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Mais quoiqu'on n'ait encore envisagé cette question que comme étant du ressort de l'hydrostatique, il est facile de voir qu'elle peut être ramenée à des considérations purement géométriques; et comme ces considérations peuvent toutes être fournies par la théorie de la courbure des surfaces, nous allons nous en occuper pour offrir ainsi la première application étendue de cette même théorie. En traitant un sujet illustré déja par les travaux des savans les plus célèbres, si tout n'est pas épuisé, si nous sommes assez heureux pour parvenir à quelque vérité nouvelle, nous n'attribuerons sa découverte qu'à la marche que nous avons suivie; et, moins. nous avons eû de mérite à nous laisser conduire où elle nous menait, plus sa bonté sera prouvée aux yeux des vrais géomètres hâtons nous d'entrer en matière.

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Le théorême qui sert de principe fondamental à tout ce Mémoire, se trouve énoncé, mais sans démonstration, dans mon Mémoire sur la description des lignes et des surfaces du second degré, écrit en 1805, pendant mon séjour en Belgique, puis inséré dans le journal de l'Ecole Polytechnique, XIV. cahier.

Toute l'application relative à là stabilité, faisait d'abord partie de mon premier Mémoire sur la courbure des surfaces; mais le sujet s'étendant à mesure que je voulais l'approfondir, je me suis vu forcé d'en faire l'objet d'un travail à part: c'est celui dont j'ai l'honneur d'entretenir la classe.

Je ne dirai qu'un mot des principes très-connus sur lesquels il

repose.

Je présente d'abord les premières notions mathématiques de la pesanteur des corps, de la comparaison de leur poids et de leur: volume; ce qui me conduit à donner la définition de la densité qu'on peut appeler en géométrie le rapport du volume réel des corps à leur volunie apparent.

J'emprunte à la mécanique le seul principe du levier; j'en dé duis les principales propriétés des momens et des centres de gravité.

Je considère ensuite l'état d'un solide flottant sur un fluide, et je démontre que le solide ne peut rester en équilibre sur le fluide à moins que les deux conditions suivantes ne soient remplies:

1o. Le poids du corps flottant doit être égal au poids de tout le fluide déplacé par ce corps.

2o. Le centre de gravité du corps flottant et celui qu'occuperait le fluide déplacé,, si tout à coup ce fluide reprenait sa première position; ces deux centres, dis-je, doivent être situés sur la même verticale.

Nous disons un mot de l'équilibre des solides qui flottent sur des

fluides compressibles, ou qui sont plongés dans ces fluides. C'est ainsi que les aérostats peuvent se trouver suspendus dans l'atmosphère.

Ces vérités préliminaires une fois établies, nous passons de la situation précise de l'équilibre aux situations les plus voisines, dans Jesquelles on peut placer un corps flottant.

Alors le problême se présente sous trois aspects bien distincts: ou le corps flottant, lorsqu'on commence à le déranger de sa posi tion d'équilibre, revient de lui-même à sa première assiète, où il s'en écarte de plus en plus: ou enfin, il est certaines directions. suivant lesquelles en dérangeant son équilibre, il revient de luimême à la première position; tandis que, sous toutes les autres

directions, il s'écarte de plus en plus de cette même position.

Dans le premier cas, on désigne l'état d'équilibre du corps flottant en disant qu'il est stable. Dans le second cas, on dit que cet équilibre est instable, ou non stable. Dans le troisième enfin, qu'il n'a qu'une stabilité relative (*).

Le but de nos recherches, en considérant des corps flottans dont la forme ait toute la généralité imaginable, est de déterminer les conditions des trois genres d'équilibre qui peuvent leur convenir, et les propriétés les plus remarquables de ces trois genres. C'est à développer ainsi notre plan, et les premiers théorêmes sur lesquels nous nous fondons, qu'est consacrée la première partie du premier Mémoire.

