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dier à cet état de choses. Ce but a été atteint par la convention de 1860, qui a permis aux gouverneurs respectifs de s'entendre directement pour les extraditions, sans être obligés de recourir à la voie diplomatique.

L'article 1er de cette convention pourrait faire supposer, qu'à défaut d'une clause expresse, les dispositions d'un traité d'extradition ne sont point applicables aux colonies. Il n'en est rien. Dans les pays où l'exécution des traités d'extradition est laissée au pouvoir exécutif, il a toujours été admis que ces actes s'appliquent à toutes les possessions des États contractants. Des difficultés ne pouvaient naître que chez les Puissances où les traités d'extradition sont considérés comme des lois, dont l'application est confiée au pouvoir judiciaire; mais, dans ces pays mêmes, les stipulations des traités ont été étendues aux possessions coloniales. Dans quelques-uns, comme l'Angleterre (Acte d'extradition de 1870), cette extension a été consacrée par une loi spéciale.

Le traité du 4 juin 1869, entre la France et les États de Suède et Norvége, contient une clause analogue à celle qui figure dans la convention franco-néerlandaise. L'article 1er contient les stipulations suivantes :

« La demande d'extradition devra être faite par la voie diplomatique.

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Cependant, lorsqu'il s'agira d'un individu réfugié d'une colonie dans l'autre, les gouverneurs pourront s'adresser directement les demandes d'extradition, et se livrer les individus poursuivis ou condamnés pour l'une des infractions prévues dans le présent traité, sauf à en référer immédiatement à leurs gouvernements respectifs. »

Les conventions de 1860, avec les Pays-Bas, et de 1869, avec les Etats de Suède et Norvége, sont les seules qui règlent expressément la question d'extradition entre les colonies respectives, et dispensent la procédure de l'emploi de la voie diplomatique. En fait, le même système a fini par prévaloir, en l'absence de toute stipulation écrite, toutes les fois que la nature des choses en a fait reconnaître la réelle utilité.

Par exemple, on pourrait citer des extraditions effectuées directement entre les gouverneurs respectifs des colonies françaises et anglaises des Antilles. Chose curieuse à signaler à ce propos : Le traité d'extradition de 1843 est resté, jusqu'en 1865, inexécuté de la part de la Grande-Bretagne, par suite des dispositions des lois

intérieures et des exigences de la magistrature anglaise; pendant que les métropoles cherchaient vainement à s'entendre, les autorités des deux pays vivaient d'accord aux Antilles, et appliquaient, sans difficulté, les stipulations de ce même traité de 1843.

Les rapports semblent avoir été moins faciles entre les Guyanes française et anglaise car, après 1860, on voit les autorités de la colonie anglaise chercher à bénéficier du régime établi nouvellement entre la Guyane française et la Guyane hollandaise. En janvier 1861, le gouverneur de la colonie anglaise fit adopter, par la législature de Demerary, une ordonnance destinée à faciliter la remise des transportés évadés aux autorités de la Guyane française. L'article 3 de cet acte porte que, sur le certificat du juge compétent, «< il sera permis au gouverneur de la Guyane anglaise, par mandat de sa main et sous son sceau, d'ordonner que la personne réclamée soit remise aux agents français, délégués par le gouverneur de la Guyane française. » Ce bill, qui fut approuvé par le gouvernement anglais, ne devait avoir d'effet (article 7) que si une loi ou un décret, rendu par les autorités françaises, garantissait la réciprocité. Il n'existe, dans nos recueils, aucune loi, aucun décret de cette nature. Il y a donc lieu de penser que le bill de 1861 n'est pas entré en vigueur.

Entre Pondichéry et les Indes anglaises, les extraditions s'effectuent encore directement, sur l'ordre des autorités coloniales respectives. Les rapports directs, entre les deux colonies, se sont établis par l'application de l'article 9 de la convention de Londres, du 7 mars 1815, qui est ainsi conçu :

Tous les Européens ou autres quelconques, contre qui il sera procédé en justice dans les limites desdits établissements ou factoreries appartenant à Sa Majesté Très-Chrétienne, pour des offenses commises ou des dettes contractées dans lesdites limites, et qui prendront refuge hors de ces mêmes limites, seront délivrés aux chefs desdits établissements ou factoreries; et tous les Européens ou autres quelconques, contre qui il sera procédé en justice hors desdites limites, et qui se réfugieront dans ces mêmes limites, seront délivrés par le chef desdits établissements et factoreries sur la demande qui en sera faite par le gouvernement anglais. »

Cette clause ne prévoit que deux chefs d'extradition; encore l'un d'eux (dettes) ne figure-t-il dans aucun autre traité ultérieur! Mais les expressions employées par les négociateurs sont telles, qu'elles permettent d'étendre les dispositions du traité à tous les délits. D'autre part, l'emploi de la voie diplomatique ne s'y trouve

pas expressément imposé; aussi les procédures d'extradition ontelles toujours été suivies par correspondance directe entre les gouverneurs respectifs, sans que le recours aux métropoles ait été jugé nécessaire. On pourrait se demander si la convention de 1843, conclue entre la France et la Grande-Bretagne pour régler les relations des deux pays, en matière d'extradition, n'a pas abrogé implicitement l'article 9 du traité du 7 mars 1815? Cette question doit être résolue négativement. La convention de 1843 ne fait pas mention des colonies, bien qu'elle y ait été appliquée; mais cette extension n'a pu comprendre les possessions coloniales, qui se trouvaient soumises à un régime particulier, édicté par un traité spécial. Il est, d'ailleurs, permis de conclure d'une clause de « l'Acte d'extradition de 1870 », qu'un traité d'extradition, négocié par la métropole avec un pays étranger, ne suffit pas pour abroger une convention de même nature, régulièrement passée par les autorités des Indes anglaises avec les États limitrophes. L'article 23 de cet acte est ainsi formulé:

