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exagérée qu'on m'ait accusé pour elle.

d'une liberté mal définie, c'est ainsi qu'en lais-reconnais moi-même, de quelque prédilection sant tout faire, on laisserait tout détruire, et que rien de grand, d'utile, de national, ne se fonderait en France.

C'est avec inquiétude de l'avenir que je vois prévaloir parmi nous cet esprit d'un libéralisme étroit, produit malheureux de vingt années de luttes parlementaires, engagées entre la défiance de l'opposition et l'absence de bonne foi de la part du pouvoir, esprit de sa nature sceptique et rétrograde, contraire à toutes les grandes améliorations, esprit anti-gouvernemental et hostile à tout large développement de prospérité publique.

Je ne suis pas du nombre de ceux qui professent que les gouvernements ne sont faits que pour la ruine et l'asservissement des peuples, qu'ils doivent conséquemment rencontrer pour adversaires tous les partisans des libertés publiques et du bien-être populaire; je ne suis pas non plus, Messieurs, au nombre de ceux qui, faisant bon marché des budgets et des lois, veulent à outrance que le gouvernement soit fort; je suis de ceux d'entre vous, Messieurs (et j'aime à croire que j'exprime ici l'opinion de la majorité), qui sont les partisans éclairés plutôt que dévoués de tout gouvernement de bonne foi, moral, utile et juste, qui sont prêts à l'avertir lorsqu'il s'égare, à se retirer de lui lorsqu'il persiste, mais aussi qui sont toujours prêts à l'assister de leur confiance et de leur concours, lorsqu'il fait de sa puissance un usage judicieux et paternel.

Etre d'une opinion contraire à celle que j'exprime, ne serait-ce pas, Messieurs, vouloir qu'un gouvernement fùt exclusivement fiscal et éternellement impopulaire ? ne serait-ce pas vouloir des révolutions sans nombre, sans terme et sans but? ne serait-ce pas proscrire tous les moyens utiles de réforme sociale?

Est-ce là, Messieurs, votre opinion? est-ce ainsi que l'esprit fécond et vigilant de liberté est compris de vous? Non, je ne le veux pas croire.

Le libéralisme formulé pour une autre époque put se supposer justement incompatible avec l'exercice du pouvoir, mais la liberté, Messieurs, qui fait un peuple moral, pacifique, indépendant, généreux et riche, proclamez qu'elle peut s'allier sans adultère avec le pouvoir.

Tant qu'ils ne seront pas unis, Messieurs, n'espérez pas que le gouvernement soit fort et que le peuple soit heureux. Aussi longtemps que le pouvoir n'aura pas passé du côté de la liberté, les réformes les plus utiles ne seront que des questions de partis, et les progrès nationaux que des thèmes de tribune, que des moyens de luttes, d'attaques et d'opposition.

Une dernière considération, Messieurs, que vous apprécierez, c'est que, lorsque les gouvernements sont réduits à la crainte de paraître gouverner, ils cherchent à corrompre; ils n'attendent plus leur puissance de leur popularité, mais de l'influence occulte puisée dans des consciences vénales. C'est ce qu'il importe de prévenir.

Traitée isolément, et détachée de la chaîne d'établissements utiles que réclament l'ordre et la prospérité publique, la moralisation des classes laborieuses par l'accroissement de leur bien-être, l'institution des caisses d'épargne qui ne doit en être qu'un des nombreux anneaux, acquiert une importance plus grande qu'elle n'en comporte réellement, et que je ne lui en

qu'ell

Cette institution, pour être justement appréciée par nous, ne doit être considérée que comme la première pierre posée par vos mains d'un nouvel édifice public, qui longtemps peut-être attendra la seconde, mais qui tôt où tard enfin s'achèvera.

Chez un peuple dont les rares monuments modernes mettent un demi-siècle entre leur base et leur faîte, il ne faut pas, par impatience, désespérer des réformes qui se font longtemps attendre.

