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ne pas le modifier encore et d'ajouter à cette condition le droit de ne l'exiger qu'à l'échéance, il n'y a plus, en effet, les mêmes motifs de décider que dans l'article 123.

Lorsque la lettre de change a été acceptée, elle a reçu toutes ses formalités; le contrat est formé entre toutes les parties, chacune d'elles ne doit donc l'exécuter qu'ainsi qu'elle l'a voulu et entendu. Or, elles savent qu'elles sont solidaires, et qu'à ce titre elles payeront, si l'accepteur ne paye pas; mais pourquoi ne pas exiger d'elles qu'elles le fassent avant le temps voulu et convenu? c'est là, je le répète, ce que l'intérêt du commerce n'exige pas, et ce qu'il repousse, au contraire, je crois l'avoir suffisamment démontré.

Je me résume donc, la justice ne permet pas que les engagements contractés régulièrement entre les parties soient détruits par la loi.

L'intérêt bien entendu du commerce s'oppose à ce que le remboursement des créances commerciales ne s'opère avant le terme convenu par les parties.

La loi actuelle est vicieuse; le projet de loi de la commission l'avait sagement modifié; je persiste donc à penser que son projet doit être adopté.

M. Vincent, commissaire du roi. Je demande la parole.

Messieurs, l'acceptation que le gouvernement a déclarée par la bouche de M. le garde des sceaux de l'amendement de l'honorable M. Lefebvre, permet de traiter cet amendement comme si c'était l'article principal de la loi. Je ne reviendrai pas là-dessus.

Cela dit, je demande la permission de raconter à la Chambre un fait qui se trouve dans les procès-verbaux du conseil d'Etat et qui est imprimé, je crois, dans le recueil de M. Locré. Il roulé précisément sur cette matière, et je crois qu'il répondra péremptoirement à ceux des honorables membres de cette Chambre qui voudraient qu'en Icas de faillite du moindre endosseur on ne pùt exercer recours contre tous les coobligés, y compris l'accepteur.

En 1811, on s'aperçut combien cette obligation imposée par le Code à tous les coobligés était injuste et inutile, combien elle pouvait surtout porter de désordre et de perturbation dans le commerce. Un rapport fut fait au gouvernement. Le gouvernement renvoya la question au conseil d'Etat. Le conseil d'Etat reconnut qu'en effet c'était une méprise contraire à la vraie intention de la loi, qu'il était impossible que quand une lettre de change avait été acceptée, si une faillite d'un endosseur survenait, on allåt demander caution à l'accepteur, au banquier le plus renommé d'une place. Mais, dit-on, cela vient de ce que le Code de commerce se compose de plusieurs livres, et que ce n'est pas le même rédacteur qui a fait le titre des lettres de change et le titre des faillites. Il n'y a pas harmonie exacte; il faudrait sans doute y pourvoir. Mais le Code a été promulgué en 1808, on n'était encore qu'en 1811. En trois ans, a-t-on acquis assez d'expérience pour revenir sur ce point, pour déchirer une page d'un Code qui vient d'être promulgué par l'empereur. Ce sont, je pense, les expressiens mêmes du procèsverbal.

Là-dessus on ajouta qu'assurément il était impossible que personne voulut aller inutilement rechercher des accepteurs honorables et en bon crédit pour la faillite obscure d'un endos

seur, mais, qu'en tout cas, on pouvait bien s'en remettre à la bonne, à la sage, à l'équitable jurisprudence des tribunaux, et notamment à celle de la cour régulatrice; que c'était ainsi que les erreurs qui pouvaient être arrivées dans la rédaction du Code pourraient être corrigées.

Voilà ce qui se trouve, en pièces officielles, ce que vous retrouverez dans les procès-verbaux imprimés. Je crois donc, à cet égard, qu'on peut voir que l'intention reconnue alors par le gouvernement lui-même, était de rentrer dans le principe qui fait aujourd'hui le fond de l'amendement de M. Lefebvre que le gouvernement a accepté.

