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en trouvèrent le ton insolent et pénible à supporter. Mais telle était la situation d'Alexandrie et de la garnison, qu'il n'était plus possible de reculer; il fallut subir la loi du vainqueur. On accepta la capitulation telle qu'Hutchinson l'avait modifiée. Elle portait que l'armée française serait transportée en France avec armes, bagages et dix pièces d'artillerie de campagne; que la place serait remise dans dix jours, et que l'armée s'embarquerait dix jours après.

Menou avait demandé qu'il fût permis aux membres de la commission des sciences-et-arts d'emporter en France tous les résultats de ses travaux en Égypte, et les objets d'art qu'elle avait fait transporter à Alexandrie. Hutchinson refusa cette condition, et exigea que les monumens, les manuscrits arabes, cartes, dessins, mémoires et collections d'antiquités, appartenant à la commission, fussent laissés à la disposition des généraux anglais. Les membres de la commission prétendant que leurs collections étaient leur propriété, protestèrent qu'ils les détruiraient plutôt que de s'en dessaisir pour les livrer à l'ennemi. Menou adressa à ce sujet des représentations à Hutchinson, et envoya trois membres de l'Institut pour plaider eux-mêmes leur cause auprès du général anglais. Il se désista enfin de ses prétentions, soit qu'il craignît l'effet des menaces des savans, soit qu'il fût persuadé qu'ils seraient mieux que personne en état d'utiliser leurs matériaux au profit des arts et des sciences.

Le nombre des Français qui étaient à Alexandrie s'élevait à onze mille hommes, y compris les ma lades, les invalides, les femmes, les enfans, les marins et les employés civils. Leur embarquement s'effectua à la fin de fructidor, et il n'en restait plus qu'un petit nombre sur le sol de l'Égypte dans les premiers jours de vendémiaire an x.

Telle fut la fin de cette entreprise qui, suivant l'usage, eut tant d'admirateurs dans son principe et pendant ses succès, tant de détracteurs quand commencèrent les revers, et qui, lorsqu'elle eut échoué, fut traitée de folie. Au milieu d'une époque fertile en grands événemens, l'expédition d'Égypte sera toujours un des exploits les plus mémorables par son éclat et sa grandeur. Elle excita une commotion générale en Orient, et fixa pendant trois ans les regards du monde. Les Anglais en frémirent. Ils prodiguèrent sans mesure leurs vastes ressources pour expulser les Français des bords du Nil. Les dépenses de leur expédition directe en Égypte s'élevèrent, dit-on, à 210 millions de francs. Bonaparte, Desaix et Kléber laissèrent chez les habitans de ces contrées des souvenirs immortels, et les prodiges de civilisation et de guerre qu'ils y accomplirent vivront toujours dans leur mémoire.

Depuis l'arrivée des Français en Égypte, la Porte avait résolu en secret d'y abolir l'autorité des Mamlouks, et pour mieux les tromper, elle n'avait cessé de les assurer que leur rétablissement était le but des efforts faits pour expulser les Français. Lorsque

l'armée d'Orient se fut rembarquée, les beys furent invités à se rendre à Alexandrie, auprès du capitanpacha, pour s'occuper de leurs intérêts. Sept d'entre eux y accoururent et furent bien accueillis; mais le capitan-pacha leur déclara que la volonté de la Porte était qu'ils renonçassent au gouvernement de l'Égypte, et qu'ils fussent transférés à Constantinople, où on leur ferait un état brillant. De son côté, le grandvisir fit arrêter les beys qui se trouvaient sous sa main. Mohammed-Elfi-Bey et Aboudiab-Bey s'échappèrent, et coururent rallier leurs Mamlouks; des troupes turques furent envoyées à leur poursuite. Le capitan-pacha engagea ceux qui étaient en son pouvoir à se rendre dans le port d'Alexandrie, à bord du vaisseau du commodore Bickerson. Le capitan-pacha s'embarqua avec eux dans un canot, sur le lac Maréotis; mais dans la traversée, un messager d'état du grand-seigneur parut sur le rivage, fit signe au capitan-pacha qu'il avait à lui parler, et l'informa qu'il apportait de Constantinople des dépêches de la plus haute importance. Le capitanpacha, ayant lu ces dépêches, quitta le canot et se rendit à terre. Les beys, pressentant quelque trahison, se repentirent de leur confiance, et demandèrent à être débarqués sur-le-champ: on le leur refusa. Bientôt leur canot fut assailli par plusieurs chaloupes chargées de soldats, qui tirèrent sur eux. Les beys mirent les armes à la main, et se défendirent avec la plus grande valeur. Dans cette lutte inégale, quatre d'entre eux, parmi lesquels se trou

vait Osman-Bey-Tambourgi, perdirent la vie; et les trois autres, couverts de blessures et privés de sentiment, furent portés à bord du vaisseau que montait le capitan-pacha. Instruit de cette violence, Hutchinson fit mettre ses troupes sous les armes, adressa les plus vifs reproches au capitan-pacha, et fit marcher contre son camp un régiment avec du canon, pour réclamer avec menaces, les trois beys blessés qui avaient survécu à l'assassinat. Le capitanpacha, pour se justifier, allégua les ordres qu'il avait reçus de la Porte, maîtresse d'établir en Égypte le gouvernement qu'elle jugeait convenable. Le grand-visir assembla chez lui les beys qu'il avait en son pouvoir. Mohammed - Elfi lui-même, l'ancien favori de Mourad, que les Mamlouks regardaient comme leur chef depuis la mort d'Osman-Bey-Tambourgi, se décida à venir au Kaire. Le visir leur renouvela la promesse que leur avait faite le capitan-pacha, et en jura l'observation sur le Coran. Les Mamlouks renoncèrent à l'Égypte, signèrent leur soumission au grand-seigneur, et en informèrent Hutchinson. Ainsi fut extirpé, pour le moment, le pouvoir des Mamlouks, que les Français avaient abattu, et le pacha de la Porte Ottomane en Égypte y régna sans contradicteur.

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Expédition de la France et de

l'Espagne contre le Portugal. Traité de la Russie avec l'Angleterre ; la confédération du Nord dissoute. - Combat naval d'Algésiras. — Préparatifs de descente en Angleterre. — Flottille de Boulogne. Nelson échoue dans deux attaques. Reddition de Porto-Ferrajo. — Réunion provisoire du Piémont. Création du Paix avec la Ba

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d'Étrurie. royaume

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Le nouveau ministère anglais révoqua (3 mars les ordres donnés contre les pêcheurs, et laissa entrevoir qu'il n'était pas éloigné de renouer, pour le rétablissement de la paix, des négociations si souvent rompues par le ministère précédent. Lord Hawkesbury en fit la proposition formelle. '

Le premier Consul l'accueillit avec le plus grand empressement; mais la campagne commençait. La flotte anglaise commandée par les amiraux Parker et Nelson était partie d'Yarmouth pour la Baltique (21 ventose). Avant-garde de l'armée d'observation de la Gironde, l'armée espagnole marchait en Portugal. Le premier Consul fit donc présenter au cabinet anglais ces questions: N'est-il pas plus naturel

1 Note du 21 mars (3o ventose).

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