«< Aucune disposition du présent Acte ne portera atteinte au pouvoir légal qu'a Sa Majesté ou le gouverneur général des Indes, assisté de son conseil, de conclure avec les États indiens indigènes ou avec les autres États asiatiques limitrophes des Indes anglaises, des traités pour l'extradition des malfaiteurs; ou de mettre en vigueur les dispositions de tout traité analogue, conclu soit antérieurement, soit postérieurement à la négociation du présent acte. »

Pour compléter ce qui a été dit plus haut, relativement à la question des extraditions effectuées entre deux colonies lointaines, il reste à ajouter un renseignement le gouvernement britannique a reconnu formellement qu'il y a intérêt, dans ce cas, à ne pas imposer la voie diplomatique à la procédure. Une disposition législative spéciale a été promulguée à cet effet; elle forme l'article 17 de l'Acte de 1870, ainsi conçu:

« ......

1o La demande d'extradition de tout malfaiteur fugitif, qui se trouve ou que l'on suppose se trouver dans une possession britannique, pourra être adressée au gouverneur de cette possession par tout fonctionnaire reconnu par ce gouverneur comme consul général, consul ou vice-consul, ou (si le malfaiteur fugitif s'est échappé d'une colonie ou d'une dépendance de l'État étranger au nom duquel la demande est faite) comme gouverneur de cette colonie ou dépendance. »

Comme application de ces dispositions, nous citerons l'article 14

du traité d'extradition conclu, le 31 juillet 1872, entre la GrandeBretagne et la Belgique :

« ART. 14. Les stipulations du présent traité seront applicables aux colonies et possessions étrangères des deux Hautes Puissances contractantes.

« La demande d'extradition d'un criminel fugitif, qui s'est réfugié dans une colonie ou possession étrangère de l'une des Puissances, sera faite au gouverneur ou au fonctionnaire principal de cette colonie ou possession; ou, si le fugitif s'est échappé d'une colonie ou possession étrangère de la Puissance au nom de laquelle l'extradition est demandée, par le gouverneur ou le fonctionnaire principal de cette colonie ou possession.

« Ces demandes seront faites ou accueillies en suivant toujours, aussi exactement que possible, les stipulations de ce traité, par les gouverneurs ou premiers fonctionnaires qui, cependant, auront la faculté ou d'accorder l'extradition ou d'en référer à leur gouverneur.

« Sa Majesté Britannique se réserve cependant le droit de faire des arrangements spéciaux dans les colonies anglaises et possessions étrangères pour l'extradition des criminels belges qui y auraient cherché refuge, en se conformant aussi exactement que possible aux stipulations du présent traité.

Pour résumer tout ce qui précède, nous dirons que l'emploi de la voie diplomatique est de règle; les traités en font la condition essentielle des relations des Puissances entre elles, en matière d'extradition. Toutefois, les inconvénients de ce mode de procéder ont été reconnus, lorsqu'il s'est agi de rapports entre deux colonies éloignées des métropoles; dans ce cas, des relations di-. rectes ont commencé par s'établir, en fait, entre les autoriiés coloniales respectives, et le droit conventionnel n'a pas tardé à consacrer ces exceptions nécessaires.

CHAPITRE II.

ARRESTATION PROVISOIRE.

La procédure d'extradition s'ouvre, le plus souvent, par une demande d'arrestation formée contre le fugitif par le pays dans lequel le délit a été commis. Il s'agit de déterminer les conditions nécessaires pour qu'il soit fait droit à la requête.

Un exemple va montrer, tout d'abord, combien il importe à la justice du pays réclamant de pouvoir obtenir l'arrestation du prévenu, avant l'accomplissement régulier des formalités nécessaires pour l'extradition.

Imaginons qu'un banqueroutier frauduleux quitte furtivement l'Autriche, emportant une partie des fonds qui devraient revenir à ses créanciers. Des circonstances particulières donnent lieu de croire qu'il a gagné la France, avec l'intention de s'embarquer pour l'Amérique. Le gouvernement autrichien est en droit de réclamer l'extradition du fugitif. Mais, pour arriver à ce but, il doit passer par la voie diplomatique, imposée par le traité de 1855, et cette voie est longue. Le mandat d'arrêt décerné contre le prévenu par le magistrat compétent devra être envoyé, à Vienneau, pouvoir central, qui le transmettra à l'ambassadeur d'Autriche à Paris; celui-ci le communiquera, avec la requête d'extradition, au ministre des affaires étrangères de France. La demande arrivera enfin dans les mains du ministre de la justice, à qui il appartient d'examiner, s'il y a lieu de soumettre au chef de l'État un décret d'extradition, et d'ordonner la mise en arrestation de l'inculpé. Quelle que soit la célérité avec laquelle ces transmissions successives auront été effectuées, elles auront pris un temps suffisant pour permettre au fugitif de gagner un de nos ports, et d'échapper, par un prompt embarquement, à la juridiction continentale. Cet exemple, qu'on peut varier à l'infini, prouve que l'arrestation provisoire est une condition essentielle de l'efficacité des conventions d'extradition. Les criminels les plus audacieux, pour. vus de ressources suffisantes, eapperaient le plus souvent à la répression, si la justice de leur pays ne pouvait les arrêter dans leur fuite, et les forcer d'attendre, en lieu sûr, la décision du

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