Je n'exprime qu'un vou, Messieurs, c'est que, pour obtenir des réformes utiles, il ne soit pas nécessaire d'en réclamer de subversives ou de prématurées : une réforme électorale après une révolution si récente, n'aurait pas trouvé jusqu'au sein même de cette assemblée, d'éloquentes voix pour l'invoquer, si l'espoir d'une réforme administrative, entreprise par les dépositaires du pouvoir, à qui depuis quatre années sont confiés les intérêts de la France, avait pu être justement conçu.

Cette réforme administrative est impérieusement nécessaire et qu'on ne s'y trompe pas, la réforme électorale demandée n'en serait que le moyen détourné d'exécution; et si l'on commence par la seconde, c'est que des deux, c'est la plus facile à opérer, car pour la consommer il ne faut qu'une loi, tandis que, pour la première, il faudrait un système, un siècle, et un homme de génie, neutre entre tous les partis.

La France est imposée et armée, mais elle n'est ni administrée ni gouvernée; lorsqu'elle le sera convenablement, lorsque ses besoins et ses vœux seront satisfaits, lorsque ses intérêts seront largement compris, voicì, Messieurs, à quels signes vous le reconnaîtrez.

Elle produira assez pour se libérer de sa dette par l'excédent des recettes sur les dépenses, sans mesquines et fallacieuses combinaisons d'amortissement; elle sera assez riche pour se faire commandite à elle-même sans emprunts.

Un tel résultat, Messieurs, n'est ni impossible ni difficile à obtenir; il suffirait, pour l'atteindre, de le vouloir avec toute la persévérance, l'économie de moyens et l'esprit judicieux qui a caractérisé les hommes utiles à qui l'industrie française est redevable de ses plus grands et rapides progrès.

On ne sait pas assez tout ce que renferment de richesses négligées les entrailles de notre sol inculte et fertile; vous ne le connaîtrez, Messieurs, que lorsque l'industrie agricole, en retard de deux siècles, aura rejoint l'industrie manufacturière, qui s'égare en la devançant de trop loin.

On n'y parviendra, Messieurs, que par une meilleure organisation du travail, de l'épargne et du crédit public, judicieusement développés et combinés par des institutions utiles, recevant leur impulsion de l'esprit public, et leur appui d'un gouvernement plus industriel, plus économique et moins fiscal.

J'appuie, Messieurs, le projet de loi dans son ensemble, comme l'un des moyens les plus sûrs de soustraire notre pays aux révolutions périodiques et aux réformes prématurées, s'il fait entrer le gouvernement dans la voie neuve des institutions de morale, de prévoyance et de bienêtre populaires, dont je déplorerais qu'un esprit de défiance le fit éloigner.

M. le Président. La discussion générale est fermée; je vais lire l'article 1er.

M. Vivien. Il faut d'abord que la Chambre décide si elle passera à la discussion des articles. M. le Président. Il s'agit en effet de la proposition particulière d'un membre.

(La Chambre, consultée, décide à une trèsforte majorité que l'on passera à la discussion des articles.)

M. le Président. Article 1er de la commission dont le commencement est légèrement modifié par une nouvelle rédaction :

« Art. 1er. Dans toute ville où la demande en sera faite par le conseil municipal, il sera établi une caisse d'épargne.

« Pour qu'une caisse soit considérée comme municipale, le conseil municipal sera tenu d'assurer à la caisse un local gratuit, et le tiers au moins des frais d'administration: cette somme, une fois votée, prendra rang parmi les dépenses obligatoires.

S'il existait des chefs-lieux de département ou d'arrondissement et d'autres villes, qui fussent dans l'impossibilité de voter cette subvention, elle pourra l'être par les conseils généraux qui, dans tous les cas, sont autorisés à voter de semblables subventions pour les frais de service des caisses d'épargne.

« A l'égard des caisses que subventionneront les conseils généraux, les membres du conseil général, élus par l'arrondissement où sera située chaque caisse, prendront de droit place parmi les administrateurs de cette caisse.»>

M. le Président. M. Saint-Marc-Girardin propose le paragraphe additionnel suivant :

«Il est ouvert au ministre de l'intérieur un crédit dont le montant sera fixé tous les ans par les Chambres à l'effet de subvenir aux frais des établissements de caisses d'épargne, dans le cas où les conseils municipaux et les conseils généraux ne pourraient pas subvenir à ces frais. >> (Murmures.)

