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obtenir l'extradition de leurs nationaux qui y cherchent refuge. Les consuls respectifs y sont armés du droit d'arrêter, d'expulser et de renvoyer dans leur patrie, par mesure de haute police et sans jugement, ceux de leurs ressortissants dont la conduite fait naitre de justes sujets de plainte. C'est donc à ses consuls que le gouvernement français s'adresse directement pour obtenir la remise à leurs juges naturels des Français réfugiés en Égypte et poursuivis pour infractions commises en France. Ce mode de procéder permet d'éviter la condition de réciprocité que suppose tout contrat d'extradition, et qu'il serait impossible d'admettre, quant à présent, dans nos rapports avec un pays où l'organisation de la justice criminelle n'offre pas encore de suffisantes garanties.

Au nombre des pays mi-souverains, il faut compter la vallée d'Andorre, sur laquelle le chef de l'État français et l'évêque espagnol d'Urgel exercent, par indivis, un droit de suzeraineté. La justice civile et criminelle y est rendue, au nom des suzerains, par leurs délégués, les viguiers, dont l'un est nommé par le gouvernement français et l'autre par l'évêque espagnol. En toute autre matière, ce petit pays possède les attributs d'un État souverain : le gouvernement appartient à un conseil général, dont le président, sous le nom de procureur général syndic, est chargé du pouvoir exécutif. De l'état de subordination dans lequel la vallée d'Andorre est placée au point de vue de l'exercice de la juridiction, il résulte qu'elle ne jouit pas du droit de passer des conventions d'extradition avec les Puissances suzeraines. L'extradition d'un Français réfugié dans le pays d'Andorre est effectuée, sur la simple réquisition du pouvoir judiciaire français, par le procureur général syndic. (Voir : arrêt de la Cour de cassation du 9 mai 1845.) Réciproquement, l'extradition d'un habitant de la vallée réfugié en France est opérée sur la réquisition du viguier. Ce mode de procéder s'applique également dans les rapports de l'Espagne avec l'Andorre. Il en serait autrement si la question s'élevait avec une autre Puissance: aucun principe ne paraît s'opposer à ce qu'un gouvernement, autre que le gouvernement français ou espagnol, obtienne, par suite d'une convention spéciale passée avec les autorités andorranes, l'extradition d'un de ses nationaux réfugié dans la vallée. Toutefois nous ne pouvons dire si la question a jamais été posée et résolue en fait.

Il resterait, pour compléter ce qui touche à la capacité des parties contractantes, à déterminer la nature du pouvoir chargé de

les représenter pour la négociation des conventions d'extradition. Ces conventions sont toujours passées au nom de l'État souverain; mais le représentant de cet État, négociateur ou plénipotentiaire, revêtu du pouvoir de conclure la convention et d'y donner force exécutoire, varie selon la loi constitutionnelle de chaque État.

Dans une monarchie absolue, cette prérogative appartient exclusivement au prince, qui a le pouvoir de passer, à son gré, des contrats particuliers n'ayant en vue que l'extradition d'un individu, et des conventions générales destinées à déterminer d'avance les conditions sous lesquelles les extraditions devront être autorisées.

Dans certaines monarchies constitutionnelles et dans quelques républiques, la même prérogative est laissée au pouvoir exécutif.

Dans d'autres pays placés sous des régimes semblables, le consentement du pouvoir législatif est nécessaire. Tantôt, comme en Belgique, le gouvernement peut, sous les conditions édictées par une loi spéciale, conclure des conventions générales d'extradition, ou accorder des extraditions individuelles en dehors d'une convention générale. Tantôt, comme en Angleterre, le pouvoir exécutif est seulement armé du droit de passer des conventions générales sous les conditions déterminées par une loi spéciale.