Ainsi, lorsqu'il y a faillite de celui qui doit payer la lettre, tous ceux qui l'ont endossée sans doute sont tenus de donner caution ou de rembourser. La raison en est simple. Ce sont des cautions, mais ces cautions ont cédé une créance; ils doivent la faire valoir, la maintenir. Celui qui devait la payer n'existe plus, par conséquent, il y a une garantie qui doit s'exercer. Enfin, je vous prie de considérer, comme le conseil d'Etat considérait en 1811, la nécessité de maintenir en harmonie les dispositions du Code sur l'acceptation des lettres de change, et le cas où l'acceptation qui avait été donnée a été annulée par la faillite de celui qui devait payer?

Serait-il possible, après avoir dit que tous les signataires devraient donner caution pour garantir une lettre de change non acceptée, de traiter avec moins de précautions les porteurs de la lettre de change dont l'acceptation n'a pas été refusée, mais ayant été donnée, est annulée par un nouvel incident qui empêche qu'elle ne soit payée?

Je crois donc que l'amendement de l'honorable M. Jacques Lefebvre, tel que la commission l'a adopté, doit être accueilli favorablement par la Chambre.

M. le Président donne une nouvelle lecture de l'amendement de M. Jacques Lefebvre, adopté par la commission, et qui formera le deuxième paragraphe de l'article 448. En voici la teneur :

« Dans le cas de faillite de l'accepteur d'une lettre de change ou du souscripteur d'un billet à ordre, les autres obligés seront tenus de donner caution pour le payement à échéance s'ils n'aiment mieux payer immédiatement. »

(Ce deuxième paragraphe, mis aux voix, est adopté.)

M. le Président. Je donne lecture du troisième paragraphe, ainsi conçu :

Troisième paragraphe. Le jugement déclaratif de faillite arrête, à l'égard de la masse seulement, le cours des intérêts de toute créance non garantie par un privilège spécial, par un gage ou par une hypothèque. »

M. Jobard. Je ne conteste pas le principe posé par le paragraphe dont M. le Président vient de donner lecture, mais je propose de substituer au mot gage le mot nantissement.

M. Thil. Le nantissement est un privilège.

M. Jobard. Quelle a été la pensée de la commission? Sa pensée a été de ne pas interrompre le cours des intérêts toutes les fois qu'une garantie serait donnée à la créance. Or, une créance peut être garantie par le nantissement d'une chose immobilière, comme par le gage qui est le nantissement d'une chose mobilière.

Voilà pourquoi j'ai proposé cette substitution.

M. le Président. La commission acceptet-elle l'amendement ?

M. Renouard, rapporteur. Oui.

Le paragraphe 3, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté comme suit:

« Le jugement déclaratif de faillite arrête, à l'égard de la masse seulement, le cours des intérêts de toute créance non garantie par un privilège spécial, par un nantissement ou par une hypothèque. »

L'ensemble de l'article 448 est ensuite mis aux voix et adopté pour la teneur suivante :

Article 448 (rédaction définitive).

«Le jugement déclaratif de la faillite rend exigibles, à l'égard du failli, les dettes passives non-échues.

« Dans le cas de faillite de l'accepteur d'une lettre de change, ou du souscripteur d'un billet à ordre, les autres obligés seront tenus de donner caution pour le payement à l'échéance, s'ils n'aiment mieux payer immédiatement.

» Le jugement déclaratif de faillite arrête, à l'égard de la masse seulement, le cours des intérêts de toute créance non garantie par un privilège, par un nantissement ou par une hypothèque.

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M. le Président. M. Goupil de Préfeln propose un paragraphe additionnel ainsi conçu : Mais les obligations à terme ne portant pas intérêt ne seront admises que sous la déduction de l'escompte.

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M. Goupil de Préfeln. Messieurs, j'espère que je ne serai pas juge téméraire, et que je ne blesserai aucune susceptibilité raisonnable en exprimant l'opinion que, dans le commerce, il n'y a pas de prêt gratuit, qu'il ne peut pas y en avoir. Toutes les fois qu'un commerçant où un capitaliste se met en avance, il veut, il doit vouloir s'indemniser du retard.

