Page images
PDF
EPUB

jusqu'à ce que cette dette soit réduite à 40 millions, c'est-à-dire pendant 27 ans. La somme annuelle de 2 millions est considérée par la loi comme un minimum. La Commission internationale s'est demandée récemment si, en présence de l'accroissement qu'ont pris les revenus de l'État, il ne convenait pas de modifier un système qui avait été élaboré à un moment où l'on n'avait pas prévu l'accroissement qui s'est réalisé (1) et d'augmenter la somme de 2 millions affectée à l'amortissement de la dette sur cours forcé (2). Cette opinion, que la Commission a émise presque timidement, sous forme d'un avis éventuel pour le cas où elle serait consultée à ce sujet par le gouvernement, prête aisément le flanc à la critique. On a fait justement remarquer que l'accroissement des recettes de l'État n'est pas aussi éloquent qu'on veut bien le dire, puisqu'on ne saurait en apprécier la valeur sans le comparer à l'accroissement presque parallèle des dépenses publiques (3). 11 ne faut pas oublier non plus que, dans cette question du change dans ses rapports avec le service de la dette, on se trouve, en quelque sorte, dans un cercle vicieux. En effet, comme toute baisse du taux du change doit, dans la proportion de 60 0/0, profiler aux porteurs des titres, elle aurait pour conséquence nécessaire l'augmentation des besoins d'exportation d'or, qui, à son tour, fournirail une nouvelle occasion de dépréciation du change. D'autre part, la baisse du change, par cela même qu'elle profiterait en grande partie aux porteurs, aurait pour ces derniers et surtout pour l'État le grave inconvénient de ralentir l'amortissement de la dette extérieure, puisqu'au bénéfice de la baisse du change correspondrait une hausse des prix des obligations des différents emprunts (4).

Quoi qu'il en soit, il semble qu'étant donnée la marche actuelle du pays dans la voie du progrès, le taux atteint par le change en 1900 peut être considéré comme un maximum qui ne sera pas dépassé. Même privé de tout ou partie des benéfices qu'il pourrait tirer de cette source, le ser

(1) En 1898, les représentants des grandes puissances avaient fait leurs calculs sur les estimations budgétaires suivantes :

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

tandis que les recettes réelles ont été, d'après les statistiques officielles :

[blocks in formation]

vice de la dette peut compter sur les plus-values des produits des revenus affectés et sur les intérêts des titres amortis.

Déjà le contrôle a contribué à l'amélioration de la condition des créanciers. Les chiffres donnés plus haut relativement aux sommes payées au cours des trois exercices clos, à titre d'intérêt, le montrent surabondamment. Ces chiffres paraitront plus éloquents encore si on les compare aux cours des valeurs helléniques. Prenons, par exemple, deux des emprunts les plus importants parmi les emprunts 1881-1893, ceux de 4 p. 0/0 1887 et de 5 p. 0/0 1881. La moyenne de leur cours a été respectivement de 217 et 200 francs par obligation de 500 francs, valeur nominale. Chaque titre de l'emprunt 1887 a eu, à titre d'intérêt, en 1898, 10 fr. 60; en 1899, 10 fr. 35; et en 1900, 10 fr. 55. Ce qui correspond, pour un titre valant 217 francs, à un taux réel de 4,884 p. 0/0, 4,769 p. 0/0 et 4,861 p. 0/0. De même, chaque titre de l'emprunt 1881 a eu, à titre d'intérêt, en 1898, 8 fr. 50; en 1899, 9 fr. 00; et en 1900, 8 fr. 50. Ce qui correspond, pour un titre valant 200 francs, à un taux réel de 4,25 p. 0/0, 4,50 p. 0/0 et 4,25 p. 0/0. On dira peut-être que ce n'est pas sur la valeur actuelle qu'il faut imputer la somme payée à titre d'intérêt, pour trouver le taux de cet intérêt, mais bien sur la valeur nominale du titre qui est de 500 francs. Cette objection ne serait pas fondée. D'abord la plupart des porteurs actuels ont acheté depuis quelques années seulement. Ceux d'entre eux qui ont acquis leurs titres entre 1893 et 1898, alors que la moyenne des cours était de 158 francs pour les obligations de l'un et l'autre des deux emprunts 1887 et 1881, ont même réalisé des bénéfices extraordinaires, gagnant près de 38 et 28 p. 0/0 sur le capital et touchant aujourd'hui un intérêt d'environ 7 et 6 p. 0/0. Mais ceux encore qui ont acheté avant la banqueroute de 1893 et qui sont restés en possession de leurs titres ne pourraient en équité faire état de la valeur nominale des obligations, puisque les cours avaient oscillé dans les dernières années avant la banqueroute entre 475 et 321 pour l'emprunt 1881 et entre 397 et 276 pour l'emprunt 1887.

