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Les rapports des deux pays, en matière d'extradition, furent réglés à nouveau par les articles 5 et 6 du traité du 18 juillet 1828. C'est le second traité d'extradition négocié par la France au dix-neuvième siècle. Il est rédigé sur le modèle des deux conventions antérieures, et ne s'en distingue guère que par une énumération plus détaillée des faits passibles d'extradition. Si imparfaite qu'elle fût, cette convention est cependant restée en vigueur pendant plus de quarante ans; mais il faut dire que les parties contractantes en avaient comblé les lacunes et corrigé les imperfections par des promesses de réciprocité interveuues à l'occasion de faits particuliers.

Sardaigne.

Les traités conclus, pendant le dix-huitième siècle, entre la cour de Versailles et la cour de Turin ne contiennent aucune clause relative à la restitution des malfaiteurs fugitifs. Cependant, par suite d'un usage ancien, les deux Puissances s'accordaient, réciproquement, la remise des inculpés et des condamnés, sur la demande qui en était faite par voie diplomatique. Cette pratique se trouvait, en quelque sorte, confirmée par l'article 22 du traité du 24 mars 1760, qui assurait, dans chacun des deux pays, l'exécution des arrêts de justice rendus dans l'autre.

États pontificaux. — Durant le dix-huitième siècle, la France n'a passé avec la cour de Rome aucune convention pour la restitution réciproque des malfaiteurs. La question n'avait été réglée que pour le comtat d'Avignon, qui se trouvait enclavé dans le royaume. Un article séparé, annexé au traité de limites, du 30 avril 1623, entre Avignon et la Provence, stipulait que les criminels et accusés pouvaient être recherchés et arrêtés jusque sur les bords de la Durance, alors même que le lieu de refuge se trouverait dans le ressort de la souveraineté voisine. Il n'est donc pas question, dans cette clause, d'extradition proprement dite; il s'agit d'une concession réciproque, inspirée par la situation respective des deux pays.

Espagne. C'est la convention du 29 septembre 1765 qui a régi les rapports de la France avec l'Espagne, pendant la fin du dix-huitième siècle, et jusqu'à 1850. Voici le texte des articles 3, 4, 5, 6 et 7, spécialement relatifs à l'ex tradition :

« ART. 3.

Tout sujet ou sujets de Leurs Majestés Très-Chrétienne et Catholique, ou tout autre qui, sans être leur sujet, aurait commis,

dans les Etats de l'un ou de l'autre monarque, les crimes de vol sur les grands chemins, dans les églises et dans les maisons avec fracture et violence, celui d'incendie prémédité, celui d'assassinat, celui de viol, celui de rapt, celui d'empoisonnement prémédité, celui de faux monnayeur, celui de voler et de prendre la fuite avec les deniers confiés à leur garde, étant trésoriers ou receveurs pour le public ou pour le Roi; tous ceux qui seront coupables de quelques-uns des crimes ci-dessus mentionnés, et qui passeront d'un royaume à l'autre pour y prendre asile, seront arrêtés dans celui où ils seront retirés, et restitués à l'autre dans lequel ils auront commis le crime, sans exception ni dilation quelconques, et sur la simple réquisition qui en sera faite par la cour de Versailles à celle de Madrid, ou par la cour de Madrid à celle de Versailles, selon le cas où chacune se trouvera, et même en vertu de la réquisition qu'en feront les commandants des frontières de l'un des deux royaumes aux commandants des frontières de l'autre, ou à la réquisition de ceux qui représenteront lesdits commandants, quoiqu'ils ne soient pas titulaires; et, pour ce qui concerne les sujets des deux monarques qui auraient commis de moindres délits et crimes (autre néanmoins que celui de désertion) et qui passeraient d'un royaume à l'autre pour se garantir du châtiment, les deux monarques conviennent aussi de les restituer réciproquement à la première réquisition que l'une des deux cours en fera à l'autre.

« ART. 4. — On doit procéder à la remise des criminels et des malfaiteurs susmentionnés comme étant de premier ordre et l'effectuer réciproquement, vu l'énormité du crime, bien qu'ils aient pris asile dans une église ou dans tout autre lieu de refuge privilégié, quand même il faudrait les en arracher.