Voix nombreuses: L'amendement n'est pas appuyé!

M. Fulchiron. Je demande la parole.

M. Odilon Barrot. L'amendement n'est pas appuyé.

M. Fulchiron. Je demande la parole sur l'article et non sur l'amendement. Je ne veux faire qu'une simple observation qui a d'ailleurs été déjà présentée dans la discussion générale, et qu'il est bon de rappeler dans ce moment.

Le deuxième paragraphe convertit en dépense obligatoire, c'est-à-dire force à tout jamais les conseils municipaux à continuer à voter des fonds. Eh bien! il y a un article plus fort, qui dit que les caisses d'épargne seront aptes à recevoir les dons particuliers comme tous les autres établissements publics.

Il peut arriver que les dons particuliers dispensent alors la commune de continuer à payer; il faut donc dire que, lorsque la caisse serà riche par elle-même, l'obligation cessera.

M. Charles Dupin, rapporteur. Il est de droit que quand un conseil municipal s'engage à payer le tiers des frais, c'est parce que ce tiers est à payer. Certes, si les donations particulières ou les legs faisaient face à tous les frais d'administration, il n'y aurait plus lieu à la dépense.

Mais je dis que le vote devrait rester obligatoire, parce que, si ce n'était pas un capital qui

donnât un revenu régulier, dans le cas où les frais ne pourraient plus être complétés par le donataire, l'obligation pour le conseil renaîtrait, et c'est alors qu'il y pourvoirait jusqu'à concurrence du tiers.

Nous n'avons pas voulu dire autre chose, et il est bien entendu que, si tout le monde paye, s'il il y a une somme suffisante, il n'y a plus d'obligation pour le conseil municipal.

M. Fulchiron. D'après le texte précis de la loi, l'établissement aura le droit d'exiger le payement, il faut donc amender un seul article.

M. le Président. Voici l'économie de l'article D'après l'article 1er, un tiers serait voté par le conseil municipal; si la caisse n'avait pas le moyen de marcher, à défaut de ces fonds, les conseils généraux pourraient voter les fonds qui manqueraient. Par extension à cette disposition, M. Saint-Marc-Girardin veut qu'il y ait une somme au budget pour venir au secours des caisses. Je crois que l'amendement dé M. Girardin ayant pour but d'accorder une extension plutôt qu'une concession, il faudrait voter les précédents paragraphes avant d'arriver à celui-là.

M. le général Demarçay. Il me semble, Messieurs, qu'on n'a pas répondu à l'objection fondée, à mon avis, de M. `Fulchiron. M. Fulchiron a dit: Quand une somme aura été votée par une commune, le payement sera obligatoire à toujours; et M. Fulchiron ajoute Un article subséquent rend les caisses aptes à recevoir comme établissements d'utilité publique; mais si par l'effet de dons, legs, donations, etc., la caisse d'épargne est dotée suffisamment; il faudra donc décharger la commune du vote qu'elle a émis? L'honorable M. Dupin a dit: C'est de droit. Mais non, ce n'est pas de droit; car si le contraire est écrit dans la loi, ce ne sera plus de droit.

M. Charles Dupin, rapporteur. L'honorable orateur a raison, et nous complèterons sa pensée en disant : « Une fois la somme votée, elle prendra rang parmi les dépenses obligatoires, tant que la dotation spéciale de la caisse ne sera pas suffisante; » et alors cela comprend tous les cas.

M. Lherbette. Qu'entendez-vous par ces mots : Tant que la dotation de la caisse ne sera pas suffisante?

M. Charles Dupin, rapporteur. Pour faire face aux frais.

M. Lherbette. Exigez-vous qu'il y ait un capital dont le revenu suffise aux dépenses? ou bien vous contentez-vous de souscriptions annuelles pour faire face à ces dépenses?

