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« avait demandé l'extradition de M. H....., en vertu de la con«vention et de la déclaration de 1838. La France a produit à l'appui de sa demande les justifications prescrites par ces deux << actes; ces actes sont complets dans leur ensemble, et ils avaient « une valeur réelle depuis plusieurs années lorsque la convention « de 1843 a été conclue. Faites donc aujourd'hui comme vous • auriez fait avant 1843, et comme vous feriez encore si la con«vention de 1843 n'existait pas !

Pour être observées dans la pratique, les règles que nous avons étudiées dans le cours de ce chapitre, n'auraient, pour ainsi dire, pas besoin d'être inscrites dans les traités, puisqu'elles résultent des droits et des obligations réciproques des gouvernements les uns à l'égard des autres. Cependant les négociateurs ont souvent jugé à propos, afin de prévenir toute difficulté, d'en faire l'objet d'une clause expresse dans les conventions d'extradition. La rédaction en a varié. On peut, notamment, dans l'examen des traités successivement conclus par la France, suivre les incertitudes qui accompagnent la recherche et précèdent l'établissement définitif des formules d'un droit nouveau.

C'est dans la déclaration échangée avec la Sardaigne, le 29 novembre 1838, qu'on voit, pour la première fois, apparaitre une stipulation relative aux sujets d'un pays tiers. Le texte en a été reproduit plus haut (page 85).

Ce premier essai reste quelque temps isolé. Les deux conventions conclues, en 1843, avec la Grande-Bretagne et avec les ÉtatsUnis, ne contiennent aucune disposition particulière à ce sujet.

L'année suivante, quatre traités sont signés par la France avec les grands-duchés de Bade, de Toscane et de Luxembourg, et avec les Pays-Bas. Deux de ces traités seulement font mention des sujets d'un pays tiers. L'article 3 de de la convention du 27 juin 1814 avec Bade est ainsi conçu :

« Si des individus étrangers à la France ou aux États de Son Altesse « Royale le grand duc de Bade venaient à se réfugier d'un pays dans « l'autre, après avoir commis un des crimes énumérés à l'article 4er, leur «<extradition sera accordée toutes les fois que le gouvernement du pays « auquel ils appartiennent y aura donné son assentiment. >>

On lit dans la déclaration, du 26 septembre 1844, additionnelle à la convention signée le même jour avec le Luxembourg :

« Si les accusés ou condamnés ne sont sujets ni de l'un ni de l'autre « des deux États, chacun des gouvernements français et luxembourgeois « se réserve la faculté de pouvoir rechercher et prendre, s'il le juge » convenable le consentement de la Puissance à laquelle appartiendra <« l'individu dont l'extradition lui sera demandée par l'autre gouverne« ment; et, une fois ce consentement demandé, l'extradition ne sera « obligatoire qu'après qu'il aura été obtenu. »

Nouvel arrêt dans l'application de ce système. Les conventions conclues, en 1845 et en 1846, avec les Deux-Siciles, la Prusse et la Bavière, ne renferment aucune clause relative aux sujets d'un pays tiers.

La règle reparaît, en 1847, dans le traité conclu avec le Mecklembourg-Schwérin; elle est ainsi formulée :

« ART. 7. Si le prévenu ou le condamné n'est pas sujet de celui « des deux États contractants qui le réclame, il ne pourra être livré « qu'après que son gouvernement aura été consulté et mis en demeure de << faire connaître les motifs qu'il pourrait avoir de s'opposer à l'extradi« tion. »>

Dans le traité conclu la même année avec la ville libre de Brême, la rédaction se complète par l'addition suivante :

« ...

Dans tous les cas, le gouvernement saisi de la demande d'extra«dition restera libre de donner à cette demande la suite qui lui paraîtra « convenable et de livrer le prévenu, pour être jugé, soit à son pays << natal, soit au pays où le crime aura été commis. »

On retrouve la même clause dans les traités conclus, de 1847 à 1853, avec le Mecklembourg-Strélitz, l'Oldenbourg, Lubeck, Hambourg, la Saxe royale, la Hesse électorale, le Wurtemberg, la Hesse grand-ducale, Francfort, le landgraviat de Hesse, le Nassau et le Portugal.

