qu'il avait émis au pair. Ainsi, c'était toujours la même répétition relativement à ce misérable

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