« ART. 5. Cependant, afin que les résultats de la présente convention ou de ce règlement ne portent point atteinte aux lois, aux pragmatiques et aux concordats ecclésiastiques de l'un ou de l'autre royaume, et qu'en même temps ou observe la réciprocité voulue, il est convenu et déclaré que les malfaiteurs espagnols arrêtés en France dans un asile ecclésiastique, pour des crimes qui jouissent, en Espagne, de l'immunité ecclésiastique, seront restitués par la France sous la condition que, pour ces crimes, ils ne seront pas punis de mort, de même qu'ils ne l'auraient pas été si, en Espagne, ils avaient été arrêtés dans une église; et que l'asile ecclésiastique aura la même force et valeur pour les malfaiteurs français arrêtés en Espagne, lesquels seront livrés à la France, sous la condition qu'ils ne seront pas punis de mort, ainsi qu'ils ne l'auraient pas été en Espagne.

« ART. 6. Lesdits criminels et malfaiteurs, désignés comme de premier ordre dans l'article 3, seront arrêtés, détenus en prison, nourris conduits aux frais de la partie qui les restitue, jusqu'à la frontière de la partie qui les réclame, où on les remettra et consignera aux comman

dants militaires ou civils, mais de préférence aux premiers, sans autre formalité que celle du reçu y relatif, et sans demander d'autre récompense que celle de cinquante piécettes, si le malfaiteur livré était Espagnol, ou de cinquante livres tournois, s'il était Français.

« ART. 7. — Les effets et l'argent trouvés en la possession des malfaiteurs coupables de crimes ou de délits au moment de leur arrestation, doivent être fidèlement livrés avec leurs personnes; on livrera surtout, si le délinquant est coupable de vol, tout l'argent et les effets qu'il aurait volés, déduction faite des frais de justice qu'on aura constatés légitimes et indispensables. Sur ce point, les autorités supérieures de l'une et de l'autre partie ne permettront aucun abus. »

Les clauses suivantes sont relatives à la restitution des déserteurs, et à la remise des objets saisis sur eux.

La convention de 1765 fut complétée par l'acte du 15 juillet 1783, qui établit en même temps des rapports d'extradition entre la France et le Portugal. Par cet acte, le roi de France fit accession au traité d'amitié et de commerce conclu le 1er mars 1778 entre l'Espagne et le Portugal. Ce traité comprenait un article ainsi conçu:

« ART. 6. On observera exactement et dans toutes ses parties l'article 18 du traité d'Utrecht du 6 février 4715 conclu entre les deux couronnes, et, pour plus grande intelligence dudit et celle des traités et anciennes conventions du temps du roi don Sébastien, les deux hauts contractants déclarent qu'outre les crimes spécifiés dans lesdites conventions, on devra comprendre dans les indications générales des autres délits, comme si en effet ils y eussent été spécifiés, particulièrement ceux de fausse monnaie, de contrebande, d'entrée et de sortie des marchandises et denrées expressément prohibées dans les domaines respectifs des deux souverains et de désertion des corps militaires de mer et de terre; lesquels coupables et déserteurs devront être délivrés réciproquement au souverain offensé; voulant néanmoins que, pour ce qui regarde les déserteurs, il leur soit fait grâce de la peine de mort, et que celle-ci se commue en une autre moins sévère. Pour faciliter la prompte saisie et remise des coupables et déserteurs, les deux contractants sont convenus qu'il y soit procédé, sur la seule réclamation directe du ministre et secrétaire d'État des affaires étrangères de quelqu'une des deux puissances, ou sur la simple demande d'un des ambassadeurs. Mais, si la demande desdits coupables se fait par les tribunaux respectifs de justice, en ce cas, on devra observer de part et d'autre les formalités d'usage et des réquisitoires établis au temps desdites anciennes conventions. Finalement, si Leurs Majestés Catholique et Très-Fidèle trouvent à propos de changer

ou augmenter dans la suite quelque clause et circonstance dans le présent article, elles le régleront entre elles de commun accord et à l'amiable;' voulant et déclarant que ces futurs additions et changements, si elles en font quelque jour, s'observent et s'exécutent, tout comme s'ils étaient insérés dans le présent article. »>

