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« Attendu qu'au moment où le président de la Cour d'assises a donné cet avertissement aux jurés et à l'accusé, ce dernier n'a élevé aucune réclamation à cet égard; qu'il n'a pas non plus, ainsi qu'il en avait le droit, présenté à la Cour d'assises des demandes ou conclusions tendantes à être jugé sur tous les chefs d'accusation compris dans l'arrêt de renvoi, et à ce que, nonobstant les limitations de l'acte d'extradition, il fût procédé aux débats et à la position des questions au jury sur le délit de banqueroute simple, qualifié par l'arrêt de renvoi de délit connexe au crime de banqueroute frauduleuse; qu'il a donc ainsi virtuellement consenti et acquiescé à ce que les débats et la position des questions fussent circonscrits dans les limites de l'acte d'extradition; d'où il suit que le président de la Cour d'assises a pu restreindre les questions qu'il a posées au jury à celles de banqueroute frauduleuse et de faux en écriture de commerce qui avaient été l'objet de la demande en extradition et de l'acte qui l'a ordonné; que, par conséquent, il n'a été fait aucun grief au demandeur en cassation par le mode de procéder qui a été suivi; qu'aucune violation des articles 337, 227 du Code d'instruction criminelle, ni de la chose jugée, n'a eu lieu à son préjudice, et qu'il a été fait au contraire une juste application des principes sur l'extradition;

Rejette, etc. >>

La jurisprudence des tribunaux et de la chancellerie n'a pas varié depuis cette époque.

Dans l'affaire Lamirande, déjà citée, le ministre de la justice termine sa dépêche au procureur général de la Cour de Poitiers, par les recommandations suivantes :

<< Mais vous devrez vous conformer à la convention diplomatique et à mes instructions, en requérant que l'accusé ne soit jugé que sur le chef de faux, à moins qu'il n'accepte volontairement la décision du jury sur les autres points. >> Et la Cour d'assises de la Vienne, par un second arrêt du 3 décembre 1866, confirme cette doctrine, en disant :

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a Attendu qu'il résulte des documents de la cause que Sureau-Lamirande, bien qu'accusé des crimes de vol qualifié, abus de confiance qualifié et faux en écriture de commerce ou de banque, n'a été, après sa fuite au Canada, réclamé par le Gouvernement français et livré par les autorités britanniques qu'à raison des crimes de faux en écriture de commerce ou de banque, conformément aux traités d'extradition existant entre la France et la Grande-Bretagne ;

« Attendu qu'il est de principe que l'accusé ainsi extradé ne peut être jugé contradictoirement par la Cour d'assises que sur les chefs d'accusation pour lesquels son extradition a été accordée, à moins qu'il ne consente expressément à être jugé sur tous les chefs compris dans l'arrêt de mise en accusation;

<< Attendu qu'interpellé formellement à cet égard par le président des assises, Sureau-Lamirande, après avoir répondu tout d'abord qu'il ne voulait ni consentir ni ne pas consentir à être jugé sur tous les chefs d'accusation, a fini par déclarer qu'il n'y consentait pas;

Par ces motifs, la Cour, statuant tant sur les conclusions de la défense que sur les réquisitions du ministère public, et faisant droit à ces dernières ;

« Ordonne que les débats ne porteront que sur les seuls faits de faux en écriture de commerce ou de banque. »

Le ministre de la justice est revenu sur cette question dans la dépêche communiquée, le 4 juillet 1867, à la Cour de cassation. Rappelant certains précédents, il définit à la fois le caractère du consentement donné par l'extradé et de la notification faite au gouvernement étranger:

« Des extradés pour crimes, qui ne pouvaient dès lors être jugés malgré eux pour des délits non prévus dans la convention générale et dans les négociations spéciales sans porter atteinte au contrat intervenu en dehors de leur participation, ont consenti ensuite à purger toutes les accusations portées contre eux. Dans ce cas, et bien que ce fût une renonciation à la protection des gouvernements qui avaient accordé l'extradition, et l'équivalent d'un retour volontaire en France, nous avons fait preuve de courtoisie, en prévenant le gouvernement étranger, de manière qu'il ne pût pas croire à un acte violent attentatoire à sa souveraineté. Toujours l'État étranger (par exemple, la Suisse et la Belgique) s'est empressé de nous remercier du procédé et d'envoyer son plein acquiescement. Mais ce qui prouve qu'on ne se trouvait plus en matière d'extradition, c'est que la Belgique, notamment, a approuvé le jugement pour des délits à raison desquels la loi spéciale du 1er octobre 1833 ne lui aurait pas permis d'accorder la remise d'un contumax réclamé par nous. »

Nous pouvons encore citer, dans le même sens, l'arrêt rendu dans l'affaire Cayla, le 17 avril 1868, par la Cour d'assises d'Oran. En voici le texte :

« LA COUR; attendu qu'il résulte des documents de la cause que Cayla a été, après sa fuite en Espagne, réclamé par le Gouvernement français et livré par les autorités espagnoles à raison du crime de banqueroute frauduleuse; — attendu, en ce qui touche le délit de diffamation, qu'il aurait été commis à Oran depuis l'extradition obtenue; que, du reste, l'accusé consent à être jugé sur ce chef; - attendu, en ce qui touche les chefs de banqueroute simple, qu'ils auraient été commis antérieurement à l'extradition; qu'il est de principe que l'accusé ne peut être jugé de plein droit que sur les chefs d'accusation pour lesquels l'extradition a

été obtenue; que Cayla aurait incontestablement le droit de refuser le débat et de demander son renvoi à la frontière, pour le cas où il serait acquitté sur les chefs de banqueroute frauduleuse et de diffamation; attendu que l'accusé, loin d'exciper de la garantie dont le couvrent les conditions d'extradition, déclare formellement y renoncer et consent à être jugé immédiatement sur tous les chefs relevés par l'arrêt de renvoi; qu'il aurait incontestablement le droit, s'il était reconduit à la frontière après acquittement partiel, de revenir purger le reste de l'accusation, et que, dans ces circonstances, le retard apporté au jugement des chefs de banqueroute simple ne pourrait que nuire aux intérêts de sa défense, intérêt dont il est le seul juge et le meilleur appréciateur; — attendu que si l'extradition, à titre d'acte libre de souveraineté, constitue une convention dans laquelle l'accusé n'a pas été partie, elle ne peut néanmoins porter atteinte aux droits de la défense; qu'en conséquence, le droit international ne saurait être violé, lorsque le tribunal de jugement, tout en proclamant le principe, se conforme à la volonté librement manifestée de l'accusé; par ces motifs, donne acte à Cayla de ce qu'il consent expressément à être jugé sur tous les chefs d'accusation compris dans l'arrêt de renvoi; ordonne qu'il sera passé outre aux débats. »>

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Nous avons déjà fait des réserves pour un des attendus de cet arrêt c'est à tort que la Cour a reconnu à l'accusé le droit de demander son renvoi à la frontière, en cas d'acquittement sur les chefs réservés. L'arrêt est irréprochable sur tous les autres points.

Enfin, dans les dernières années, le droit conventionnel a consacré expressément les effets que la théorie reconnaît au consentement donné par l'extradé.

Le traité conclu, le 29 avril 1869, entre la France et la Belgique, dispose dans l'article 10, que:

« L'individu qui aura été livré ne pourra être poursuivi ou jugé contradictoirement pour aucune infraction autre que celle ayant motivé l'extradition, à moins du consentement exprès et volontaire donné par l'inculpé et communiqué au gouvernement qui l'a livré. »

L'article 9, § 1o, du traité franco-bavarois, du 29 novembre 1869, est ainsi conçu :

« L'individu extradé ne sera ni poursuivi ni puni pour crimes ou délits autres que ceux dont il a été fait mention dans la requête d'extradition, à moins que ces crimes ou délits ne soient prévus à l'article 2, et que le gouvernement qui a accordé l'extradition ne donne son consentement, ou à moins du consentement exprès et volontaire donné par l'inculpé et communiqué au gouvernement qui l'a livré. »