Mais voici ce qui arrive: tantôt l'intérêt est mis sous sa forme propre, sous son véritable caractère d'intérêt. D'autres fois il est confondu avec le capital.

Il peut résulter de là une inégalité injuste dans la répartition de la faillite.

Permettez-moi de vous présenter une hypothèse. Un commerçant a fait trois emprunts de 10,000 francs chacun pour deux ans; avec l'un des prêteurs, voici comme il a traité; il a dit: Je rembourserai dans deux ans, avec les intérêts de 6 0/0, la somme de 6,000 francs, et le creancier ne sera admis que pour la somme par lui versée de 10,000 francs.

Avec un autre, il a traité ainsi : il a été convenu qu'on joindrait l'intérêt au capital, et il a dit: Je rembourserai dans deux ans la somme de 11,200 francs.

Alors ce créancier, quoique dans la réalité il n'ait versé que 10,000 francs, sera admis pour 11,500 francs: cela serait-il juste?

Quant au troisième, il aura procédé ainsi : le créancier aura retenu l'intérêt au lieu de verser réellement 10,000 francs; il n'aura versé que 8,800 francs; eh bien, ce créancier sera admis pour 10,000 francs.

Ainsi, de trois créanciers qui auront les mêmes droits, deux seront admis pour 1,200 francs de plus que la somme par eux versée; tandis que celui qui aura eu la conduite la plus simple, la plus honnête (je ne dis pas pour cela que les autres formes aient rien d'illicite, mais elles se prêtent plus aux fraudes); eh bien, celui dont

la marche aurait été la plus simple, la plus loyale, éprouverait un dommage.

Mais dira-t-on qu'il peut se trouver quelques hypothèses dans lesquelles les engagements à terme ne portent pas intérêt?

Il y a une réponse à faire à cette objection: c'est celle que l'on fait toujours en législation; c'est qu'il est impossible que les lois soient également justes dans toutes leurs applications, il suffit qu'elles soient justes dans leur application la plus fréquente.

Eh bien, dans l'application la plus fréquente, tout engagement à terme a une valeur moindre qu'un engagement payable actuellement.

Il est donc juste qu'il figure dans la faillite dans une moindre proportion. Cette idée est tel lement juste, que des jurisconsultes pensent qu'il n'est pas même besoin de l'exprimer dans la loi; quant à moi, il me semble qu'il vaut mieux lever toute espèce de doute; et c'est l'ob jet de l'amendement que j'ai l'honneur de soumettre à la Chambre.

M. Hébert. L'honorable M. Goupil de Préfeln a été conduit à proposer l'amendement que je vais discuter, par des raisons d'équité. Il s'est dit, d'après l'article proposé par la commission : Le premier résultat de l'état de faillite sera d'arrêter le cours de tous les intérêts, il faut donc qu'il existe une égalité complète entre tous les créanciers, et si un créancier a fait comprendre à l'avance, dans son titre, les intérêts qui devaient courir jusqu'à l'échéance, il ne faut pas qu'il bénéficie des intérêts qui ont pu courir postérieurement au jugement de déclaration de faillite.

Voilà sur quelle idée est fondé le système qui vous a été présenté par M. Goupil de Préfeln; mais voulant arriver à un résultat équitable, ne s'est-il pas exposé à faire naître souvent des résultats iniques?

Je comprends bien que si le titre donnait tou jours par lui-même la preuve que l'intérêt était compris d'avance, il serait possible, il serait juste de l'en distraire; mais l'auteur de la proposition a bien reconnu lui-même que la plupart du temps le titre ne porterait pas cette preuve; et comme il sait fort bien qu'en matière commerciale, comme en toute autre matière, on n'est pas admis à procéder contre et outre le contenu aux actes, il a proposé d'établir une règle géné rale dont le résultat est de soumettre à la réduction de l'escompte tous les titres qui ne porteraient pas une stipulation expresse d'intérêts.

