Page images
PDF
EPUB

riser l'extradition pour une infraction qui ne figure pas dans cette nomenclature. Le magistrat a donc à rechercher si l'individu réclamé est accusé ou reconnu coupable d'une infraction prévue par la loi; il est fondé à réclamer toutes les informations nécessaires pour apprécier la nature du fait incriminé.

3o Les preuves de culpabilité, fournies à l'appui de la demande d'extradition, justifieraient-elles, d'après les lois anglaises, le renvoi du prévenu devant le jury, si le fait incriminé eût été commis en Angleterre? Ici, le système anglais diffère complétement du système adopté en France et en Belgique. Dans ces deux pays, l'examen effectué, soit par l'administration, soit par le pouvoir judiciaire, porte seulement sur le point de savoir, si le prévenu est régulièrement poursuivi dans le pays requérant; la question de culpabilité est laissée en dehors de la cause, et l'accusé n'a point à se défendre d'avoir commis l'infraction qui lui est imputée. Dans la Grande-Bretagne, au contraire, l'examen porte sur le fond même du procès criminel. Le tribunal apprécie les preuves de culpabilité fournies à l'appui de la demande. Il exerce une juridiction semblable à celle qui est attribuée, en France, à la chambre des mises en accusation de la cour d'appel; comme elle, il examine s'il existe contre le prévenu des preuves ou des indices d'un crime prévu par la loi, et si ces preuves et ces indices sont assez graves pour que la mise en accusation soit prononcée. Mais, à l'inverse de la chambre française des mises en accusation, le tribunal anglais juge en audience publique, et après avoir entendu le prévenu et les témoins cités par la défense et par l'accusation.

Si la demande d'extradition porte, non pas sur un accusé, mais sur un condamné, le tribunal n'a pas à se préoccuper des motifs et des preuves qui ont déterminé les juges étrangers à prononcer la condamnation; il se borne à vérifier si les preuves produites, conformément à l'acte d'extradition de 1870, constatent, d'après la jurisprudence anglaise, que le prévenu a été condamné pour le crime en question.

Les preuves à fournir par le gouvernement requérant sont déjà connues (voir pages 173 et suiv.). Ce sont, lorsqu'il s'agit d'un accusé, des copies certifiées et légalisées de dépositions de témoins, et le mandat d'arrêt, dûment légalisé et délivré postérieurement à la réception des dépositions de témoins. C'est, lorsqu'il s'agit d'un condamné, un acte dûment légalisé, faisant connaître

la nature de l'infraction et les dispositions de la loi pénale qui sont appliquées. Dans tous les cas, le magistrat reste appréciateur souverain de la demande, et n'autorise l'ex tradition que si la mise en accusation ou la condamnation lui paraît justifiée, comme elle devrait l'être, si le fait eût été commis en Angleterre.

De son côté, le prévenu ou le condamné est admis à faire porter sa défense sur tous les points qu'il lui semble utile de discuter. La régularité de la demande, le caractère du fait incriminé, l'authenticité des pièces produites, la validité de ces pièces..., etc., toutes ces questions sont soumises à sa critique. Accusé, il plaide son innocence, condamné, il conteste la validité de la sentence. Le gouvernement réclamant peut également se faire représenter dans le procès, soutenir la demande d'extradition, et réfuter les objections produites par le prévenu.

Si la religion du juge n'est pas suffisamment éclairée, après ce débat contradictoire, l'affaire est envoyée à une autre audience, et un supplément d'information est demandé au gouvernement requérant. Le juge fixe le jour où reviendra la cause, en laissant un délai suffisant pour que les renseignements complémentaires soient réunis et transmis. Pendant ce temps, le prévenu est ordinairement maintenu en état de détention provisoire.

Si l'accusation ou la condamnation n'est pas prouvée, conformément aux prescriptions de la loi, le juge ordonne la mise en liberté du prévenu, et en donne avis au secrétaire d'État. Celuici porte la décision du pouvoir judiciaire à la connaissance de l'agent diplomatique du pays requérant.