M. Charles Dupin, rapporteur. On s'est con tenté de souscriptions annuelles, et si la caisse était assez riche pour avoir un capital dont le revenu soit suffisant, il y a un article qui porte que le capital est placé en rentes sur l'Etat. Mais plutôt que de laisser manquer l'établissement, il est bien entendu qu'il retirerait de ses rentes pour faire face aux frais, s'il y avait lieu.

Je crois que la modification que je viens d'indiquer répond à l'objection qui a été faite.

M. le Président. Le paragraphe 1°r, relatif à l'établissement des caisses d'épargne, décide à quelles conditions on les établira; il faut d'abord voter ou discuter ce paragraphe avant de passer au paragraphe 2, autrement on discutera longtemps avant de voter.

M. Duchâtel, ministre du commerce. Messieurs, je dois expliquer à la Chambre comment les

choses se passent aujourd'hui; il faut en effet bien connaître le régime actuel avant de statuer pour l'avenir.

Voici comment on procède pour organiser les caisses d'épargne : où commence par réunir un fonds de dotation suffisant pour que la caisse puisse se soutenir; c'est d'un capital que les caisses sont dotées, et avec les revenus que donne ce capital, elles font face aux dépenses.

Le conseil d'Etat n'approuve les statuts des caisses que lorsque le fonds est suffisant pour garantir l'avenir. Sous ce point de vue, la dernière partie du paragraphe 2 ne serait pas nécessaire. En effet, quand les conseils municipaux votent des fonds, ce n'est pas une somme annuelle qu'ils votent, mais un fonds de dotation.

Le capital de dotation de la caisse d'épargne est formé tantôt de sommes allouées par les conseils municipaux, tantôt des subventions des départements, puis enfin des souscriptions des citoyens; le capital garantit l'existence de la caisse, qui se trouve alors sans inquiétude pour l'avenir.

Mais si vous adoptez le paragraphe 2, il faudrait adopter aussi la partie qui le termine; car si les conseils municipaux ne votent que les fonds nécessaires aux dépenses de l'année, il faut bien que le vote soit garanti pour l'avenir. Remarquez bien, en effet, que tandis qu'aujourd'hui les conseils municipaux votent un capital, ils ne voteront qu'un intérêt, dans le système du paragraphe 2.

Il faut donc, dans ce système, que le vote soit obligatoire pour l'avenir; sans cela il y a des caisses d'épargne qui n'auraient aucune espèce de sécurité; aujourd'hui cette sécurité est dans la nature du vote. Les conseils municipaux votent maintenant une dotation...

M. Charles Dupin, rapporteur. Je vous demande pardon, Monsieur le ministre, le conseil municipal de Saumur a voté des fonds pour plusieurs années.

M. Duchâtel, ministre du commerce. Cela est possible, mais, en général, presque toutes les caisses d'épargne se dotent en capital, et jusqu'à présent le conseil d'Etat n'a point autorisé de statuts quand la dotation ne lui paraissait pas suffisante.

Si donc la Chambre n'adoptait pas la dernière partie de l'article, celle qui donne à la dépense le caractère obligatoire, au lieu d'être favorable aux caisses d'épargne, la proposition affaiblirait leurs ressources pour l'avenir; car les conseils municipaux ne voteraient plus que les sommes nécessaires aux besoins de l'année au lieu d'accorder une dotation.

Je voulais faire ces observations à la Chambre pour lui montrer qu'il faut, ou maintenir le paragraphe entier, où le retrancher; n'adopter que la première partie, ce serait, au lieu de favoriser les caisses d'épargne, mettre des obstacles à leur développement.

M. le Président. Je répète à la Chambre qu'il y a nécessité de voter ou de discuter le paragraphe 1er avant de passer au paragraphe 2. Le paragraphe 1er est ainsi congu:

Dans toute ville où la demande en sera faite par le conseil municipal, il sera établi une caisse d'épargne.

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Sur ce paragraphe, M. Girardin vient de me faire passer l'amendement suivant:

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tement; une caisse d'épargne pourra être également établie dans toutes les autres villes où la demande en sera faite par le conseil municipal. » Ce paragraphe remplacerait le paragraphe 1er de la commission. (Reclamations.)

