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sable. Celles-ci le seront par M. le ministre de l'intérieur, de l'avis des personnes auxquelles la confiance du roi, interprète de la vôtre, à commis le soin de veiller à l'ordre de vos délibérations et à l'administration du Palais où vous siégez. Néanmoins, Messieurs, dans l'intérêt de la dignité de la Chambre, votre commission a cru devoir constater, avant tout, s'il entrait dans le plan du gouvernement de transporter le siège du procès hors de l'enceinte du Luxembourg. C'eût été là, en effet, à notre avis, une détermination qui ne pouvait être prise sans consulter la Chambre et sans obtenir son approbation; tandis qu'au contraire des dispositions intérieures, des dispositions qui se résolvent en simples questions d'art, en simples questions d'architecture, ne semblent guère de nature à être mises aux voix dans une assemblée délibérante.

Nous avons acquis la certitude que cette pensée n'avait pas été un seul instant accueillie.

Des trois édifices que l'on avait, en effet, désignés comme propres à suppléer, le cas échéant, à l'impossibilité de créer dans l'enceinte du Luxembourg une salle assez vaste, savoir: la Chambre des Députés, la salle dite des Pas-Perdus au Palais de Justice, la salle de l'Odéon, il n'en est aucun qui pût être approprié à ce but, en temps utile, et d'une manière convenable.

La salle de la Chambre des Députés ne sera disponible, selon toute apparence, que vers le mois de juin prochain. Il faudrait alors enlever les marbres, bouleverser tous les arrangements intérieurs, détruire ou dégrader, sauf à les rétablir plus tard à grands frais, les ornements et les décorations à peine posés depuis deux ans; il faudrait en outre, ou construire une prison attenant à la Chambre, ou transférer chaque matin 100 ou 120 accusés d'une extrémité de Paris à l'autre. Qu'arriverait-il enfin si le besoin de convoquer de nouveau les Chambres survenait pendant la durée du procès ?

La salle dite des Pas-Perdus est le débouché commun de tous les tribunaux qui siègent au Palais de Justice. En l'occupant tout entière, l'accès de toutes les audiences serait interdit aux juges et aux plaideurs. En se bornant à n'en occuper que la partie centrale, c'est-à-dire la partie comprise entre les pilastres, et à ménager, à l'aide d'une cloison en planches, un corridor circulaire, comme la salle est éclairée latéralement, comme elle ne reçoit d'en haut ni air ni lumière, on s'y trouverait dans une obscurité complète; on n'y pourrait respirer. Pour en rendre d'ailleurs l'abord praticable, il faudrait préalablement expulser. soit de gré à gré, soit

par voie d'expropriation pour cause d'utilité publique, les petits marchands étalagistes qui encombrent les galeries intérieures du palais. Dans ce dernier cas, l'ouverture des débats serait subordonnée à de longs délais; dans l'un comme dans l'autre, il en coûterait des frais énormes.

La salle de l'Odéon enfin, outre l'extrême inconvenance de faire siéger une Cour de justice dans un théâtre, manquerait de tous les accessoires nécessaires, tels que chambre du conseil, parquet, salle pour les témoins, etc., etc.

C'est donc, nous le répétons, dans l'enceinte même du Luxembourg que les dispositions à intervenir seront exécutées. Mais, nous répétons également que le vote qui vous est demandé n'engage en rien sur leur nature, sur leur portée, sur le montant de la dépense, la responsabilité de la Chambre. On vous demande un crédit éventuel de 360,000 francs pour en être

fait par qui de droit, et jusqu'à concurrence de la somme qui sera jugée nécessaire, tel usage que de raison; rien de moins, rien de plus.

Mais la loi proposée a dù préoccuper, Messieurs, votre commission sous un autre point de vue.