Si les conditions de la loi sont remplies, le magistrat renvoie le prévenu en prison. Toutefois, ce dernier ne peut être livré qu'après l'expiration d'un délai de quinze jours, à partir de la sentence rendue contre lui. Ce délai lui est accordé pour lui permettre, s'il le juge opportun, d'interjeter appel de la décision; il est en droit de demander un mandat d'habeas corpus, qui a pour effet de porter la cause devant un tribunal supérieur, appelé Cour du banc de la reine. La Cour est saisie de l'affaire dans sa plus prochaine audience, entend l'appelant assisté de son conseil, et examine s'il est légalement maintenu en état d'arrestation. Si la détention ne paraît pas justifiée, la mise en liberté immédiate est ordonnée. En cas contraire, le prévenu est reconduit en prison, où il reste jusqu'à ce que sa remise à l'autorité étrangère puisse être effectuée.

Le jour même où le magistrat de première instance a ordonné le renvoi du prévenu en prison, il a transmis au secrétaire d'État le certificat de renvoi, avec un rapport sur l'affaire. C'est, en effet, au secrétaire d'État qu'il appartient de faire opérer la remise du prévenu à l'autorité étrangère. Mais l'extradition ne doit pas être effectuée avant l'expiration du délai d'appel. Il y a plus le secrétaire d'État a le droit de prolonger ce délai, si cela parait nécessaire, pour permettre, par exemple, de réunir de nouvelles informations réclamées par la Cour du banc de la reine.

Enfin, lorsque l'arrêt de la Cour a confirmé la décision du tribunal de première instance, le secrétaire d'État ordonne, par un mandat revêtu de son sceau et de sa signature, que le prévenu soit mis à la disposition de la personne dûment autorisée à cet effet par l'État requérant. Le prévenu est immédiatement livré par le gardien de la prison au porteur du mandat, à qui revient le soin de transférer l'extradé sur le territoire du pays réclamant. Si le malfaiteur venait à s'échapper, il pourrait être repris et remis sous la main du porteur du mandat, comme le serait tout autre malfaiteur poursuivi en Angleterre pour un crime, et qui serait parvenu à s'évader.

Tous ces détails sont expressément réglés par l'acte d'extradition de 1870. Le législateur a même prévu le cas où l'autorité étrangère néglige d'assurer l'exécution de la décision du secrétaire d'État, relativement à la remise de l'inculpé. Si l'extradition n'est pas effectuée dans un délai de deux mois, à partir de la décision du juge de première instance, ou, s'il y a eu appel, de l'arrêt de la Cour du banc de la reine, le détenu peut obtenir sa mise en liberté. A cet effet, il fait signifier au secrétaire d'État son intention de réclamer son élargissement. Le secrétaire d'État se trouve ainsi en mesure de presser les démarches du gouvernement étranger. Puis, le détenu adresse sa requête au juge de l'une des cours supérieures de Westminster. Ce magistrat vérifie si le délai de deux mois est expiré, et si la signification de la demande de mise en liberté a été faite au secrétaire d'État. Ces deux conditions remplies, il peut ordonner l'élargissement du détenu, s'il n'existe pas de raisons contraires; il a plein pouvoir pour apprécier les objections communiquées par le secrétaire d'État, et les motifs qui se sont opposés jusqu'alors au transfèrement de l'extradé.

Telles sont les phases que traverse l'examen d'une demande d'extradition adressée à l'Angleterre. Ce système est indiqué et consacré par l'article 1er de la convention conclue, la 13 février 1843, entre la France et la Grande-Bretagne :

"......

Il est convenu que les hautes parties contractantes, sur les réquisitions faites en leur nom, par l'intermédiaire de leurs agents diplomatiques respectifs, seront tenues de livrer en justice les individus, qui, accusés des crimes de ....., commis dans la juridiction de la partie requé rante, chercheront un asile ou seront rencontrés dans les territoires de l'autre, pourvu que cela n'ait lieu que dans les cas où l'existence du crime sera constatée de telle manière que les lois du pays où le fugitif ou l'individu ainsi accusé sera rencontré justifieraient sa détention et sa mise en jugement, si le crime y avait été commis.

