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tion, à toutes les infractions prévues, quelle qu'en fût la date. Ils n'ont cru devoir formuler une stipulation expresse que dans le cas où ils ont été obligés, par le fait des cocontractants, de déroger à la règle. L'exception avait seule besoin d'être expressément établie.

L'étude de certaines autres dispositions, insérées dans presque tous les traités français, ne permet pas de douter de la pensée des négociateurs.

Ainsi, la plupart de ces conventions s'appliquent << aux individus réfugiés du territoire de l'une des parties sur le territoire de l'autre, qui seraient poursuivis ou condamnés par les tribunaux compétents. » Il n'est fait aucune différence entre ceux qui se sont réfugiés dans le pays requis, à une époque antérieure ou postérieure à la mise en vigueur du traité. Que faut-il en conclure, si ce n'est que le traité s'applique indistinctement à tous?

Une autre clause, très-usitée, porte que « le prévenu ou le condamné, dont l'extradition aura été accordée, ne pourra être, dans aucun cas, poursuivi ou puni pour aucun crime ou délit politique antérieur à l'extradition, ni pour aucun des crimes ou délits non prévus par la convention. » Du dernier membre de phrase, il est permis de conclure, que l'extradé peut être poursuivi ou puni pour un crime prévu par la convention, alors même que ce crime ne serait pas celui qui a motivé l'extradition. Il en résulte qu'un crime, commis antérieurement au traité, peut être poursuivi ou puni, pourvu qu'il figure au nombre des crimes prévus par le traité. Or, si ce crime peut être poursuivi et puni par le pays requérant à la suite d'une extradition, comprendrait-on qu'il ne pût servir de base à une demande d'extradition? Les deux idées sont corrélatives.

Ajoutons enfin que notre doctrine a conquis, dans ces dernières années, une alliance importante. Nous avons vu tout à l'heure que la Grande-Bretagne avait fait prévaloir le système contraire dans le traité de 1843. A la suite de l'examen approfondi, auquel le droit d'extradition a été soumis, après la dénonciation de ce traité par la France (1865), le Parlement anglais a abandonné sa première manière de voir. L'article 6 de l'Acte d'extradition de 1870 est ainsi conçu :

« Toutes les fois que le présent acte sera applicable à l'égard d'un Etat étranger, tout malfaiteur fugitif dudit État, qui se trouvera ou qu'on supposera se trouver dans les États de Sa Majesté, pourra être arrêté et

livré, de la manière indiquée dans le présent acte, que le crime pour lequel son extradition est réclamée ait été commis, antérieurement ou postérieurement à la date de l'ordonnance qui aura rendu le présent acte applicable à l'État requérant.... >>

Le texte est formel. C'est la consécration réfléchie des vrais principes indiqués par la théorie.

CHAPITRE VII.

ACTE D'EXTRADITION ET REMISE DE L'EXTRADÉ.

Tous les écueils sur lesquels la demande d'extradition peut échouer, ont été relevés: il ne reste plus qu'à la voir toucher au port.

Supposons donc que la demande ait été régulièrement formée, et que l'examen dont elle a été l'objet, n'y ait fait découvrir aucun vice de fond ni de forme. Alors, l'extradition sera accordée. Par qui sera-t-elle autorisée? Quel est, dans le pays requis, le pouvoir compétent pour ordonner la remise de l'extradé à la Puissance requérante?

Acte d'extradition.

D'après un principe universellement admis, c'est au pouvoir exécutif qu'il appartient d'ordonner l'extradition. C'est cet ordre du pouvoir exécutif que nous appelons acte d'extradition.

Le principe qui vient d'être indiqué se justifie par cette considération que l'extradition, étant un acte de souveraineté ne peut être effectuée que sur l'ordre du pouvoir qui a l'exercice des droits de souveraineté de la nation à l'égard des autres Puis

sances.