Des esprits judicieux, des consciences timorées, soit au dedans, soit au dehors de cette Chambre, ont exprimé l'opinion qu'il eût été préférable de ne pas donner aux préparatifs du procès l'éclat d'une délibération législative, de tout disposer administrativement, en silence, et sans éveiller sur ce sujet l'attention publique. C'est ainsi qu'il avait été procédé, disait-on, en 1821, lors de la grande affaire du 19 août 1820; c'est ainsi qu'il avait été procédé en 1830, lors du procès des quatre ministres de Charles X. Pourquoi prendre une autre marche aujourd'hui ? Ces deux exemples sont, en effet, les seuls dont on puisse arguer. Dans l'affaire du 19 août, le nombre des accusés (il s'élevait à 33) a exigé certaines dispositions extraordinaires. Dans le procès des ministres, la sûreté des prisonniers a demandé de grandes précautions. Toutes les autres affaires portées devant la Cour des pairs ont pu être jugées sans rien changer à l'intérieur du palais.

Sans attacher, Messieurs, à cette idée autant d'importance que ceux qui l'ont mise en avant, nous avons du constater jusqu'à quel point il était possible d'y avoir égard; nous avons dû nous reporter aux précédents qu'on invoquait.

En 1821, un crédit spécial de 100,000 francs fut ouvert au ministre de l'intérieur, par ordonnance royale en date du 18 avril. Voici le texte de cette ordonnance:

« Il est ouvert à notre ministre secrétaire d'Etat au département de l'intérieur, pour acquitter les travaux à faire au palais du Luxembourg et lieux attenants, en raison de la formation de la Chambre des pairs en Cour de justice, et des autres frais que nécessite le jugement, un crédit de 100,000 francs, qui sera régularisé conformément aux lois. »

Les autres frais dont il est ici question, sont l'entretien et la nourriture des prisonniers dans la prison spéciale qui leur est destinée; et l'excédant des dépenses des troupes, tant cavalerie qu'infanterie, chargées de veiller à la sûreté de cette prison. Les mêmes dépenses seront nécessaires lors du jugement à intervenir dans l'affaire dont nous sommes saisis.

C'est sur ce crédit spécial qu'à cette époque toutes les dépenses furent ordonnancées.

Il ne serait pas possible de procéder ainsi aujourd'hui. En 1821, les crédits extraordinaires ne pouvaient être ouverts, par ordonnance royale, qu'en l'absence des Chambres, en des cas extraordinaires et urgents. Ainsi le voulait et le veut encore la loi du 25 mars 1817, article 152. Mais il n'en était point de même des crédits supplémentaires, c'est-à-dire des crédits destinés à subvenir à l'insuffisance, dùment justifiée, d'un service déjà porté au budget. La loi était muette à cet égard. Dans le silence de la loi, on croyait pouvoir ouvrir, par ordonnance royale, de tels crédits, même en présence des Chambres. De là l'ordonnance du 18 avril 1821. Mais la loi du 24 avril 1833 a soumis, depuis, les crédits supplémentaires aux mêmes conditions que les crédits extraordinaires. Une ordonnance semblable à celle qui fut rendue le 18 avril serait donc désormais illégale. Il serait interdit au ministre des finances d'y avoir égard, et d'autoriser l'acquit des mandats délivrés en conséquence.

En 1830, une loi rendue le 8 septembre avait

mis à la disposition du ministre de l'intérieur, un crédit extraordinaire de 5 millions pour travaux publics et autres besoins urgents et indispensables.

Sur cette somme, M. le ministre de l'intérieur d'alors autorisa M. le grand-référendaire à dépenser 50,000 francs pour les dépenses extraordinaires qu'entraînera la sûreté des prisonniers qui doivent être détenus au Petit-Luxembourg.

M. le ministre de l'intérieur actuel ne disposant d'aucun crédit de cette nature, il n'est pas plus possible d'imiter ce qui s'est fait en 1830 que ce qui s'est fait en 1821.