Voilà maintenant ce qui adviendra, s'il est arrivé que j'aie compris dans mon titre à l'avance des intérêts calculés à 2 ou 3 0/0; comme rien ne sera à cet égard énoncé dans le titre, on de duira, d'après le système de M. Goupil de Prefeln, 5 ou 6 0/0 de mon titre. Si j'ai prêté sans intérêt à un commerçant qui ne serait pas ban quier, parce que je n'aurai pas voulu faire pro

d'intérêts à mon titre, il faudra que je subisse sur le montant du capital, qui m'appar tient bien légitimement, une déduction d'intérêts. Ces résultats sont injustes; il suffit de les indiquer, je crois, pour repousser l'amendement, qui, d'ailleurs, dans le cas même où les intérêts ont été réellement prélevés, lors du prêt, ou compris dans le titre, aurait l'inconvénient d'anéantir une convention librement consentie par le débiteur dans un temps non suspect.

M. Charamaule. Il y a, Messieurs, un sentiment d'équité qui milite en faveur de l'amende

ment de M. Goupil de Préfeln. Que nous disait tout à l'heure un négociant qui, certes, à ce titre mérite confiance? comment M. Jacques Lefebvre définissait-il tout à l'heure la lettre de change? Il la définissait un emprunt fait par le commerce au public. Mais si la lettre de change est un emprunt, il est évident, par la force des choses, que, dans la somme énoncée dans la lettre de change, est véritablement compris l'intérêt du capital jusqu'à l'échéance; car il n'est pas dans les habitudes du commerce de prêter ou d'emprunter sans intérêt.

Ainsi donc, Messieurs, il faut reconnaître qu'une lettre de change comporte naturellement l'intérêt depuis le jour où elle a été émise jusqu'à l'échéance stipulée.

Un événement malheureux survient en force duquel le tireur de la lettre de change est obligé de payer par anticipation; mais puisqu'il avait fourni un titre qui comprenait virtuellement l'intérêt, puisqu'il avait fourni un titre qui l'obligeait pour le capital et les intérêts jusqu'à l'échéance, lorsque par un événement qui ne dépend pas de sa volonté il sera contraint de payer par anticipation, avant le terme stipulé, ne faut-il pas qu'on lui restitue l'intérêt ? n'est-il point nécessaire, indispensable de ne l'obliger par anticipation que sauf escompte?

Quels sont les usages du commerce? Les fabricants tirent facture pour le montant de leurs ventes; n'est-ce pas une condition en quelque sorte sous-entendue que si le consommateur, si le débiteur acquitte la facture et paie avant le terme, le fabricant déduit l'escompte?

Voilà, ce me semble, des idées trop naturelles pour qu'elles puissent être méconnues. En un mot, qui a terme ne doit rien; quand des marchandises sont payées par anticipation, il est évident qu'on fait meilleure la position de celui qui ne devait recevoir qu'à terme.

Une autre réflexion se présente encore. Est-il dans l'habitude des négociants de laisser inutiles et mortes dans leurs coffres les sommes qu'ils touchent? Non, Messieurs, il est dans leurs habitudes, je dois le dire, de faire valoir leurs fonds à mesure qu'ils les encaissent.

Lors donc qu'un négociant touchera aujourd'hui une somme de mille écus qui ne lui était due que dans six mois, est-ce que cette somme restera morte dans sa caisse? Mais non, il la remettra dans le commerce, il la fera circuler de nouveau. Il est donc raisonnable et équitable que là où il y aura payement par anticipation, ce payement n'ait lieu que sous bénéfice de l'escompte au profit de celui qui paiera avant le terme. Ces réflexions me semblent justifier l'amendement. Je les livre, Messieurs, à votre équité naturelle.

M. Lherbette. L'amendement ne me parait pas détruire toutes les conséquences du principe, car il n'établit aucune espèce de distinction entre le titre civil et le titre commercial, qui, cependant, sont très distincts. Il serait done nécessaire que l'auteur complétât son idée.

M. Goupil de Préfeln. J'avoue, Messieurs, que je me suis servi exprès du mot escompie, afin que l'on pût le régler équitablement.