En France, sous la constitution de 1852, l'Empereur avait le droit de conclure seul des traités généraux d'extradition, et d'autoriser des extraditions individuelles par simple décret. Depuis le 4 septembre 1870, les traités d'extradition conclus par le pouvoir exécutif doivent être autorisés ou ratifiés par l'Assemblée nationale souveraine. Toutefois, les extraditions, effectuées par application des traités généraux, continuent à être autorisées par simple décret. D'autre part, aucune loi spéciale n'a limité, au point de vue des extraditions individuelles, les droits étendus que l'administration tient de la loi des 3-11 décembre 1849; il en résulte que le chef du pouvoir exécutif possède encore, en l'absence d'une convention générale, le droit de livrer un malfaiteur étranger à une autre Puissance, et, par suite, de réclamer de cette Puissance une extradition à charge de réciprocité.

Nous verrons, d'ailleurs, avec plus de détails, en nous occupant de la procédure d'extradition, les divers pouvoirs que mettent en jeu les questions de cette nature, selon les régimes constitutionnels qui se partagent les nations civilisées.

§ 3.

De la cause dans le contrat d'extradition.

Comme toute autre convention, le contrat d'extradition ne se concevrait pas, si l'obligation qui en résulte pour l'État requis n'avait une cause licite. Il convient donc de la déterminer.

Cette cause consiste dans le but immédiat que l'État requis se propose d'atteindre en s'obligeant. Quel est ce but? C'est à la fois de livrer aux juges compétents un individu coupable ou présumé tel, d'assurer l'exercice de la justice répressive et d'acquérir un droit à la réciprocité de la part de l'État requérant.

Hâtons-nous de dire que cette réponse, la première que l'examen des faits suggère, n'est pas toujours exacte. Le but, de nature complexe, qui vient d'être indiqué, n'est parfois que le motif, et non la cause déterminante et finale du contrat d'extradition. Nous sommes ainsi amené à parler d'une combinaison que le droit international a adoptée pour régulariser la pratique des extraditions, et à distinguer l'extradition, qui s'effectue par suite d'un contrat spécial, de celle qui est opérée par application d'un traité général.

Il n'est pas besoin de longues réflexions pour saisir les motifs qui ont déterminé les États à conclure des conventions générales destinées à régler leurs relations mutuelles en pareille matière. Il suffit de se représenter les difficultés contre lesquelles auraient à lutter deux Puissances voisines qui ne seraient pas liées par une convention de cette nature. A chaque cas nouveau, il faudrait ouvrir une négociation nouvelle pour conclure un contrat particulier d'extradition. Entre États, les négociations entraînent nécessairement un délai assez long, à raison du mode d'échange des communications; or, toute perte de temps est contraire au succès d'une procédure semblable, qui demande avant tout de la célérité; le malfaiteur fugitif ne manque pas d'en profiter pour se soustraire aux poursuites. D'autre part, l'issue de la négociation reste incertaine; l'État requis n'est pas tenu d'accueillir immédiatement la demande d'extradition; il peut montrer des exigences inattendues, exiger la production de renseignements complémentaires ou de preuves difficiles à fournir, réclamer une promesse

de réciprocité; il peut enfin refuser l'extradition, sans donner de motif. Perte de temps, incertitude sur l'issue de la procédure: voilà deux écueils sur lesquels les négociations courent le risque d'échouer. Il est donc tout naturel que les États aient cherché à en éviter la rencontre, en se traçant, dans une convention générale, la ligne à suivre pour chaque affaire particulière. Ils ont, par avance, déterminé les conditions que les demandes d'extradition doivent remplir pour être accueillies; ils se sont, d'avance, obligés à y faire droit, lorsqu'il serait satisfait à ces conditions. Ainsi sont nés les traités généraux d'extradition. Chacun des contractants se trouve, par une convention semblable, assuré de la réciprocité; les formalités à remplir sont déterminées une fois pour toutes; l'extradition est, d'avance, certaine, puisqu'elle est obligatoire pour l'État requis.

L'utilité des conventions générales d'extradition est donc évidente, et personne n'ignore que les Puissances européennes sont aujourd'hui liées entre elles par un tel réseau de traités de cette nature qu'aucun malfaiteur fugitif n'y saurait échapper.

