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sion pour donner la sanction à diverses lois, que les conseillers secrets de la couronne avaient fait signer au roi, après que son aliénation mentale avait été constatée. Cette cause ne put être que très secondaire. Pitt n'était pas homme à quitter le timon des affaires par scrupule pour une mesure illégale et une déception.

Il disparaissait donc de la scène l'homme d'état qui, maître de toute la politique européenne, tenant dans ses mains le sort moral des peuples, avait incendié l'univers, et s'était inscrit dans l'histoire à la manière d'Erostrate. Toutes les résistances à la révolution et au vou national, tous les crimes qui en furent la conséquence, la conflagration générale, les coalitions qui l'avaient entretenue, la dévastation, le bouleversement de l'Europe, le sang des peuples versé à grands flots, la dette effroyable de l'Angleterre, le système funeste des emprunts, le malaise universel; tout cela était son ouvrage. Tel est le jugement de Napoléon sur Pitt; tel est celui que portent sur lui, à quelque parti qu'ils appartiennent, la majorité des vrais Français et les amis de l'humanité par toute la terre.

Le nouveau ministère fut composé des lords Saint-Vincent, Hawkesbury, Hobart, Eldon, du duc de Portland, et eut pour chef Addington; il était essentiellement tory; c'était un changement d'hommes et non pas de principes. Pitt et son

ཀཽ་ཡི་མ

! Las Cases, t. vII, p. 121.

parti lui promirent leur concours et leur appui. Ce changement en fit présager un dans les rapports de l'Angleterre avec la France et empêcha le départ d'Otto.

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CHAPITRE XV.

Traité de Lunéville.

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Campagne du corps d'observation en Italie. Relations amicales avec la cour de Rome. Armistice de Foligno, accordé par Murat à l'armée napolitaine. Promulgation de la paix de Lunéville. -Traité de paix entre Naples et la France. Expédition des Anglais contre Copenhague. Mort de Paul Ier.

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Après les victoires, les armistices, les concessions de places faites par Cobentzel, les négociations prirent une marche plus rapide. Il y avait cependant à discuter un point de forme important. L'empire ne se trouvait point représenté à Lunéville; il devait supporter les indemnités à payer aux princes dont les possessions se trouvaient cédées à la France. Le premier Consul exigea que l'empereur stipulât au nom du corps germanique; sa constitution s'y opposait; l'empereur n'avait point de pouvoirs: gardien de la constitution, il la sacrifia à ses propres intérêts, comme il avait fait à la paix de Campo-Formio, et s'en excusa sur la nécessité, par sa lettre du 8 février 1801 aux électeurs, princes et états de l'empire.

Quoi qu'on en ait dit, le premier Consul ne tenait pas absolument à l'abandon de la Toscane par la maison d'Autriche. Il n'en avait pas été question

dans son message du 12 nivose; Joseph Bonaparte avait même le pouvoir de signer sans cette condition. Autorisé par une lettre de l'empereur, Cobentzel essaya de séduire le plénipotentiaire français par les offres les plus brillantes et les plus positives, pour qu'il n'insistât pas sur la cession de ce pays. Joseph les repoussa, et n'en mit que plus de chaleur à l'exiger. Ainsi, la maison d'Autriche ne perdit peut-être la Toscane que pour avoir voulu la conserver par la corruption.

Le traité de paix fut signé à Lunéville, le 20 pluviose, sur les bases du traité de Campo-Formio. La cession des ci-devant provinces belgiques y fut de nouveau consentie, celle des provinces de la rive gauche du Rhin définitivement consacrée; et bientôt une loi déclara que les départemens de la Roër, de la Saare, de Rhin-et-Moselle et du Mont-Tonnerre, faisaient partie intégrante du territoire français. '

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Moyennant une indemnité en Allemagne, le grand-duc de Toscane renonça à son duché et à la partie de l'île d'Elbe qui en dépendait, et les céda en toute souveraineté à l'infant duc de Parme. Conversant sur les avantages que l'Espagne retirait du traité: « Il faudra voir, dit le premier Consul, si, par reconnaissance, elle ne devra pas nous céder un filon du Mexique ou du Pérou. »

Les parties contractantes se garantirent mutuellement l'indépendance des Républiques batave, hel

18 ventose.

vétique, cisalpine et ligurienne, et reconnurent aux peuples qui les habitaient, la faculté d'adopter telle forme de gouvernement qu'ils jugeraient convenable.

Dans ce traité, la France n'abusa point des droits de la victoire. Elle était fondée à demander la réparation d'un lâche outrage, l'assassinat de ses plénipotentiaires au congrès de Rastadt; non- seulement il n'en fut pas dit un seul mot dans le traité, mais cette question ne fut pas même sérieusement abordée dans la négociation. On se contenta de la déclaration de l'Autriche que ce massacre, commis par ses hussards et par l'ordre de son ministre Lehrbach, n'avait point été ordonné par elle. On craignit que Jean Debry ne renouvelât dans le tribunat quelque sortie violente, comme au 18 ventose an vii. Joseph Bonaparte lui écrivit de Lunéville, que quoiqu'on regardât cet assassinat comme venant d'outremer, la France, attendu que les Allemands en avaient été témoins, n'avait voulu ni traiter de la paix ni établir le congrès en Allemagne. Était-ce donc là une réparation?

La signature de la paix fut notifiée aux grands corps de l'état par un message dans lequel le gouvernement analysait les dispositions du traité, les avantages qui en résultaient pour la République, les garanties qu'elles promettaient à la tranquillité de l'Europe, et annonçait que, pour prix de la fidélité du roi d'Espagne à la cause de la France, un prince de son sang allait s'asseoir sur

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