Lorsqu'un corps est plongé dans un fluide, on appelle carène le volume apparent de la partie immergée, terminée en dessus par le niveau du fluide, ou le plan horisontal de flottaison, et en dessous par la surface extérieure du corps flottant. (Lorsque nous parlons de la surface d'un corps flottant, c'est toujours de sa surface extérieure que nous entendons parler. )

Pour plus de briéveté, nous appellons simplement centre de carène, le centre de gravité de la carène, lequel est évidemment le même que le centre de gravité du fluide déplacé, lorsque ce fluide, comme l'eau par exemple, est dans toutes ses parties d'une égale densité; or, tel est le cas que nous considérons.

Le poids total du corps flottant et la forme de sa surface exérieure restant les mêmes, si nous supposons qu'on déplace seule

(*) Pour se rapprocher davantage des idées que rappellent dans le langage. ordinaire les expressions de stabilité et d'instabilité, il faudrait appeler non stable, l'équilibre qui tend à se rompre, en, tout sens et réserver la qualification d'instable à cet équilibre qui,' sous des directions différentes, est stable ou ne l'est pas

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ment quelques parties intérieurs, alors ou le centre de gravité de ce corps aura toujours sa première position, ou il se trouvera luimême déplacé.

Dans la première hypothèse, il est évident que le déplacement des parties intérieures du corps flottant n'apportant aucun changement à la figure de la carène, aucun des élémens dont dépend sa position d'équilibre n'ayant varié, cette position doit encore se conserver la même.

Dans la seconde hypothèse, il faut examiner séparément deux cas bien distincts. En considérant la position primitive où le corps flottant était en équilibre, et la verticale qui passait alors par le centre de gravité, ce centre peut s'être déplacé sans quitter cette verticale, ou s'être déplacé en la quittant.

Dans le premier cas de cette seconde hypothèse, on voit encore que rien n'est changé dans les conditions de l'équilibre, et le centre de la carène primitive se trouvant toujours sur la même verticale que le nouveau centre de gravité, est encore le centre qui convient au nouvel état d'équilibre; cet état est donc le même que le précédent.

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Delà résulte une conséquence très-simple, mais qui néanmoins mérite d'être remarquée. C'est que si l'on permet au corps flottant de descendre ou de monter verticalement, de manière à ce que le plan de flottaison soit toujours parallèle à un même plan fixe dans le corps, le flotteur ne pourra trouver dans ces états divers, qu'une seule positition d'équilibre, en quelque point qu'on suppose le centre de gravité du corps flottant.

Passons enfin au second cas de la seconde hypothèse. Dans la première position d'équilibre, le centre de gravité du corps flottant et le centre de la carène étaient sur la même verticale; on suppose que le premier centre sorte de cette verticale: donc il faut que le second en sorte aussi pour que l'équilibre puisse encore avoir lieu; donc une nouvelle carêne, et par conséquent un nouveau plan de flottaison appartiennent à ce nouvel équilibre.

Concevons maintenant que le centre de gravité du corps flottant prenne successivement toutes les positions imaginables dans l'intérieur du corps flottant; le centre de carène, et le plan de flottaison vont prendre pareillement une infinité de positions différentes; de manière que tous les centres de carène vont former une première surface; tandis que tous les plans de flottaison vont envelopper une autre surface.

On verra que la considération de ces deux surfaces suffit pour nous conduire à tous les résultats qu'on peut desirer sur la stabilité des corps flottans.

Pour plus de briéveté, nous appellerons carénide, la premiere des deux surfaces dont nous parlons: ainsi la carénide est le lieu de tous les centres de carêne.

Chacune des carènes dont le centre est placé sur cette surface a pour propriété caractéristique, d'avoir un volume égal à celui de la quantité constante du fluide déplacé par le corps flottant, dont le poids est supposé constant.

On peut donc donner de la carénide et de la surface enveloppe des flottaisons, cette définition purement géométrique. En supposant qu'un plan coupant retranche du corps flottant un segment d'un volume invariable, et que ce plan prenne ensuite toutes les positions possibles; d'après un telle hypothèse,

1o. Tous les centres de volume de ces segmens formeront par leur ensemble la surface que nous avons appellée carénide;

2o. Tous ces plans coupans seront à-la-fois tangens à la surface des flottaisons, qui sera par conséquent leur surface enveloppe.