M. Salverte. M. Girardin propose de rendre l'établissement d'une caisse d'épargne obligatoire pour les chefs-lieux d'arrondissement et de département, et facultatif pour les autres villes.

Voix nombreuses : L'amendement n'est pas appuyé !

M. le Président. L'amendement n'étant pas appuyé, je n'ai pas à le mettre aux voix.

M. Vivien. Je voudrais demander à la commission si elle entend que, dans les communes qui n'auront pas le titre de ville, l'article ne sera pas applicable. Pourquoi ce mot ville?

Voix nombreuses: Mettez commune.

M. Vivien. Il me semble que la demande des conseils municipaux ne doit pas suffire; il faut qu'il y ait quelque chose qui assure que la caisse pourra marcher. Dans le second paragraphe, on dit que le conseil municipal s'obligera à payer le tiers des frais d'administration. Mais qui payera les deux autres tiers, et qui assure qu'ils seront payés? Nous allons nous jeter dans de grandes difficultés, en voulant ainsi réglementer par une loi ce qui allait très bien jusqu'ici, quand on le laissait aller soi-même. Un membre: C'est vrai!

M. Charles Dupin, rapporteur. L'observation de l'honorable M. Vivien mérite la plus sérieuse considération. Si elle est fondée, il faut supprimer le projet de loi. Je ne dissimule pas la portée de son objection. Je crois que, sur un objet aussi grave, il me sera permis de réclamer un moment l'indulgence de la Chambre. Je lui demanderai de vouloir bien prêter son attention aux motifs qui ont dirigé les auteurs du projet de loi. Nous n'avons pas eu pour but d'influer sur ce qui s'est fait jusqu'ici; par le dernier article nous déclarons, au contraire, qu'il n'est absolument rien innové pour les caisses qui existent déjà.

Nous avons également eu pour but de respecter les vœux, la générosité de tous les citoyens, car pour toutes les fondations particulières qu'ils pourront désirer de faire, l'avenir est aussi bien réservé que le passé par l'article dernier.

Maintenant on nous demandera: Qu'avez-vous voulu faire? Je vais le dire, et vous verrez si nous avons travaillé à combler une lacune, dont l'importance est immense. On vous a beaucoup parlé, Messieurs, de l'établissement assez rapide des caisses d'épargne depuis un petit nombre d'années. Mais a-t-on bien examiné les localités où ces caisses se sont établies? Ce sont les villes opulentes où les citoyens qui peuvent faire des dons étaient en plus grand nombre, et où il y avait plus de facilité réelle pour créer ces caisses.

Cependant il ne faut pas croire que le nombre de ces localités soit extrêmement considérable, puisque, en vous bornant aux chefs-lieux d'arrondissement, vous trouverez encore 260 villes dépourvues de caisses d'épargne. Mais c'est précisément pour ces caisses, pour ces localités, où les citoyens ne pourront pas suffire, qu'il serait bien alors que les conseils municipaux intervinssent. Daignez considérer qu'aujourd'hui, dans le système électif où nous nous trouvons, les conseillers municipaux sont le fruit de l'élection. Par conséquent, lorsqu'ils jugeront

nécessaire l'établissement d'une caisse d'épargne et lorsqu'ils voteront un tiers des frais, ce sera bien réellement la localité qui désirera jouir des bienfaits d'une caisse d'épargne. Eh bien! il nous a semblé qu'alors il était avantageux de sanctionner un tel vote.

On nous dit: Mais si les citoyens ne donnaient absolument rien, établirait-on également la caisse d'épargne? Je répondrai: Oui. D'abord, plus de dépenses pour le local, plus de dépenses de caissier, et sur le reste un tiers des frais est payé. Il ne resterait donc plus qu'une dépense très faible. D'un autre côté, point de frais d'administration, puisque les fonctions des administrateurs sont gratuites. Si vous supposez que la caisse ne soit pas considérable, il est évident que les frais seront peu de chose. Au contraire, si les versements devaient être considérables, l'utilité de la caisse d'épargne serait immense, et certes ce ne serait pas le cas de la repousser.