M. Charamaule. Messieurs, l'escompte est précisément un mot consacré dans le commerce.

Les mots commerciaux ont leur portée; et comme l'exécution de la loi et son application seront confiées aux tribunaux de commerce là où des difficultés s'élèveront, il n'est pas dou

teux que ces tribunaux n'en fassent une application équitable.

(Le paragraphe proposé par M. Goupil de Préfeln, mis aux voix, n'est pas adopté.)

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M. le Président. « Article 449. Toutes voies d'exécution, pour parvenir au payement des créances privilégiées sur le mobilier dépendant de la faillite, autres que les frais de justice faits dans l'intérêt de la masse, seront suspendues jusqu'à l'expiration de la quinzaine qui suivra la nomination des syndics provisoires. »

(M. le Président fait successivement connaître les amendements proposés par MM. Ganneron, Lavielle, Delespaul, et la nouvelle rédaction de la commission.)

M. Toussin. Je demande à faire une observation sur l'article en général, tel qu'il est rédigé, pour montrer les inconvénients qu'il y aura de faire des amendements sur cet article.

Mes observations sont très simples. Quand nous votons un article, nous ne votons pas seulement un article, nous votons une stipulation qui doit être la conséquence immédiate des articles qui ont précédé, et qui doit avoir pour corollaires les articles qui suivent. L'article 449 a pour corollaire immédiat l'article 450, dans lequel on statue sur la nomination d'un commissaire syndic auprès de la faillite. Dans la loi qui vous est proposée, il y a ce vice radical, qu'il pourrait se présenter des circonstances telles que la faillite pourrait se prolonger pendant un temps assez long, sans avoir aucun représentant, de telle sorte que le failli enlevât aux propriétaire le mobilier qui est leur gage.

Vous allez discuter l'article 449. Il est évident que les amendements qui vous seront proposés ne pourront être votés par vous qu'autant que Vous aurez fixé qu'à l'époque où un jugement déclaratif d'ouverture de la faillite constituera un état de faillite, comment à cette époque il y aura un individu qui viendra représenter les intérêts de la masse. Dans le projet actuel cette disposition n'existe pas; je demande comment vous allez pouvoir discuter l'article 449, et y apporter toutes les améliorations et les changements qui pourraient être en rapport avec les autres articles que vous n'avez pas encore adoptés, que vous n'adopterez peut-être pas, parce qu'il est impossible que vous adoptiez le projet tel qu'il a été présenté.

M. Renouard, rapporteur. L'observation de M. Toussin est une de celles qui ont déterminé la commission à proposer la rédaction nouvelle sur laquelle M. Toussin n'a pas parlé; son observation ne porte que sur la rédaction ancienne. La commission a fait imprimer, on s'est trompé, et on a mis sous le nom d'un député un amendement dont je vais avoir l'honneur de vous donner lecture, et qui, je crois, répondra aux scrupules élevés par M. Toussin :

Art. 449. (Nouvelle rédaction de la commission.)

<< Toutes exécutions pour parvenir au payement des créances privilégiées sur le mobilier dépendant de la faillite, seront suspendues jusqu'à la vérification de ces créances, sans préjudice de toutes mesures conservatoires. »>

On a pensé que pour les créanciers privilégiés il fallait attendre que ces créances fussent vérifiées pour pouvoir recourir à la voie de l'exécution. Quant aux mesures conservatrices, il était nécessaire de les permettre, afin que si

la vérification se prolongeait, le droit du créancier ne se trouvât pas compromis. Je pense que cet amendement satisfera aux scrupules de M. Toussin.

M. Toussin. La Chambre voit que mon observation était importante.

M. Lavielle. Messieurs, pour apprécier la rédaction nouvelle de la commission, il faut d'abord se fixer sur la rédaction primitive; et à ce propos je ne puis m'empêcher de faire remarquer à la Chambre que l'amendement proposé par la commission le 14 de ce mois (permettez-moi la précision des dates), je l'avais déjà remis dès le 10 à M. le Président, qui a eu la bonté de le faire imprimer le même jour.