Parlons d'abord des propriétés de la première surface. Nous supposerons généralement dans ce que nous allons dire, que le corps flottant n'a qu'une étendue limitée, ce qui est le cas de la nature. Mais le corps flottant peut d'ailleurs être terminé par une seule nappe régulière, ou par la réunion de plusieurs; il peut même présenter les formes les plus arbitraires, sans que les résultats que nous allons exposer perdent pour cela rien de leur généralité.

La carénide est une surface toute entière enveloppée par la surface extérieure du corps flottant (*); elle est donc toujours d'une étendue limitée.

Elle offre d'abord pour caractère d'avoir, en chaque point, ses deux courbures constamment dirigées dans le même sens.

Et si l'on place le corps flottant dans une de ses positions d'équilibre; puis qu'on détermine sur la carénide le centre de la carène correspondant, le plan tangent en ce point à la carénide sera nécessairement parallèle au plan de flottaison: il sera donc horisontal.

Donc aussi la verticale qui, dans la position d'équilibre, joint le centre de gravité du corps flottant avec le centre de carène; cette verticale, disons-nous, est nécessairement normale à la carénide.

(*) Ceci suppose que la surface extérieure du corps flottant n'ait pas de parties trop concaves: dans ce cas, la surface canéride serait limitée par la surface développable qui circonscrirait extérieurement ces cavités. De manière que chaque arête de la surface développable toucherait le corps flottant en deux points qui limiteraient la seule partie de la surface développable que l'on devrait considéser

connue,

Par ce premier aperçu, l'on voit déja que si la carénide était la recherche des positions d'équilibre qui conviennent à chaque nouvelle position du centre de gravité du corps flottant se réduirait à la simple recherche des normales de la carénide qui passent par ce point; que par conséquent le nombre des positions d'équilibre est toujours égal au nombre de ces normales, etc. Mais n'anticipons point sur l'ordre que nous devons suivre.

Puisque les lignes droites qui joignent les centres correspondans de la carène et du corps flottant, sont les normales d'une seule et même surface (la carénide), toutes les propriétés générales qui conviennent aux normales des surfaces appartiennent également ces lignes droites. On voit donc que leur ensemble présente deux systêmes bien distincts de surfaces développables, tels que les surfaces développables d'un systême sont coupées à angle droit par toutes les développables de l'autre systême; que de plus, chacune de ces développables coupe la surface des centres de carène suivant une de ses lignes de courbure, etc.

Ce sont ces surfaces développables, les lignes et les centres de courbure qui leur correspondent, qui vont nous faire connaître tout ce qui peut être relatif à la stabilité des corps flottans.

Supposons qu'un corps flottant, placé d'abord dans une de ses positions d'équilibre en soit tout à coup infiniment peu dérangé, sáns que pour cela le centre de gravité de ce corps ait cessé de rester au même point dans ce corps. Nous supposons aussi que le poids du corps flottant n'a pas varié.

Ce dérangement quel qu'il soit, peut toujours être regardé comme composé, 1o. d'un mouvement vertical de translation du centre de gravité; 2°. d'un petit mouvement de rotation autour d'une droite horisontale menée par ce même centre.

Maintenant si nous faisons tourner la carénide, c'est-à-dire, la surface lieu de tous les centres de carène, autour de l'axe horisontal dont nous parlons, cette carénide aura pour enveloppe une certaine surface; et il faudra distinguer trois cas également remarquables.

Ou l'enveloppe de la carène l'enveloppera, la circonscrira réellement; ou elle en sera totalement enveloppée (à partir du centre de carène qui correspond à la position d'équilibre qu'on considère);

Ou enfin les deux surfaces se pénétreront, de manière qu'une partie de la première sera hors de la seconde, tandis que l'autre partie de celle-ci sera dans l'autre partie de la première surface. Or, dans le premier cas, l'équilibre n'est pas stable; dans le second cas, il est stable; dans le troisième cas enfin, l'équilibre est

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