M. le ministre du commerce a fait ressortir avec beaucoup de raison tout ce qu'il existait déjà de mesures utiles dans l'institution actuelle des caisses d'épargne; mais permettez-moi de vous dire qu'il y a d'autres mesures utiles dans notre projet. Ainsi, ce serait une chose très utile que l'intérêt fùt fixé, non plus par ordonnance, mais par la loi, comme en Angleterre.

Ce serait un très grand avantage que la facilité du transfert d'une caisse à l'autre en faveur des ouvriers voyageurs; c'en serait un autre que de permettre aux caisses d'épargne de recevoir des legs et des donations qui ne peuvent être acceptés qu'en vertu d'une loi, que d'hériter des déposants qui meurent sans héritiers.

Si vous ne faites pas une loi, vous n'atteindrez pas tant de buts utiles, et vous n'arriverez pas à la situation fortunée que j'espère pour l'avenir, où les caisses d'épargne auront toutes des dotations suffisantes et même des moyens d'encouragement. Nous proposons ensuite l'exemption des frais de timbre et d'enregistrement. C'est à coup sûr une chose utile, et il fallait une loi pour la voter. Il est encore d'autres mesures toutes en faveur des caisses d'épargne; et quand M. le ministre des finances a reconnu cette vérité, j'ai droit de m'étonner qu'un autre ministre ait paru la contester. Nous ne voulons nullement élever une question d'amour-propre; il s'agit ici d'un projet d'utilité publique s'il a des imperfections, qu'on les corrige, nous serons les premiers à l'approuver; mais je regarderais comme une chose mauvaise, dans l'intérêt de la Chambre elle-même, de repousser une proposition deux fois prise en considération et publiquement approuvée par le ministère, de la repousser par des idées de rigorisme politique ou plutôt impolitique, et de ne pas vouloir que l'autorité municipale vienne au secours des caisses d'épargne.

:

M. Baude. C'est précisément parce que je suis très partisan des caisses d'épargne que je crois devoir m'opposer à l'article 1er. Je crains que cet article n'aille contre le vœu des honorables auteurs de la proposition et que la loi ne soit inutile: les caisses d'épargne se forment et se développent fort bien sans elle. C'est un fait incontestable, M. le ministre l'a dit, et nous savons tous comment elles se sont établies.

Les caisses d'épargne se sont formées par la réunion des bons citoyens et par l'adhésion des administrations municipales. Beaucoup de gens ont doté les caisses d'épargne sous la condition de les former sous une certaine organisation.

Ici que faites-vous? Vcus formulez une organisation pour toute la France: cette organisation pourrait fort bien ne pas convenir à beaucoup de gens décidés à doter ces caisses; vous les éloignerez. Quant aux conseils municipaux, leur bonne volonté n'est pas révocable en doute.

Vous voulez aujourd'hui que, lorsque le conseil municipal se sera une fois déclaré pour l'institution des caisses d'épargne, ce conseil ne puisse plus revenir sur cette détermination, et que la dépense qu'il aura votée prenne place parmi les dépenses obligées.

Eh bien je ne crains pas de dire que cette disposition éloignera beaucoup de conseils municipaux de l'idée de commencer à voter des fonds, et qu'il en sera des conseils municipaux comme des simples particuliers. Vous voyez donc dans l'article deux dispositions qui sont faites l'une et l'autre pour refroidir le zèle des fondateurs.

M. le général Demarçay. Monsieur le Président, je demande la parole.

M. Baude. Enfin on demande que ces caisses soient établies de droit dans les chefs-lieux d'arrondissement....

Plusieurs voix: Non, non, la commission a abandonné cela !

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M. Charles Dupin, rapporteur. La rédaction est changée.

M. Baude. Je reviens à ma première observation. Je dis que les faits prouvent que la loi n'est pas nécessaire, et que les caisses d'épargne se forment sans elle. On ne peut pas nier qu'elles prennent un très grand développement en l'absence de la loi. Je trouve dans l'article 1er des dispositions qui sont faites pour refroidir le zèle des personnes qui concourent à l'administration des caisses d'épargne, et c'est pour cela que je le rejette dans l'intérêt des caisses d'épargne.