M. Renouard, rapporteur. Il est vrai que c'est sur la rédaction de M. Lavielle que l'amendement de la commission a été fait; et si nous n'y avons pas attaché son nom, c'est que nous y avons apporté des modifications.

M. Lavielle. Ce n'est pas que je tienne à revendiquer cet amendement, mais je suis heureux de m'être rencontré avec la commission.

Permettez-moi de vous donner une nouvelle lecture de l'article en discussion. (Ici l'orateur lit cet article.)

Messieurs, cet article me paraît vraiment inexplicable. Cependant il se rencontre, sauf la différence du délai, et dans le projet du Gouvernement et dans le projet de la commission. [l donne le droit à un créancier privilégié d'agir dans la quinzaine, et cependant ce projet dispose ailleurs, ainsi que le faisait remarquer l'honorable M. Toussin, que les créances même privilégiés soient vérifiées avant de pouvoir être ramenées à exécution. Or, la vérification peut amener, d'après le projet même, un délai de deux ou trois mois. Comment concilier ces deux dispositions?

Ce n'est pas tout. Non seulement on veut qu'un créancier privilégié ne puisse agir qu'après vérification de sa créance, ce qui est parfaitement raisonnable, mais que si un créancier, au moment de la vérification, omet de mentionner son privilège, il perdra irrévocablement ce droit.

Ce n'est pas le moment d'examiner la rigueur de cette disposition, renfermée dans l'article 495; je constate seulement la contradiction qui existe entre cet article et l'article en discussion.

Cet article présente encore un autre inconvénient; il présuppose que les frais de la faillite auront la préférence sur toutes les autres créances privilégiées.

M. Renouard, rapporteur. C'est d'après les motifs exposés par M. Lavielle que cette partie de l'article a été abandonnée.

M. Lavielle. Pour arriver à la rédaction nouvelle de la commission, il me paraît nécessaire, je le répète, d'apprécier la première pensée de la commission, et de faire ressortir la contradiction qui existe non seulement avec les articles que je cite, mais encore avec d'autres dispositions du projet.

Je disais que les frais de la faillite ne pourraient avoir la préférence sur une foule d'autres créances privilégiées; et notamment sur le privilège que la loi donne au propriétaire sur le mobilier qui garnit la maison; et en effet le privilège des frais de la faillite ne prend naissance que depuis la faillite déclarée, tandis que le privilège du propriétaire remonte au jour de la loeation.

Enfin, et c'est encore une idée que la commission a bien voulu accueillir. Le projet permettait d'agir dans la quinzaine, et il ne disait rien des actes conservatoires; de sorte que si les scellés n'avaient pas été apposés immédiatement, le failli aurait pu soustraire à la masse tout son mobilier; or, mon amendement a pour but de donner au propriétaire le droit de saisir. gager le mobilier de son locataire.

Le droit ou pour mieux dire le privilège du propriétaire est reconnu dans le projet luimême; car l'article 550 ne détruit que le privilège du vendeur des meubles, et par cela même il conserve celui des propriétaires.

Me voici à la rédaction nouvelle, proposée par M. le rapporteur. Son résultat serait de ne pas attendre la vérification de toutes les créances pour donner le droit aux créanciers d'agir sur le mobilier du failli. Il me semble que c'est la même erreur sous une autre forme, et c'est bouleverser la théorie des privilèges en matière de faillite.

D'après la nouvelle rédaction, une créance est vérifiée, et immédiatement on peut la ramener à exécution. Mais qui nous a dit qu'il n'existe pas une créance préférable à celle-là, et qui n'est pas encore vérifiée ?

Si vous donnez le droit au premier créancier vérifié d'exécuter sur le mobilier, il peut arriver qu'il absorbe la valeur entière du mobilier, et que le créancier qui avait un privilège antérieur perde sa créance. Ce sera là le prix de la vitesse que vous considérerez, Il ne devrait pas en être ainsi; il serait mieux d'attendre que toutes les créances fussent vérifiées avant de donner à un seul créancier le droit d'exécuter. Le mobilier resterait sous la main de la justice pour subir le privilège de chaque créancier.

