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beaucoup de manuscrits sanscrits et persans, qui traitent des Mathématiques. Les ouvrages persans sont des traductions d'originaux sanscrits. Ce savant orientaliste a légué plusieurs de ses manuscrits à un fils qui est en Angleterre, avec la condition de ne les lui remettre que lorsqu'il aura acquis la connaissance des langues et des sciences. Il a aussi légué un ou deux manuscrits à son ami M. Dalby, professeur de Mathématiques à l'École royale militaire de Wycombe; les traductions persanes du Bija Ganita et du Lilawati, avec l'essai d'une traduction anglaise de ces ouvrages, sont déjà entre les mains de ce professeur. Cette traduction, ébauchée par M. Burrow, écrite au crayon_interlinéairement, court risque d'être effacée; heureusement M. Dalby vient de recevoir de M. Strachey, maintenant aux Indes, une traduction anglaise complète du Bija, que j'ai eue pendant quelques tems à ma disposition. A cette complaisance M. Dalby a ajouté celle de m'envoyer des remarques descriptives sur les manuscrits originaux persans. Ce sont là les sources où j'ai puisé les renseignemens que je vais transcrire.

Le premier ouvrage porte pour titre ce mot: le Beej, ou le Beej Gunnit (c'est la prononciation des Indiens; mais ils écrivent Bija Ganita), et paraît avoir été traduit en persan vers l'année 1634; M. Burrow désigne l'Algèbre par le seul mot le Beij; mais dans l'Introduction persane on trouve ces deux passages:

« Le Beij Gunnit. L'auteur est Bhasker Acharya, auteur du » Leelawutée. » « Cette excellente méthode de calcul est traduite » en persan de l'indou, et se nomme le Livre de la Composition » et de la Résolution. » Les deux mots indiens traduits ici par ces mots composition et résolution, sont dans d'autres endroits rendus par le seul mot « Algèbre ». Les deux mots persans qui répondent à Bija Ganita en diffèrent matériellement; ensorte que les auteurs persans et arabes paraissent s'être attachés au sens plutôt qu'à la prononciation du sanscrit. Un commentaire du traducteur persan, sur l'original sanscrit, remplit une partie du manuscrit. Dans un endroit il fait mention d'un Dictionnaire d'algèbre, sans citer ni l'auteur, ni la date.

L'ouvrage, divisé en cinq parties ou livres, commence par l'explication des quantités positives et négatives, qu'il caractérise par des termes désignant l'existence et la non-existence, ce qui est analogue aux idées de propriété et de dette dont nous nous servons quelquefois pour expliquer la nature de ces quantités. Les quatre premières opérations viennent ensuite, comme chez nous. De là on passe au calcul des irrationnels, qui est traité avec beaucoup d'étendue; on croit même y apercevoir une méthode générale pour développer les puissances d'un polynome irration

nel, et qui paraît avoir quelqu'analogie avec nos règles combinatoires. Ensuite viennent des problèmes d'analyse indéterminés, qui se suivent dans cet ordre :

Problèmes sur les carrés. Par exemple (en se servant de notre notation). Trouver des carrés parfaits de la forme 67x2+1, 61x2+1, 13x+1, ou en genéral de la forme ax2+b.

Problèmes qui mènent à des équations du premier degré, application aux propriétés des triangles.

Problèmes sur les carrés. Par exemple. Faire que xy et xy soient tous les deux des carrés parfaits; faire que x3+y3 et x2 + y2 soient des carrés parfaits ensemble.

Quelques problèmes qui mènent à des équations du second dégré.

On dit aussi quelque chose de l'équation du troisième degré; mais l'auteur paraît avoir senti l'impossibilité de résoudre cette équation généralement. On y trouve l'énoncé très-concis d'une règle qui permet de soupçonner seulement l'existence d'une solution mécanique; car il y a ici une lacune dans la traduction. Plusieurs problèmes sur les carrés. Exemple. Trouver des nombres entiers qui rendent carrés parfaits les expressions suivantes :

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7x2+8y2

7x8y2+1} ensemble; x2+} ensemble;

x+ys

} ensemble;

x2-y2+1 } ensemble;

x−y+2
x + y + 2 S

X- yun carré
x2+ y2 cube

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Finalement, toutes sortes de questions indéterminées, dans le genre des questions de Diophante, sans être les mêmes que celles de cet auteur. Cette circonstance seule prouverait une différence d'origine qui est déjà constatée par la différence dans les moyens' de solution. Ces questions sont quelquefois assez difficiles; M. Burrow a écrit en marge les solutions de quelques-unes, d'après les procédés en usage parmi nous.