M. le général Demarçay. Messieurs, ce n'est certainement pas pour combattre ce que vient de dire l'honorable M. Baude que je deinande la parole. Au contraire, j'entre dans toutes les raisons qu'il vient d'émettre. Je n'ai qu'une seule observation à faire d'après le paragraphe 1er qui vous est proposé, un conseil municipal qui aura voté l'établissement d'une caisse d'épargne aura par cela même contracté l'obligation de subvenir pour sa quote-part à la dépense de la caisse pendant tout le temps de son existence, c'est-à-dire à toujours dans l'esprit de la loi.

M. Charles Dupin, rapporteur. Au contraire. M. le général Demarçay. Je vous demande pardon.

M. Laffitte. C'est une dépense obligatoire.

M. le général Demarçay. Je sais qu'on ajoute que la dépense cesserait d'exister à l'égard du conseil municipal, quand, par les donations ou autrement, le revenu de la caisse serait suffisant. Je n'ai point du tout oublié cela; mais je dis que la loi autorise le conseil municipal à charger la commune indéfiniment d'une obligation. Or, Messieurs, comparez le conseil municipal d'une assez petite ville, d'une commune de médiocre grandeur, de médiocre importance, à la Chambre des députés qui est choisie d'une autre manière, et qu'on peut dire, sans flatter la Chambre des députés, composée d'éléments différents, et que l'on peut considérer comme supérieurs. (On rit.)

Eh bien! Messieurs, la Chambre des députés n'a pas le droit de voter des charges directes pour le pays autrement que pour une année, et lorsqu'elle vote des impôts indirects, c'est pour un assez petit nombre d'années déterminé, et aujourd'hui vous voulez donner aux conseils municipaux un droit que la Charte a interdit à la Chambre des députés.

M. Emile de Girardin. A l'appui de l'opinion de M. Charles Dupin, je prie la Chambre de me permettre de citer un fait.

M. le maire de Cherbourg a fait tous les efforts imaginables pour fonder à Cherbourg une caisse d'épargne. Il a rencontré, et cet exemple s'est offert dans beaucoup de lieux, des obstables très grands pour arriver à cette fondation. Ce n'est qu'après plusieurs années de persévérance qu'il y est parvenu. La caisse a été ouverte le 1er novembre, et le 24 décembre, bien que son utilité fût contestée par le conseil municipal, elle avait déjà reçu 17,416 francs.

Je dis que, dans toute ville où une caisse d'épargne n'est pas établie, l'utilité de cette caisse sera toujours contestée. De là l'avantage d'une loi qui établisse la nécessité des caisses d'épargne. La proposition sur ce point a deux avantages: d'une part, l'article 4 fait intervenir le receveur de l'arrondissement et évite ainsi les frais nombreux, et offre toutes les garanties difficiles à rencontrer dans un simple caissier qui serait rétribué 5 à 600 francs.

D'une autre part, si on adopte la proposition que je ferai de charger l'imprimerie royale de l'impression des livrets et registres, impressions fort coûteuses, il n'y aura plus que des frais d'agents auxquels pourront faire face les souscriptions et les donations émanées de la philanthropie et de la bonne volonté des particuliers.

M. de Briqueville. Messieurs, le maire de Cherbourg et tous les bons citoyens de cette ville se sont réunis, et ont réuni leurs efforts pour établir cette caisse d'épargne.

Je crois que si cette caisse était à fonder aujourd'hui, et si la loi était acceptée, nous ne pourrions pas obtenir les sacrifices que les bons citoyens du pays se sont imposés.

Voix nombreuses : C'est très vrai.

M. Goupil de Préfeln. Un mot de réponse aux objections de M. Salverte et de M. Demarcay. Ces honorables membres prétendent qu'un conseil municipal ne peut engager l'avenir. Je dis qu'un conseil municipal engage tous les jours l'avenir ou n'ouvre pas une route sans s'engager à l'entretenir; on ne perce pas une rue sans s'engager à la payer; on ne fonde pas un hospice sans s'engager à subvenir à son entretien.