Je rappelle encore ici l'article 551 du projet, qui porte: (L'orateur donne lecture de cet article.) Or, encore une fois, comment concevoir, en présence de cet article, qu'un des premiers créanciers vérifiés s'empare de toute la valeur mobilière, avant d'attendre la vérification et la distribution au marc le franc?

Ainsi, la commission veut donner au créancier vérifié le droit d'agir à l'instant même de la vérification de sa créance.

D'après mon amendement, au contraire, un créancier ne pourrait agir qu'après la vérification de toutes les créances.

Je propose enfin que tous les privilèges qui me paraissent atteints par la rédaction nouvelle et par la rédaction ancienne, soient expressément réservés.

M. le rapporteur paraît croire que cette réserve est inutile, et que la conservation des privilèges est de droit. Sans doute, il ne faut insérer dans les lois rien d'inutile, elles doivent être claires et brèves; mais ici, le privilège a été tellement attaqué dans toutes les rédactions de la commission, que j'ai senti la nécessité de conserver les droits de tous les créanciers de cette nature, au lieu de donner aux créanciers les plus pressés un avantage sur les autres.

Je voudrais encore ajouter que les privilèges seront exercés conformément à la loi. De cette manière, je crois que les incohérences et les contradictions de l'article 449 disparaîtraient entièrement.

Il n'en restera que trop, je le crains, au fond de cette loi.

Sans doute, elle a été soigneusement élaborée

dans le conseil; la commission nous a présenté un travail utile et consciencieux.

Mais ce travail, permettez-moi de le dire, la Chambre ne l'a pas connu assez tôt; elle avait besoin de plus de temps pour méditer à son tour une loi d'un si vaste intérêt.

La commission avait conçu une heureuse pensée, c'était d'appeler dans son sein les députés qui voulaient prendre part à la discussion de la loi, de connaître et d'apprécier leurs amendements à l'avance, de débattre chaque article dans ce comité d'hommes spéciaux, et de ne rapporter à la Chambre cet important projet que dégagé, autant que possible, des difficultés qui nous arrêtent depuis dix jours, et qui nous arrêteront longtemps encore. Mais le temps nous a manqué, et la loi est venu subir, à la tribune, ce feu croisé d'amendements subits, inattendus, qui se détruisent souvent entre eux, et qui détruisent toujours l'ensemble et l'harmonie de la loi. Ce n'est pas ainsi qu'un projet de 200 articles pouvait être utilement discuté.

Pénétré de cette vérité, j'étais de ceux qui désiraient le renvoi de cette discussion à la session prochaine.

Je conçois néanmoins les considérations d'un autre ordre qui font dériver le vote immédiat de la loi. Elle est impatiemment attendue; elle peut renfermer quelques améliorations utiles: ne refusons pas ce bienfait au pays; mais réservons-nous de le compléter, et de réparer les erreurs qui échapperaient inévitablement à notre rapide examen.

Armons-nous de ce courage et de cette patience dont nous parlait l'honorable rapporteur; et, à cette occasion, qu'il me soit permis d'émettre le vœu que M. le garde des sceaux publie sans retard le projet qu'on nous annonce depuis si longtemps, sur les expropriations et les hypothèques.

Ces matières importantes ne sont pas sans analogie avec celle qui nous occupe. L'expropriation est la faillite des propriétaires. On procède au règlement des créances d'après un mode hypothécaire qui n'est pas plus exempt que celui des faillites de fraudes et de déceptions.

Qu'à l'avenir on livre ces projets aux méditations de tous, et ils nous reviendront éclairés de l'opinion publique, dont nous ne sommes que les organes.

Oui, Messieurs, que le gouvernement ouvre une sorte de concours général sur les lois dont il veut doter le pays. C'est un beau sujet à présenter aux intelligences et aux spécialités de notre époque. Vous serez, Messieurs, les juges de ce concours; votre approbation en fera le prix, et ce prix, vous ne le décernerez pas à de brillantes innovations, à de décevantes théories, mais aux travaux lents et sûrs de la raison et de l'expérience.