[ocr errors]

<< En conséquence, l'extradition ne sera effectuée, de la part du gouvernement britannique, que sur le rapport d'un juge ou magistrat commis à l'effet d'entendre le fugitif sur les faits mis à sa charge par le mandat d'arrêt ou autre acte judiciaire équivalent, émané d'un juge ou magistrat compétent en France et énonçant également d'une manière précise lesdits faits. »>

Le système, qui vient d'être exposé, est également suivi aux États-Unis. La procédure, qui a été réglée par deux actes du congrès, en date du 12 août 1848 et du 22 juin 1860, y passe par les mêmes phases.

Comme en Angleterre, la demande d'extradition, avec le mandat d'arrêt et les autres pièces à l'appui, est remise par l'agent diplomatique du pays requérant au secrétaire d'État pour les relations extérieures.

Le secrétaire d'État décerne un mandat, qui a pour effet d'autoriser le gouvernement étranger requérant à soumettre la cause à un magistrat compétent des États-Unis. Comme on l'a déjà vu (page 175), le magistrat compétent est saisi de l'affaire par une plainte portée, sous serment, par un représentant du gouvernement requérant, et par laquelle ce représentant accuse l'individu réclamé d'avoir commis, dans la juridiction de son gouvernement, une des infractions prévues par le traité. La procédure suivie devant le pouvoir judiciaire exige donc l'intervention directe du gouvernement requérant, qui joue le rôle de partie dans le débat. En Angleterre, le juge compétent est directement saisi de l'affaire par le secrétaire d'État; il peut, sur la réquisition de ce dernier, ordonner la comparution de l'inculpé et connaître de la

cause. Aux États-Unis, le mandat délivré par le secrétaire d'État oblige seulement le magistrat compétent à entendre la plainte formée et à y donner suite, conformément à la loi.

A partir de ce moment, la procédure est identique aux ÉtatsUnis et en Angleterre.

Si l'infraction n'a pas le caractère politique et rentre dans les prévisions du traité, le magistrat décerne un mandat d'arrêt contre le prévenu. Celui-ci comparaît en audience publique, assisté d'un conseil; il entend l'exposé des charges qui pèsent sur lui; il est admis à présenter toutes les observations qu'il croit utiles à sa défense. De son côté, le demandeur fait valoir les considérations sur lesquelles s'appuie la requête d'extradition. Après ce débat contradictoire, le magistrat décide s'il y a lieu de maintenir la détention.

La voie de l'appel est ouverte au prévenu, qui peut demander et obtenir un mandat d'habeas corpus.

Les décisions du juge de première instance et du juge d'appel sont portées à la connaissance du secrétaire d'État, qui délivre l'ordre de mettre le prévenu à la disposition de la personne désignée à cet effet par le gouvernement requérant. L'extradition doit, comme en Angleterre, être effectuée dans les deux mois qui suivent la décision définitive du pouvoir judiciaire.

Pour plus de détails sur cette procédure, le lecteur devra se reporter aux dispositions des actes de 1848 et de 1860. Les indications qui précèdent suffisent pour en donner une idée exacte, et déterminer le rôle assigné respectivement à l'administration et au pouvoir judiciaire.

La convention du 9 novembre 1843, entre la France et les États-Unis, a nettement consacré le principe du système. L'article 1 est ainsi conçu:

« Il est convenu que les hautes parties contractantes, sur les réquisitions faites en leur nom par l'intermédiaire de leurs agents diplomatiques respectifs, seront tenues de livrer en justice les individus qui, accusés des crimes énumérés dans l'article suivant, commis dans la juridiction de la partie requérante, chercheront un asile ou seront rencontrés dans les territoires de l'autre, pourvu que cela n'ait lieu que dans le cas où l'existence du crime sera constatée de telle manière que les lois du pays où le fugitif ou l'individu ainsi accusé sera rencontré justifieraient sa détention et sa mise en accusation, si le crime y avait été commis.

BO

« PreviousContinue »