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ger en dehors de toute extradition. Mais la procédure, instruite pour obtenir la remise d'un malfaiteur fugitif, est souvent accompagnée de l'envoi d'une commission rogatoire. L'individu poursuivi a emporté, dans sa fuite, des objets ou des valeurs, qui peuvent servir de pièces à conviction; ou bien, pendant son séjour à l'étranger, il a fait telles déclarations ou tels actes, de nature à éclairer l'instruction. En un mot, il y a sujet à enquête ou à expertise, c'est-à-dire, sujet à commission rogatoire. D'autre part, les traités d'extradition sont les seuls actes internationaux qui aient exclusivement rapport aux matières pénales. Il n'est donc pas surprenant que les négociateurs aient été amenés à joindre aux stipulations relatives à l'extradition une clause destinée à réglementer l'emploi des commissions rogatoires pour l'étranger.

Ces considérations ne sont pas, d'ailleurs, spéciales aux commissions rogatoires; elles s'appliquent également aux autres procédures internationales qui seront étudiées dans ce livre.

Les stipulations conventionnelles, relatives aux commissions rogatoires, ont un double effet: elles créent, pour les magistrats du pays requis, l'obligation d'exécuter le mandat émané de l'autorité judiciaire étrangère; de plus, elles assurent aux deux pays une complète réciprocité.

Nous n'avons plus à établir que le pouvoir judiciaire se trouve lié par un acte conventionnel passé par le pouvoir exécutif : la démonstration a été faite, une fois pour toutes, lorsqu'il s'est agi de prouver que l'autorité judiciaire est tenue d'appliquer les conventions d'extradition. Le raisonnement serait ici le même; c'est une conséquence de même ordre et tout aussi rigoureuse à tirer du principe de la séparation des pouvoirs. - On peut donc tenir pour certain que les magistrats du pays requis sont liés par la convention, qu'ils doivent exécuter les commissions rogatoires qui leur parviennent régulièrement.

Reste à indiquer les conditions à remplir, pour que la transmission en soit considérée comme régulière. Une seule est imposée expressément par le droit conventionnel: la commission rogatoire doit être envoyée par voie diplomatique. On connait les garanties attachées à ce mode de transmission: c'est une preuve que la commission rogatoire est inspirée par des motifs sérieux, et que les renseignements réclamés ont un intérêt réel pour la justice. Il est à présumer, en effet, que le magistrat, de qui elle émane, ne s'est pas, sans de graves raisons, déterminé

à lancer un mandat, qui devra encourir plusieurs examens successifs avant d'arriver à destination. De plus, l'emploi de la voie diplomatique met en présence les deux gouvernements intéressés: le gouvernement requérant présente la commission rogatoire sous sa responsabilité et en garantit le caractère; le gouvernement requis se trouve couvert, dans une certaine mesure, contre les réclamations que l'exécution du mandat pourrait susciter de Puissances tierces.

Voici donc la route que la commission rogatoire doit parcourir elle arrive, par les soins de l'autorité judiciaire qui l'a formulée, dans les mains du procureur général du ressort, qui la transmet au ministre de la justice; celui-ci la communique au ministre des affaires étrangères, qui l'envoie à l'agent diplomatique accrédité près du pays requis; elle est remise au ministre des affaires étrangères de ce pays, et parvient, par une filière analogue, à l'autorité judiciaire chargée d'y donner suite; enfin, elle refait, en sens inverse, les mêmes étapes, et revient au point de départ, avec les pièces qui en constatent l'exécution.

Il est une autre condition, que n'indiquent pas les traités diplomatiques, et que la jurisprudence internationale impose cependant d'une manière absolue les commissions rogatoires, transmises à l'étranger, ne doivent pas avoir pour sujet une infraction politique, ni se référer à un procès politique. Cette règle se fonde exactement sur les mêmes motifs qui s'opposent à ce que l'extradition ait lieu en matière politique. Les gouvernements ne veulent pas prêter les mains à des poursuites exercées pour des faits dont la criminalité n'est pas absolue, et dans lesquelles la justice peut être entraînée parfois à faire œuvre de parti.

Outre ces conditions générales, qui sont de règle en droit international, la procédure, dont nous nous occupons, peut être soumise, par des stipulations conventionnelles expresses, à d'autres conditions particulières. En voici une, notamment, qui est consacrée par l'article 12 du traité franco-bavarois, du 29 novembre 1869:

« Les Hautes Parties contractantes se réservent, toutefois, le droit de décliner la communication de preuves et l'exécution de commissions rogatoires tendant à établir la culpabilité d'un de leurs sujets prévenu d'une infraction devant les tribunaux de l'État requérant. »>>

Cette clause a été évidemment inspirée par le même ordre

d'idées qui ont dicté la règle d'après laquelle les nationaux ne sont pas soumis à l'extradition. C'est un corollaire éloigné de cette règle, et l'application en est peu favorable aux intérêts de la justice. On se rend compte des obstacles qui peuvent résulter, pour la recherche de la vérité, du refus opposé par la Puissance requise à l'exécution d'une commission rogatoire, parce qu'un de ses nationaux se trouve impliqué dans les poursuites. Il faut dire, d'ailleurs, que la restriction insérée dans le traité bavarois ne paraît pas avoir chance d'être acceptée par la jurisprudence internationale: elle ne figure dans aucune des conventions conclues par la France et par d'autres États, postérieurement au traité du 29 novembre 1869. Nous savons, en outre, que le principe, en vertu duquel les nationaux ne sont pas soumis à l'extradition, est mis en discussion, et paraît déjà fort ébranlé. Les critiques, qu'il soulève, s'appliquent avec plus de force encore à la restriction bavaroise.