La puissance législative ne perdra rien de sa dignité en s'entourant des conseils du pays; c'est un des moyens de conquérir sa confiance, et la confiance publique est la véritable dignité des gouvernements.

Excusez, Messieurs, cette digression. Je me laisse aller malgré moi à la contagion de cette tribune, et je me hâte de rentrer dans mon amendement, qui me parait remédier aux inconvénients de la disposition primitive, et même de la disposition nouvellement amendée par la commission.

M. Dufaure. Je vous prie de ne pas diriger

vos méditations sur les expropriations forcées; la matière que nous avons à discuter présente assez de difficultés pour appeler toute votre attention.

L'article 449 de la commission, sur lequel vous avez à voter maintenant, me paraît juste, rigoureusement juste; je crois que vous devez l'adopter. Ne nous occupons pas de celui qui avait été présenté d'abord, la commission l'a abandonné sur la proposition de l'honorable M. Lavielle luimême; je ne crois pas qu'il soit nécessaire de le combattre ni de le défendre, mais l'article 449, tel qu'il est rédigé maintenant, doit être adopté.

Veuillez voir l'innovation que nous faisons au Code de commerce. D'après ce Code il était permis de ramener immédiatement à exécution toutes les créances qu'on pouvait avoir contre le failli, en vertu d'un titre portant: voie parée. Nous avons vu qu'il y avait quelques inconvénients, que les intérêts de la masse pouvaient être compromis; nous avons voulu suspendre cette exécution.

Nous avions d'abord demandé une suspension de 15 jours seulement. M. Lavielle a fait remarquer avec beaucoup de raison que le délai n'était pas suffisant. Nous avons adopté une autre base. Nous avons considéré que tant que les créanciers n'étaient pas vérifiés, on pouvait ne pas leur donner le droit de ramener à exécution leurs créances. C'est d'après cette idée que nous avons mis dans l'article 449, qu'on ne pourrait ramener à exécution pour les créances privilégiées jusqu'à la vérification.

Mais la vérification une fois faite, pourquoi suspendre encore l'exécution de la créance? tout autre délai est inutile, les droits du créancier doivent être exercés. Eh bien! admettons qu'après la vérification, les droits du créancier pourront être exercés, quel danger y aura-t-il? selon moi, aucun. Mais on dit : Vous pouvez porter préjudice à d'autres créanciers privilégiés. Non, Messieurs, celui qui sera vérifié pourra exécuter, et cette exécution ne sera en rien au préjudice des autres créanciers privilégiés; l'exécution n'empêchera pas les créanciers privilégiés de conserver tous leurs droits.

De manière que lorsque, d'un côté, nous permettons aux créanciers d'exécuter après vérification, nous ne leur accordons ce droit rigoureux qu'après l'avoir suspendu; et que, loin de leur trop donner, nous ne faisons que restreindre la faculté qui résultait de leurs titres; et que, d'un autre côté, quand nous permettons à tout le monde de prendre des mesures conservatoires, nous donnons aux prétendus privilégiés la faculté d'empêcher qu'un payement ne se fasse à leur préjudice; de manière que notre article 449 me paraît répondre à tous les intérêts, et la Chambre croira sans doute devoir l'adopter. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'ajouter que les créanciers seront payés dans l'ordre fixé par la loi ; et, en effet, l'exécution commencée, il est évident que le droit commun reprend son empire. Je sens donc que l'article 449 est parfaitement juste, qu'il satisfait à tous les besoins du commerce, et que la Chambre fera bien de l'adopter.

M. Garnon. Messieurs, l'article 449 du projet de la commission suspend pendant un délai de 15 jours, à compter de la nomination des syndics provisoires, l'exercice de toutes voies d'exécution tendant au payement des créances privilégiées sur le mobilier dépendant de la faillite. Tout en partageant les intentions de la commission, et

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