On trouve dans le même ouvrage trois à quatre problèmes indéterminés qui se rapportent au triangle rectangle. Là on s'attend naturellement à voir citer la 47 proposition du premier livre d'Euclide. Mais au lieu de cette proposition on cite la figure de la chaise nuptiale. De cette circonstance, et de quelques autres ouvrages des Indiens, nous pouvons conclure qu'ils connaissaient ce théorème et plusieurs autres de notre géométrie, il est très-probable que c'est chez eux que Pythagore a puisé

et

toutes ses connaissances, qu'il a apportées ensuite à ses compatriotes, après son retour en Grèce.

Les opérations avec le zéro se font comme parmi nous. Burrow

a

traduisit d'abord le quotient par le mot infini; il a ensuite effacé ce mot et l'a remplacé par ceux-ci n'est pas compréhensible. Apparemment qu'il entendait par là être inassignable.

Quant à la notation employée dans le manuscrit, il paraît que les quantités inconnues sont représentées par des lettres ou des caractères qui portent en partie le nom des couleurs. Quand il n'y a qu'une seule inconnue, elle est désignée par un caractère particulier nommé majool. Lorsqu'il y a deux inconnues, la seconde prend le nom de aswad, qui veut dire noire. Dans le cas d'une troisième inconnue, elle porte le nom de neelok (bleue); la quatrième est dite jaune, etc.

Le Majool a pour marque (voyez la planche première. )

Aswaad..
Neelok....

Les autres marques sont plus simples.

Le signe positif est et le signe négatif est

Le signe pour la quantité inconnue ou cherchée d'une équation est ; toutes ces marques sont des mots arabes qui indiquent certaines opérations à faire. Le nom technique de la quantité inconnue est chose, voulant par là désigner expressément la chose qui donne lieu à la question ou à la recherche. Il est à remarquer que les premiers auteurs italiens qui ont écrit sur l'Algèbre, ont pris le mot cosa pour désigner l'inconnue. De là cette science et les nombres cherchés furent long-tems connus en Europe sous les noms d'art cossique et de nombres cossiques.

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Le caractère suivant placé à côté de l'inconnue, signifie qu'il faut élever l'inconnue au carré; celui-ci qu'il faut élever l'inconnue au cube. Il y a aussi une marque qui indique l'extraction de la racine carrée, et une autre pour l'extraction de la racine cubique. Les puissances supérieures sont formées et dénommées en répétant et combinant ces signes entr'eux. Ainsi la quatrième puissance est nommée carré-carré; la cinquième, carré-cube; la sixième, cube-cube, et ainsi de suite, en com binant les puissances par voie de multiplication.

Il ne paraît pas qu'il y ait de signe analogue à celui dont nous nous servons pour unir les quantités composées entr'elles. Chaque formation d'équation est précédée de ces mots j'égale ou égalant, et toutes les opérations en général sont décrites en

phrases très-longues. Toutefois M. Davis m'apprend que dans les originaux sanscrits, les Indiens, au lieu de se servir de la notation verbale que nous avons rapportée ci-dessus, abrègent les mots et n'en prennent que les lettres initiales, usage pratiqué long-tems en Europe.

Les Indiens emploient ces lettres initiales, comme nous les lettres a, b, c pour représenter des nombres. Ce signe || marqué l'addition. Ainsi abx équivaut à a+b+x. Un point placé sur la lettre indique que la quantité est négative ou soustractive. Pour désigner la multiplication, on écrit les facteurs à côté les uns des autres, sans interposition de signe, comme chez nous; ainsi abr veut dire a×b×—x; ils écrivent à côté de la quantité la lettre initiale du mot qui désigne l'exposant de la puissance ou de la racine qui doit affecter la quantité. Par exemple, c étant la lettre initiale du mot carré, ils écrivent ac pour dire qu'il faut élever au carré la quantité a; de même ar équivaut à Va, r étant l'initiale du mot racine.