La condition très supportable qui est faite aujourd'hui aux créanciers de la Grèce ne fera que s'améliorer. Mais il est à prévoir que le taux réel de l'intérêt ne variera pas beaucoup puisque la hausse légère qu'ont suivie les valeurs helléniques depuis que le contrôle fonctionne continuera à se produire parallèlement à l'amélioration qui sera faite à l'intérêt, de sorte qu'en dernière analyse il y aura un rapport presque constant entre les sommes payées à titre d'intérêt et le cours des obligations. Ce rapport sera à peu près celui que nous constatons aujourd'hui pour l'emprunt 1881, qui ne profite pas d'avantages spéciaux mais provisoires comme

l'emprunt 1887, c'est-à-dire 4,25 à 4,50 p. 0/0. C'est un taux d'intérêt que n'offre pas la moyenne des placements sûrs. Si on ajoute la sécurité absolue que présentent désormais les valeurs helléniques, placées qu'elles sont sous le contrôle des réprésentants des grandes puissances, et la certitude quasi-mathématique de la hausse progressive de leurs cours, on peut affirmer qu'elles deviendront de plus en plus des valeurs très recherchées.

Si l'institution du contrôle international a ainsi largement profité aux créanciers et est destinée à leur profiter davantage à l'avenir, elle a aussi grandement servi les intérêts de l'État grec.

III

Tout ce qui précède est, en quelque sorte, la démonstration de ce qu'il nous reste à établir dans ce paragraphe. Il nous suffira par conséquent de procéder par quelques courtes constatations.

On peut d'abord affirmer cette proposition négative que l'institution du contrôle n'a pas constitué dans la pratique cette gêne et cette main mise de tous les instants sur les affaires de l'État que craignaient ses adversaires de la première heure. La Commission internationale, quoi qu'on en ait parfois dit, n'a jamais cherché à dépasser les bornes fixées. à son activité par la loi du contrôle. Elle n'a pas eu, en revanche, à se plaindre des différents ministres qui, depuis 1898, se sont succédés au département des finances. Leurs rapports réciproques ont toujours été empreints d'une courtoisie parfaite. Le ministre a dû parfois le déclarer officiellement pour démentir certains bruits répandus par les journaux dans un but intéressé ou malveillant. Sans doute, plus d'une fois, au cours de ces années, des questions graves ont été discutées de part et d'autre avec toute l'énergie qu'impose aux intéressés la mission publique qui leur est confiée, mais suivant les cas la thèse soutenue par l'un ou l'autre a fini par s'imposer. C'est ainsi que, à propos des différentes réformes préconisées par la Commission en matière de revenus affectés, le gouvernement s'est inspiré des conseils qui lui étaient donnés, tandis qu'au contraire relativement à la modification du tarif des droits sur les tabacs la Commission a fini par s'incliner devant les raisons invoquées par le gouvernement. Bien des questions restent encore pendantes, telle la réforme du mode d'exploitation des salines et des gisements de Naxos, l'amélioration de la vente des timbres et papiers timbrés, l'augmentation de la somme consacrée à l'amortissement de la dette en billets de banque à cours forcé. Pour toutes ces questions la Commission et le gouvernement finiront, grâce à l'esprit de conciliation qui les anime, par trouver un terrain d'entente.

On a reproché quelquefois à la Commission d'obéir dans les vœux qu'elle exprime et dans les réformes qu'elle propose à l'intérêt de l'industrie nationale de tel ou tel de ses membres. Il peut se faire qu'il y ait dans cette assertion une part de vérité, mais on doit reconnaitre qu'il n'y a pas de mal si les propositions inspirées par un intérêt particulier ne sont pas de nature à préjudicier soit aux créanciers, soit à l'État. Il est, au contraire, naturel et même légitime que chacun des Commissaires cherche à faire accorder la préférence aux établissements industriels du pays dont il est le représentant pour tout ou partie des commandes et fournitures pour lesquelles on est obligé de recourir à l'étranger. L'essentiel est que par une telle préférence on ne prive le service de la dette ou l'État grec des avantages qu'ils pourraient trouver, quant à la qualité ou quant aux prix des articles recherchés, en s'adressant aux établissements d'un autre pays. Or, l'accord qui doit, pour toute décision de ce genre, se faire entre les Commissaires d'abord, entre la Commission et le gouvernement ensuite est une double garantie suffisante contre les abus.