Mais le pouvoir exécutif pourrait déléguer ses droits aux agents. d'un autre ordre. Ainsi, qui empêcherait, dans les pays où l'examen de la demande d'extradition est confié au pouvoir judiciaire, de lui déléguer la faculté de statuer définitivement sur la suite à y donner? Peu importe, en effet, qu'il s'agisse d'un acte de sou

veraineté! Les tribunaux n'exercent-ils pas, par délégation, les droits de l'exécutif, lorsqu'ils revêtent un jugement de la force exécutoire? Dira-t-on qu'il s'agit, dans l'espèce, de faire produire ses effets à un traité d'extradition, c'est-à-dire à un acte administratif, et que l'autorité judiciaire est incompétente, en raison du principe de la séparation des pouvoirs? L'objection serait fondée, s'il était question d'apprécier ou d'interpréter le traité : l'appréciation et l'interprétation des actes administratifs sont interdites au pouvoir judiciaire. Mais il s'agit d'appliquer le traité. Or, d'après une doctrine unanime et une jurisprudence constante, «<les tribunaux ont le pouvoir et le devoir d'appliquer les actes administratifs qui leur sont présentés, lorsque cette application ne nécessite pas l'interprétation préalable dudit acte (1). >>

Quoi qu'il en soit, l'application stricte du principe a prévalu chez toutes les nations: l'extradition n'est jamais effectuée que sur l'ordre émané directement du pouvoir exécutif.

Au point de vue de l'examen de la demande d'extradition dans le pays requis, les Puissances se partagent en trois groupes, dont chacun procède d'après un mode différent. Reprenons cette division, pour indiquer comment se manifeste, dans les États de ces trois groupes, l'ordre du pouvoir exécutif.

1o En France, l'administration, c'est-à-dire le pouvoir exécutif, est en même temps chargée d'examiner la requête et d'y donner suite. Lorsque le ministre de la justice, auquel cet examen est confié, juge que la requête est régulière et fondée, il prépare un projet de décret autorisant l'extradition, et le soumet à la signature du chef de l'État. C'est donc, actuellement, un décret du Président de la République qui autorise et ordonne l'extradition.

Cette procédure a été, pour la première fois, déterminée d'une manière expresse, dans le décret impérial du 23 octobre 1811, que nous avons eu déjà l'occasion de citer. L'article 1er est ainsi conçu « Toute demande en extradition faite par un gouvernement étranger contre un de nos sujets prévenu d'avoir commis un crime contre des étrangers sur le territoire de ce gouvernement, nous sera soumise par notre grand juge ministre de la justice pour y être par nous statué, ainsi qu'il appartiendra. » — De l'avis de tous les auteurs qui se sont occupés de la question, le décret de 1811 n'a fait ici qu'étendre au cas particulier de l'extra

(1) M. Dufour. Traité général du droit administratif appliqué, 2o édit. t. I, ch. 1, Du chef de l'État, p 99.

dition des nationaux, les règles de procédure applicables à l'extradition des étrangers.

La circulaire ministérielle du 5 avril 1841 confirme implicitement ce mode de procéder. Il y est dit, en effet : « La France, usant de réciprocité envers les Puissances étrangères, consent à leur livrer les malfaiteurs qui ont commis des crimes sur leur territoire. Les magistrats sont tout à fait étrangers à la négociation qui intervient alors... L'arrestation d'un étranger ne peut être opérée qu'en vertu de l'ordonnance du roi qui ordonne l'extradition. L'exécution de l'ordonnance d'extradition est confiée aux agents de l'ordre administratif. » Il résulte clairement de ces passages, que l'extradition est autorisée par un acte du chef du pouvoir exécutif. C'était, en 1841, une ordonnance royale; c'est aujourd'hui un décret du Président de la République le nom seul a changé, la chose est restée. L'ordonnance ou le décret est rendu sur la proposition d'un secrétaire d'État. Le ministre des affaires étrangères, directement saisi de la demande d'extradition et chargé de la négociation des traités d'extradition, aurait pu être désigné pour préparer l'acte qui clôt la procédure. Le soin en a été remis au ministre de la justice, à qui est confiée la tâche d'examiner la demande, et dont la compétence paraît mieux justifiée, en raison de la nature des questions que soulève un pareil examen.