Transcrivons ici une disposition particulière insérée dans deux conventions conclues dans le même intervalle de temps, et qui ne reparait pas dans les traités signés ultérieurement. L'article 5 des conventions du 9 avril 1850 avec la Nouvelle-Grenade, et du 23 mars 1853 avec le Vénézuéla, est ainsi conçu :

<< Si le prévenu ou le condamné n'est pas sujet de celui des deux États contractants qui le réclame, il ne pourra être livré qu'après que son gouvernement aura été consulté et mis en demeure de faire connaître les motifs qu'il pourrait avoir de s'opposer à l'extradition. Cette disposition sera également observée par le gouvernement français à

l'égard des Grenadins (ou Vénézuéliens) et par le gouvernement grenadin (ou vénézuélien) à l'égard des Français dont l'extradition leur serait demandée par d'autres gouvernements. >>

Il résulte de ce dernier paragraphe, que les Puissances contractantes se sont obligées à se consulter réciproquement, dans le cas où un pays tiers demanderait à l'une l'extradition d'un national de l'autre. Ce qui n'était qu'un devoir de courtoisie et une mesure de précaution est devenu une obligation stricte. Toutefois, cette stipulation, qui n'est pas sans utilité pour un État faible, ne modifie en rien les droits du pays de refuge, qui reste souverain appréciateur de la suite à donner à la demande d'extradition.

Une nouvelle modification est apportée à la rédaction de la clause insérée dans la convention du 11 avril 1854 avec la Principauté de Lippe. C'est la formule du traité avec le Mecklembourg dans laquelle les mots : « il ne pourra être livré qu'après que son « gouvernement aura été consulté », ont été remplacés par ceux-ci : l'extradition pourra être suspendue jusqu'à ce que son gouverne« ment ait été, s'il y a lieu, consulté... Cette clause ne fait

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plus au pays de refuge une obligation de consulter la Puissance tierce : c'est une simple faculté qui lui est laissée. Ainsi rédigée, cette stipulation figure dans les conventions conclues, de 1854 à 1869, avec la Principauté de Waldeck et Pyrmont, le Hanovre, l'Autriche, les États-Pontificaux, le Chili, la Suède et Norvége.

Les derniers traités négociés, en 1869 et en 1870, par la France avec la Belgique, la Bavière, la Suisse et l'Italie, ne contiennent aucune clause sur l'extradition des sujets d'un pays tiers. Il ne faut pas en conclure que les parties contractantes soient exemptées par là de toute obligation à l'égard du pays auquel appartient l'individu réclamé. Ces obligations, comme nous l'avons vu, existent en dehors de toute stipulation écrite et malgré le silence voulu des négociateurs. L'absence d'une clause spéciale ne met pas la Puissance requise à l'abri de l'intervention du pays d'origine. Nous ne voyons donc pas l'avantage qui peut résulter, pour les relations internationales et pour la diplomatie, de la suppression d'une règle qui subsiste indépendamment de toute formule.

Nous arrêterons là notre examen du droit conventionnel sur cette matière. Il suffira de dire que les diverses clauses insérées à ce sujet, dans les traités négociés par la France, se retrouvent dans la plupart des conventions conclues, depuis vingt ans, par les autres nations de l'Europe.

LIVRE III

DES ACTES QUI PEUVENT DONNER LIEU A EXTRADITION

CHAPITRE PREMIER.

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES ET CLASSIFICATION DES DÉLITS.

Quels sont les actes qui peuvent donner lieu à extradition?
Telle est la question qui fait l'objet de ce livre.

Dans la définition même de l'extradition se trouvent les éléments d'une première réponse. L'extradition est un acte par lequel un État livre un accusé ou un condamné à une juridiction étrangère compétente. Tout fait de nature à motiver une poursuite ou une condamnation régulière devrait donc être susceptible de motiver une mesure d'extradition.

En théorie pure, cette théorie est irréprochable. Mais elle est trop générale pour être consacrée par la jurisprudence internationale. S'il existait deux Puissances indépendantes, placées sous des régimes constitutionnels semblables, soumises au même droit public, obéissant à des législations identiques, réunissant des populations de même race et de mêmes mœurs, on concevrait que toute infraction à la loi pénale de l'une servit de base à une mesure d'extradition. Il y aurait, pour ces deux Puissances, identité de vues sur la criminalité de l'infraction et sur l'utilité de la répression; chacune d'elles serait disposée à prêter assistance à l'autre, quel que fût l'acte incriminé. Mais l'hypothèse qu'on vient d'indiquer ne s'est jamais réalisée. Les nations diffèrent par les mœurs, par le degré de civilisation, par le tempérament, par les institutions politiques, par les lois civiles et pénales. Il en résulte des divergences, qui se manifestent entre elles sur l'appréciation d'un même fait. Tel acte, licite en Angleterre, pourra être

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