L'exécution des commissions rogatoires entraîne souvent des frais. Nous avons indiqué, dans un chapitre spécial, l'attribution qui en est faite. D'après une règle généralement reçue, les frais dont il s'agit restent à la charge de la Puissance sur le territoire de laquelle la commission rogatoire est exécutée. Une sorte de compensation s'établit naturellement entre les deux gouvernements, qui évitent ainsi les ennuis et les difficultés de règlements de comptes incessants.

Il n'est fait d'exception que pour les expertises criminelles, commerciales ou médico-légales, qui sont réclamées rarement et peuvent entraîner des frais considérables: le gouvernement requis est fondé à demander la restitution des frais résultant de commissions de cette nature. Cette exception est entrée depuis peu dans le droit conventionnel; car elle figure, pour la première fois, dans le traité conclu entre la France et la Belgique, le 29 avril 1869 (art. 13).

La règle générale a prévalu pour tous les autres cas les frais restent à la charge du gouvernement requis.

Une seule convention fait dissonance dans cette harmonie: c'est le traité du 10 juillet 1854, entre la France et la Principauté de Waldeck et Pyrmont, qui contient la clause suivante (art. 11): « Les frais résultant de l'exécution de la commission rogatoire sont à la charge du gouvernement qui la demande. »

Les premières stipulations conventionnelles, relatives aux com

missions rogatoires adressées à l'étranger, en matière pénale, ne remontent pas à une époque bien éloignée. Dans la série des conventions négociées par la France, le traité du 7 novembre 1844, avec les Pays-Bas, est le premier qui règle la question. Et ce n'est encore qu'un essai isolé! Les conventions postérieures, de 1844 à 1853, n'y consacrent aucun article. Le traité du 23 janvier 1853, avec le Wurtemberg, contient la stipulation suivante (art. 11):

« Lorsque, dans la poursuite d'affaires pénales, un des gouvernements jugera nécessaire l'audition de témoins domiciliés dans l'autre État, une commission rogatoire sera envoyée, à cet effet, par voie diplomatique, et il y sera donné suite en observant les lois du pays où les témoins seront invités à comparaître. Les gouvernements respectifs renoncent, de part et d'autre, à former aucune réclamation par suite des frais qui en résulteraient. »

Cette clause est reproduite dans toutes les conventions postérieures.

En 1869, la formule se complète. Voici le texte de l'article 13 du traité franco-belge du 29 avril :

<< Lorsque, dans la poursuite d'une affaire pénale, un des deux gouvernements jugera nécessaire l'audition de témoins domiciliés dans l'autre État, une commission rogatoire sera envoyée, à cet effet, par la voie diplomatique, et il y sera donné suite par les officiers compétents, en observant les lois du pays où l'audition des témoins devra avoir lieu. Les gouvernements respectifs renoncent à toute réclamation ayant pour objet la restitution des frais résultant de l'exécution des commissions rogatoires, à moins qu'il ne s'agisse d'expertises criminelles, commerciales ou médico-légales..... »

Telle est la rédaction consacrée par les traités les plus récents. L'examen des traités conclus par les autres Puissances entre elles, permet de constater que le droit conventionnel est, sur ce point, conforme aux indications que nous avons données.

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CHAPITRE II.

COMPARUTION DE TÉMOINS.

La commission rogatoire est le plus souvent employée pour obtenir la déposition d'un témoin résidant à l'étranger: la déposition, reçue par le magistrat requis et signée par le témoin, est mise à la disposition du magistrat ou du tribunal requérant. Mais ce témoignage écrit n'est pas toujours suffisant. Il arrive souvent que la présence même du témoin paraît nécessaire pour l'instruction ou pour les débats. Par quelle combinaison peut-on pourvoir à cet intérêt? C'est encore une question internationale qui ne saurait être résolue que par une entente entre les gouvernements intéressés.

Il s'agit, d'abord, de faire parvenir la citation au témoin, qui réside à l'étranger et dont la présence est réclamée, soit par le magistrat instructeur, soit par l'accusation, soit par la défense. La transmission de cet acte sera effectuée par la voie diplomatique ce mode de transmission garantit le gouvernement requis que la comparution du témoin est réclamée pour des motifs sérieux, et le gouvernement requérant, que la citation est régulièrement effectuée. Le témoin est cité par l'autorité compétente du pays requis, selon le mode prescrit par la loi locale pour cette sorte de procédure.

D'après une règle consacrée par toutes les législations, la personne, citée pour être entendue en témoignage, est tenue de comparaître et de satisfaire à la citation; elle peut, en cas de refus, être frappée de peines sévères et contrainte par corps à venir donner son témoignage. (Art. 80, Code d'instr. cr.) L'application de cette règle doit-elle être étendue au cas qui nous occupe? En d'autres termes, le témoin cité sera-t-il obligé de répondre à la citation émanée d'un tribunal étranger? Aucun principe n'est contraire à une telle obligation. Le pouvoir exécutif n'excèderait pas ses pouvoirs en signant et en faisant appliquer une convention diplomatique qui imposerait aux témoins, respectivement cités, l'obligation de comparaître dans l'autre pays. Nous donnerons

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