Telle est la procédure suivie en France et dans les nombreux pays qui ont, comme la France, attribué à l'administration le soin d'examiner les demandes d'extradition et d'en arrêter la solution. L'acte d'extradition est, selon le régime constitutionnel, une ordonnance ou un décret rendu par le chef de l'État, sur la proposition de l'autorité administrative, chargée de l'examen de l'affaire.

2o En Belgique et aux Pays-Bas, l'autorité judiciaire est saisie par l'exécutif de la demande d'extradition; elle doit exprimer, après examen et débat contradictoire, son avis sur la suite à y donner. Mais cet avis ne lie pas le pouvoir exécutif, auquel il appartient, comme en France, de statuer définitivement. L'avis du tribunal et le dossier de l'affaire sont renvoyés, dans un délai déterminé, au ministère de la justice, qui prépare, s'il y a lieu, et propose à la signature du souverain le projet d'ordonnance autorisant l'extradition.

Cette procédure est consacrée, en Belgique, par les articles 1 et 2 de la loi du 5 avril 1868. Le premier attribue au gouvernement le droit de livrer aux gouvernements étrangers les malfai

teurs dont l'extradition est réclamée; le second décide que le gouvernement devra prendre l'avis de la chambre des mises en accusation de la cour d'appel, dans le ressort de laquelle l'étranger aura été arrêté, et que cet avis motivé sera renvoyé, avec le dossier de la procédure, au ministre de la justice. A ce secrétaire d'État revient donc le soin de préparer la décision du gouvernement. L'acte d'extradition est nécessairement une ordonnance du roi ou un arrêté du ministre, exerçant, par délégation, la prérogative royale.

Aux Pays-Bas, la question est réglée, d'une manière identique, par les articles 17 et 18 de la loi sur les étrangers, du 13 août 1849.'

3o En Angleterre et aux États-Unis, le pouvoir judiciaire est exclusivement chargé de l'examen des demandes d'extradition. Ce n'est plus seulement un avis qu'il donne, puisque l'extradition ne peut pas être effectuée s'il décide que l'individu réclamé ne doit pas être maintenu en détention. Toutefois, il n'a pas le droit d'ordonner l'extradition: ce droit fait partie des prérogatives du pouvoir exécutif.

Pour les États-Unis, la question est expressément résolue par l'article 3 de la convention conclue avec la France, le 9 novembre 1843 « ...; de la part du gouvernement des Etats-Unis, l'extradition ne sera effectuée que sur l'ordre de l'exécutif des ÉtatsUnis. La procédure est tracée par les sections I et III de l'acte fondamental du 12 août 1848. D'après cet acte législatif, le pouvoir judiciaire examine l'affaire, décide s'il y a lieu de maintenir le prévenu en détention, et en informe le secrétaire d'État compétent. Celui-ci, exerçant les droits de l'exécutif, délivre un mandat revêtu de sa signature et de son sceau officiel, et ordonnant que l'individu réclamé soit mis à la disposition de l'autorité étrangère.

En Angleterre, la même marche est indiquée par les articles 9, 10 et 11 de l'acte d'extradition de 1870. L'article 1er de la convention anglo-française, du 13 février 1843, décide seulement que l'extradition ne doit être effectuée, de la part du gouvernement britannique, que sur le rapport de l'autorité judiciaire.

L'acte d'extradition consiste donc, en Angleterre et aux ÉtatsUnis, en un mandat délivré par un secrétaire d'État, et ordonnant la remise du réfugié à l'autorité étrangère.

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