L'article 8, § 2, du traité franco-suisse, du 12 janvier 1870, porte également :

« L'individu qui aura été livré ne pourra être poursuivi ou jugé contradictoirement pour aucune infraction autre que celle ayant motivé l'extradition, à moins du consentement exprès et volontaire donné par l'inculpé et communiqué au gouvernement qui l'a livré, ou à moins que l'infraction ne soit comprise dans la convention et qu'on n'ait obtenu préalablement l'assentiment du gouvernement qui aura accordé l'extradition. »

L'article 9, du traité du 12 mai 1870, entre la France et l'Italie, contient une disposition semblable:

« L'extradition ne pourra avoir lieu que pour la poursuite et la punition des crimes ou délits prévus à l'article 2. Toutefois, elle autorisera l'examen et, par suite, la répression des délits poursuivis en même temps comme connexes du fait incriminé et constituant, soit une circonstance aggravante, soit une dégénérescence de l'accusation principale. En dehors de ces deux cas, l'individu qui aura été livré ne pourra pas être poursuivi ou jugé contradictoirement pour aucune infraction autre que celle ayant motivé l'extradition, à moins du consentement exprès et volontaire donné par l'inculpé et communiqué au gouvernement qui l'a livré, ou, s'il n'y a pas consentement, à moins que l'infraction ne soit comprise dans la convention et qu'on n'ait obtenu préalablement l'adhésion du gouvernement qui aura accordé l'extradition. »

Des dispositions analogues se rencontrent dans les traités récemment conclus par les nations voisines de la France. On peut citer, notamment, l'article 9 de la convention du 24 novembre 1869, entre la Belgique et la Suisse, qui est ainsi conçu:

« L'individu qui aura été livré ne pourra être poursuivi ou jugé contradictoirement pour aucune infraction autre que celle ayant motivé l'extradition, à moins du consentement exprès et volontaire donné par l'inculpé et communiqué au gouvernement qui aura accordé l'extradition.

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Les deux mots, qui servent de titre à ce chapitre, ne semblent pas faits pour aller ensemble: l'un indique une action contrainte, tandis que l'autre présente à l'esprit la pensée d'un acte accompli avec une liberté franche. Les deux idées se trouvent réunies, pourtant, dans l'hypothèse dont nous allons nous occuper. Il s'agit, en effet, d'une extradition, qui est effectuée par le gouvernement requis, sur la demande même de l'individu réclamé. Il y a donc, à la fois, acte de contrainte exercé par le gouvernement requis, et acte volontaire de la part de l'accusé.

Nous supposons qu'un malfaiteur fugitif, arrivé en pays étranger, a été mis en état d'arrestation provisoire, sur la requête formée par le gouvernement du pays où l'infraction a été commise. – L'arrestation provisoire, comme on le sait, est une mesure conservatoire destinée à empêcher le fugitif de se soustraire aux poursuites, pendant que le pays requérant réunit les preuves nécessaires pour obtenir son extradition. La durée de l'arrestation provisoire varie, selon les traités, entre deux (traité franco-belge) et six mois (traité franco-chilien). Nous supposons, en outre, que le détenu juge de son intérêt de ne pas attendre l'expiration de ce délai, et demande à être mis à la disposition des autorités du pays requérant, sans attendre l'accomplissement régulier des formalités de l'extradition. Cette détermination peut lui être inspirée par des motifs divers: ou bien il est convaincu que l'extradition sera définitivement accordée, et qu'il a intérêt à se livrer immédiatement, pour abréger la détention préventive et activer l'instruction; ou bien, fort de son innocence, il compte, par sa présence et par ses explications, faire tomber les imputations dont il est l'objet, ou en modifier le caractère; ou bien, il obéit à l'influence d'un bon mouvement, qui le pousse à se remettre à la justice de son

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