M. Saint-Marc-Girardin. Il s'agit dans ce moment du sort de la proposition. L'article 1er comprend, en quelque sorte, toute la loi. Eh bien, je crois qu'on oublie sans cesse qu'il y a deux sortes de caisses d'épargne, et que la loi a réservé toute liberté aux caisses fondées par les particuliers. Le dernier article déclare que les particuliers pourront fonder des caisses d'épargne comme ils le voudront.

Eh bien, si l'on trouve que dans le reste de la proposition il n'y a pas assez de latitude accordée à la fondation des caisses, qu'on renvoie la commission qui séparera les caisses fondées par les conseils municipaux des caisses fondées par les simples particuliers. Mais je verrais avec

peine que dans ce moment-ci on rejetât l'article 1er, la loi tout entière.

M. Gaëtan de La Rochefoucauld. Je demande, Messieurs, le renvoi à la commission; il me semble facile d'accepter le paragraphe 1er et de rejeter le paragraphe 2 qui me semble donner lieu à des objections très fondées.

Il me semble aussi que l'article 4 est parfaitement, complètement nécessaire aux caisses actuellement fondées; elles sont quelquefois embarrassées pour savoir comment clles auront des caissiers qui leur offriront toute la responsabilité désirable. Les receveurs généraux et les receveurs particuliers pourraient être chargés de ces fonctions d'une manière utile.

Cette seule disposition mérite que vous veuillez conserver un projet de loi dans lequel elle serait insérée, et comme je regarde que sur d'autres articles on a présenté des objections très fondées, je crois que dans toutes les parties de la Chambre on a senti la nécessité du renvoi à la commission.

M. Dubois (de la Loire-Inférieure). Les motifs qui viennent d'être allégués ne me semblent pas suffisants pour retarder la résolution de la Chambre; et cela porte, en particulier, pour l'article 4 qui n'est pas en discusssion, mais dont les difficultés seraient facilement levées comme elles le sont actuellement, soit par le ministre des finances, soit par le ministre du commerce, quand l'occasion s'en présente.

Je ne vois pas pourquoi nous nous embarquerions dans une foule de difficultés que vous voyez naître à chaque instant. Depuis l'ouverture de la discussion, ces embarras se multiplient. D'un côté, vous hésitez pour savoir si vous déléguerez, et cela est mon opinion et celle si fortement émise par M. Demarçay; vous allez provoqner des dépenses dans les conseils municipaux; et puis enfin tous les efforts que vous faites dans ce moment tendraient à créer des caisses d'épargne là où elles ne sont pas possibles. C'est précisément dans les arrondissements où les populations sont rassemblées, où il y a de grands établissements industriels, où les citoyens sont plus éclairés et où il y a un mouvement véritable de bienfaisance, que les caisses d'épargne se fondent facilement. Mais quant aux communes agricoles que vous semblez provoquer à ces dépenses, cela n'est pas possible.

M. Alexandre de Laborde. Il n'y a pas de doute, Messieurs, que dans beaucoup de localités l'intervention privée suffit: mais dans les trois quarts des autres il faut une sorte d'initiative, d'encouragement, d'appui; il faut même faire connaître l'institution que l'on ne connait pas, et, à cet égard, les conseils municipaux sont seuls bien placés. Je ne vois pas comment on ne leur donnerait pas ce droit, quand c'est une chose facultative, et quand on a un exemple dans l'instruction primaire; ce sont les conseils municipaux qui ont réclamé et qui ont le plus contribué à la propagation de l'instruction publique.

M. le Président. Le renvoi à la commission est-il appuyé? (Oui! oui! Non! non!)

(Le renvoi à la commission, mis aux voix, n'est pas ordonné.)

(Le paragraphe fer de l'article de la commission, mis aux voix, n'est pas adopté.)

M. le Président. Maintenant, le paragraphe 2 ne doit-il pas être retouché? (Agitation.) Plusieurs voix : Il est abandonné!

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