Non seulement la Grèce n'a pas souffert du fonctionnement du contrôle international, mais elle en a tiré très grand profit.

Le contrôle lui a permis de remplir les engagements qu'elle a contractés vis-à-vis de ses créanciers. Grace à lui, elle a pu payer régulièrement le minimum d'intérêt stipulé par le Règlement de l'ancienne dette el même y ajouter des suppléments assez considérables. - Au bon fonctionnement du contrôle, la Grèce doit quantité d'améliorations apportées à son régime fiscal, qui ont eu pour résultat d'augmenter le rendement de ses principaux impôts.

Grâce au contrôle enfin, la Grèce est entrée dans la voie de l'extinction progressive du capital de ses dettes extérieure et intérieure. De la fin de 1897 à la fin de 1900, la première de ces dettes a été diminuée de près de 5 millions de francs (1). Pendant la même période, la dette intérieure a subi une diminution de près de 6 millions de drachmes (2). L'extinction de la dette en or deviendra plus rapide à partir de 1903, époque à laquelle le système élaboré par la loi du contrôle entrera pieinement en vigueur.

Tous ces bons résultats ne tarderont pas à produire leur effet sur le crédit et sur l'ensemble de la situation économique de la Grèce. L'exécution fidèle des engagements, l'ordre et la régularité introduits dans

(1) V. supra, p. 35.

(2) Le montant de la dette antérieure était à la fin de 1897 de 177.213.795 drachmes (Livre jaune, Arrangement financier avec la Grèce, p. 17) et à la fin de 1900 de 171.424.980 drachmes (Compte-rendu, 1900, Annexe P, p. 46). D'où une diminution de 5.788.815 drachmes.

la marche de certains services publics inspirent confiance, stimulent les activités et ramènent les capitaux. Le développement récent des entreprises industrielles, agricoles, commerciales et surtout maritimes en est la preuve, en même temps qu'il est le signe précurseur d'une prospérité prochaine.

Ainsi, le contrôle international sur les finances helléniques a pleinement répondu à l'espoir que nous fondions sur lui au moment de son établissement. Par ses résultats, il a fini par dissiper les appréhensions du début et a converti à sa cause ceux-mêmes qui l'avaient jadis combattu. On ne voit plus en lui une institution tyrannique, créée pour la protection exclusive des intérêts égoïstes de l'étranger, mais une douce et bienveillante tutelle, constituant désormais la garantie la plus solide du relèvement de la Grèce.

NICOLAS POLITIS,

Professeur agrégé à la Faculté de droit de l'Université d'Aix-Marseille.

UN PROJET DE NAPOLÉON Ier

POUR L'ÉTABLISSEMENT D'UN CODE MARITIME DU DROIT DES NEUTRES

Le 16 avril 1856, la France, l'Autriche, la Grande-Bretagne, la Prusse, la Russie, la Sardaigne et la Turquie signaient à Paris, sur l'initiative du plénipotentiaire de la première de ces puissances (1), une déclaration abolissant la course, supprimant les blocus fictifs, prononçant l'immunité de la propriété ennemie sous pavillon neutre et de la propriété neutre sous pavillon ennemi, la contrebande de guerre exceptée. Et bientôt après les autres États dont on avait sollicité l'adhésion y accédaient, sauf l'Espagne, le Mexique et les États-Unis. Ainsi se trouvaient posées les bases d'un droit maritime uniforme en temps de guerre.

Cet accord, qui forme toujours la loi des peuples, n'était pas une nouveauté; ce qui était nouveau, c'était que l'Angleterre y avait participe. Soixante-seize ans auparavant, le 27 février/9 mars 1780, l'Impératrice. de Russie, Catherine II, à l'instigation d'un ministre de Louis XVI, M. le Comte de Vergennes (2), avait en effet rendu une déclaration qu'accep

(1) C'est à la séance du 8 avril 1856 que M. le Comte Walewski avait proposé au Congrès de Paris d'édicter des principes favorables aux droits des neutres sur mer (De Clercq, Recueil des traités de la France, t. VII, p. 78-79).

(2) Paul Fauchille, La diplomatie française et la Ligue des neutres de 1780, p. 355.

« PreviousContinue »