Ce signe est placé à la droite de la quantité, au lieu que nous le plaçons à gauche.

M. Davis m'informe, de plus, que les caractères sanscrits dont les Indiens se servent pour désigner les inconnues ont cette forme M. Charles Wilkins,

libraire de la Compagnie des Indes Orientales, a eu la bonté de me fournir les caractères d'imprimerie et de m'en donner l'explication. Le premier caractère se prononce pa; c'est la syl labe initiale du mot pandu, qui veut dire blanc..

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Voici maintenant, selon M. Wilkins, les étymologies des noms sanscrits des deux ouvrages. Lilawati est un adjectif du genre féminin, dérivé du mot lila, qui signifie également jeu, amusement, plaisirs, recherches, efforts; ensorte que le titre peut également se traduire par Livre de Recréations, ou Livre de Recherches. Bija, proprement dit Vija, signifie une semence, ou l'origine de quelque chose. Ganita est le participe passé du verbe gan, qui veut dire compter, calculer, etc.; ainsi bija gannita est une épithète composée qui, traduite littéralement, signifie la semence calculée, la source ou la racine calculée.

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Il est bon d'observer que les titres des ouvrages sanscrits indiquent rarement leurs contenus. Il faut encore observer que dans ces der

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hiers ouvrages, les signes positifs et négatifs et les coefficiens sont toujours placés à la droite de la quantité qu'ils affectent; ainsi pour exprimer le produit +2xy, on y trouve 2xy +, ou bien xy2+. Cette dernière manière est surtout d'usage dans les traductions persanes, parce que l'écriture persane se lit de droite à gauche, tandis que le sanscrit se lit de gauche à droite, comme la nôtre.

Nonobstant cette différence dans le sens de l'écriture, les Persans n'emploient et ne traduisent pas à rebours les nombres sanscrits. Exemple. Le manuscrit sanscrit sur l'Algèbre contient cent cinquante-trois feuilles ; ce nombre est exprimé dans la traduction persane par [pl. 1",] (155); ces caractères sont arabes et diffèrent aujourd'hui des caractères indous, quoiqu'ils soient évidemment dérivés de celui-ci. Cette circonstance ajoute à la probabilité de l'opinion que les Persans ont tiré l'art de calculer des Indiens, mais indirectement, en le tenant de seconde main des Arabes.

Dans la traduction persane,

les termes résultans de la mul

-3x

+2y -2

12xy

8y2

-8y

х

+ 3x2

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+2x

Зах

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2

tiplication des deux polynomes +4y
sont disposés à l'instar de la
Table de Pythagore, ainsi qu'on
le voit dans le tableau ci-joint, +1
où l'on a multiplié le poly-
nome-3x+2y-2 par le po
lynome +4y-x+1.

Les calculs ne sont pas distingués du discours; tout est écrit dans la même ligne, comme on en voit des exemples dans les anciens ouvrages de Burgo, de Bombelli, etc.

L'auteur parle toujours à la première personne. Exemple. J'opère ainsi; je multiplie, etc.

Les commencemens des chapitres sont distingués par de l'encre rouge.

J'ai déjà dit plus haut que les Indiens résolvent l'équation du deuxième degré comme nous, en complétant le carré. J'ai remarqué qu'ils ont une méthode semblable pour résoudre dans quelques cas les équations des troisième et quatrième degrés. Voici des exemples tirés du Bija.

Soit l'équation a3 + 12x=6x2 +35; en soustrayant des deux membres, 6x+8, il vient x36x+12x-8=27.

6x2

Les deux membres sont des cubes parfaits; extrayant de part et d'autre la racine cubique, on a x- 2=3; d'où x=5.

Soit encore l'équation x 400x

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2x2- 9999,

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