Il faut encore citer les articles 15 et 16 du traité du 24 décembre 1786, qui sont consacrés à la restitution réciproque des contrebandiers:

-

« ART. 15. Les commandants, les intendants de province et les directeurs et administrateurs des revenus des deux couronnes, protégeront et donneront toute aide et assistance aux employés des fermes des deux couronnes, à leurs subordonnés qui sont établis sur la frontière pour empêcher la contrebande et arrêter les personnes qui la font. Quand les contrebandiers espagnols, après s'être permis la contrebande dans le territoire d'Espagne, et s'être réfugiés dans le territoire français, seront réclamés par l'administration espagnole, ils seront rendus, cet article sera entièrement réciproque à l'égard des contrebandiers français.

<< ART. 16. Tous les sujets français qui auront fait en Espagne la contrebande, de quelque espèce que ce soit, dans l'espace de quatre lieues de distance de la frontière, seront rendus, pour la première fois, avec les preuves du délit, pour être jugés selon les lois françaises. Il en sera de même à l'égard des sujets espagnols qui auront fait la contrebande en France, de quelque espèce qu'elle soit, dans l'espace de quatre lieues de distance de la frontière; et ceux desdits contrebandiers qui auraient commis des vols, des homicides, ou des actes de violence ou de résistance contre la justice, les rondes ou troupes; et ceux qui, après avoir été rendus une première fois, retomberaient de nouveau dans le même délit, seront seuls exceptés de la disposition du présent article. »

Résumé. La revue qui précède permet de constater que la France entretenait, à la fin du dix-huitième siècle, des relations régulières d'extradition avec tous les pays limitrophes. L'Angleterre seule restait en dehors de ce concert. La remise des malfaiteurs réfugiés dans les autres pays s'obtenait sans peine, et l'on peut déjà détacher de l'ensemble des stipulations intervenues alors un certain nombre de règles qui dominent la matière :

Les relations des pays intéressés sont soumises, au point de vue de l'extradition, à une exacte réciprocité.

L'extradition est demandée par voie diplomatique ou par les autorités respectives de la frontière.

Les nationaux ne sont pas soumis à l'extradition. Cette règle,

établie dès 1736 dans les rapports de la France avec les Pays-Bas par suite du principe de réciprocité, est devenue d'une application générale à la fin du dix-huitième siècle. L'extradition n'a lieu que pour les « grands crimes ». Aucune exception n'est faite encore pour les infractions politiques. Une énumération des faits passibles d'extradition est contenue dans certains traités; mais cette énumération n'est pas toujours limitative. La désertion et la contrebande donnent lieu à extradition.

L'extradition s'applique aux individus déclarés juridiquement coupables, ou poursuivis en vertu de mandats légaux: d'où la nécessité de produire le mandat ou le jugement de condamnation à l'appui des demandes d'extradition.

Les objets emportés par l'extradé sont restitués à l'État requérant.

Les frais occasionnés par l'extradition restent à la charge de l'État requis.

Telles sont les règles principales qui président aux rapports internationaux de la France, en matière d'extradition, au moment où s'ouvre le dix-neuvième siècle. Ces rapports n'existent qu'avec les États limitrophes. C'est seulement à partir de 1830 qu'ils prendront un développement rapide. En 1874, ils embrasseront le monde entier.

§ 2.

Des relations de la France, en 1874, en matière d'extradition.

De 1800 à 1874, la France a conclu des traités d'extradition avec la plupart des Puissances qui se partagent le monde civilisé. On a réuni, dans la seconde partie de cet ouvrage, le texte des conventions qui sont actuellement en vigueur.

Voici, pays par pays, un aperçu sommaire de l'état actuel de nos relations avec les autres Puissances en matière d'extradition.

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Autriche. - Pendant toute la première moitié du siècle, les gouvernements français et autrichien se sont accordé, sur simple promesse de réciprocité, l'extradition des malfaiteurs réfugiés sur leurs territoires respectifs. Les autorités autrichiennes étaient d'autant plus à l'aise pour se prêter à de tels arrangements, que,

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