Supposons maintenant qu'un contrat d'extradition intervienne entre deux États réunis par un traité général. Quelle est la cause dans l'obligation de l'État requis? Ce n'est plus celle que nous avons indiquée plus haut. La cause ici procède de l'obligation générale contractée antérieurement; le but immédiat que l'État requis se propose en s'obligeant à livrer l'individu réclamé, c'est d'exécuter le traité qu'il a signé.

Remarquons, d'ailleurs, que cette distinction, exacte quoique un peu subtile, ne fait que déplacer la difficulté; car on se trouve ramené à rechercher la cause dans l'obligation générale créée par le traité. On a prouvé tout à l'heure l'utilité d'une pareille convention, on n'en a pas indiqué la cause. Cette cause est exactement la même que celle qui détermine le contrat particulier d'extradition.

Il convient d'en montrer la nature véritable.

C'est, avons-nous dit, de livrer aux juges compétents un individu coupable ou présumé tel, et d'assurer ainsi l'exercice de la justice répressive. On sait que la loi pénale est territoriale, et qu'à ce titre, elle oblige tous ceux qui résident sur le territoire, étrangers et nationaux. Si donc une infraction vient à être commise, c'est la loi locale qui doit être appliquée. Mais, si le coupable est passé à l'étranger, cette loi devient impuissante; il faut,

pour qu'elle puisse être appliquée, que le fugitif soit remis aux juges compétents par l'État auquel il a demandé refuge.

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Sans doute, on peut dire que la loi pénale n'est pas exclusivement territoriale, et qu'elle possède aussi, à un certain degré, le caractère personnel. Il en résulte que les juges du pays de refuge peuvent être compétents, ratione personæ, pour connaître de l'infraction commise à l'étranger. Dans ce cas, il n'est pas nécessaire de recourir à l'extradition. La plupart des États ont admis ce raisonnement et promulgué des lois qui attribuent à la justice locale compétence pour juger les nationaux accusés de délits commis à l'étranger. Appuyés sur ces dispositions et poussés par un sentiment exagéré de leur souveraineté et de la protection due aux nationaux, ils ont érigé en principe que l'extradition n'était point applicable à ces derniers.

Nous verrons, plus loin, ce qu'il faut penser de ce principe. Toutefois, nous pouvons prouver, dès à présent, que la compétence personnelle ne satisfait pas aux intérêts de la justice répressive, aussi bien que la compétence territoriale.

N'est-ce pas sur le lieu du crime que la preuve de la culpabilité se fait le plus facilement, que la découverte de la vérité est le mieux assurée? N'est-ce pas là aussi que le besoin de la répression et de l'exemple se fait surtout sentir? Lors donc que les deux compétences se trouveraient coexister, il y aurait de bonnes raisons pour faire triompher la compétence territoriale. Il convient, d'ailleurs, de remarquer que ces deux compétences ne se trouvent séparées que dans des cas exceptionnels. Il faut, pour que le pays de refuge soit compétent ratione persona, que le malfaiteur soit un de ses nationaux, ou qu'il soit accusé d'un de ces crimes particuliers pour lesquels les lois autorisent des poursuites, quel que soit le lieu où ils ont été commis. La compétence personnelle ne s'applique donc qu'à des catégories restreintes de personnes et d'infractions; elle n'existe qu'exceptionnellement. La compétence territoriale est la règle, et c'est pour en assurer l'application que l'État requis s'oblige à livrer le fugitif.

Est-il besoin d'établir l'intérêt qu'un État peut avoir à prêter ainsi son concours à la justice étrangère?

Il y a, d'abord, l'intérêt général attaché à la conservation de l'ordre, à l'observation de la justice et à la répression du crime, intérêt qui existe, quoique à un degré moindre, dans le pays de refuge aussi bien que dans celui où l'infraction a été commise. Les

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