A défaut de précédents, nous nous sommes demandé s'il ne serait pas possible d'ordonner dès à présent, sans l'intervention de la loi, les dépenses nécessaires, sauf à les imputer ensuite sur les frais de justice criminelle alloués au budget de 1834, en considérant que le crédit ouvert à cet effet n'énonçait qu'une évaluation approximative, et variable par sa nature. Mais un peu de réflexion nous a convaincus qu'un tel procédé serait souverainement irrégulier, et matériellement inexécutable.

Il n'y a rien, absolument rien de commun entre les frais de justice criminelle et les dépenses relatives à la construction ou à l'entretien des édifices consacrés à l'administration de la justice.

Les frais de justice criminelle sont portés au budget du ministère de la justice.

Les dépenses relatives à la construction ou à l'entretien des cours et tribunaux sont portées au budget du ministère de l'intérieur.

Les frais de justice criminelle se divisent en trois classes, savoir:

1o Les indemnités pour déplacements aux magistrats et aux jurés qui se rendent aux assises; Les transporis de pièces d'un greffe à un autre greffe;

Les frais relatifs à l'exécution des jugements criminels;

Les frais d'impression;

L'avance de cette première classe de dépenses est faite par l'Etat, sans recours contre les condamnés;

2o Les indemnités aux témoins;

Les honoraires des médecins, experts et interprètes;

Les taxations des divers officiers ministériels; Les transports des magistrats pour entendre les temoins, faire des descentes sur les lieux.

Cette seconde classe est simplement avancée par l'Etat, mais recouvrée plus tard sur les condamnés;

3° Entin, la rédaction des statistiques criminelles.

L'avance des deux premières classes de dépenses est faite dans chaque localité, par l'administration de l'enregistrement, sur pièces et mémoires fournis par le chef du parquet, et ces pièces sont ensuite régularisées à la fin de l'année par le ministre de la justice.

Les dépenses relatives, soit à la construction, soit à l'entretien des cours et tribunaux, sont ordonnées par le ministre de l'intérieur, et imputees soit sur les centimes additionnels ordinaires, qui sont votés par les Chambres, mais dont la repartition est laissée aux conseils géné raux de département, soit sur la portion de ces mêmes centimes qui demeure centralisée au Tresor et constitue le fond commun à tous les départements.

Or, dans l'hypothèse que nous examinons, qui

ordonnerait les travaux à exécuter dans l'en ceinte du Luxembourg?

Serait-ce le ministre de l'intérieur ?

Alors, les dépenses une fois faites, comment pourrait-il ordonnancer sur un crédit ouvert au ministre de la justice?

De telles ordonnances seraient refusées, et à bon droit, par les agents du Trésor.

Serait-ce le ministre de la justice?

Mais le ministre de la justice n'a point qualité pour passer des marchés, traiter avec les entrepreneurs, mettre en mouvement les architectes, faire exécuter des travaux d'art, et régler des mémoires en conséquence.

Comment pourrait-il d'ailleurs imputer de telles dépenses sur les frais de justice criminelle? Ce credit, ainsi qu'on vient de le voir, est analysé article par article, au budget de la justice. Il n'est pas un seul des articles qui comporte, avec la dépense dont il s'agit, la moindre assimilation, l'analogie la plus éloignée.

Un autre idée encore nous avait été suggérée. On a demandé s'il ne serait pas possible de porter cette dépense au budget de la Chambre des pairs, lequel se discute, en séance secrète, de même que le budget de la Chambre des députés, et figure ensuite dans le budget général de l'Etat, au chapitre des dotations, pour la somme totale votée par la Chambre, sans distinction de chapitres ni d'articles.

Mais outre qu'il ne serait peut-être pas régulier de porter à notre budget, lequel ne doit comprendre que les dépenses ordinaires de la Chambre, dépenses d'entretien et d'administration, une dépense extraordinaire, une dépense de construction, il se présente ici un obstacle insurmontable. Les travaux doivent être exécutés en 1835 et soldés sur l'exercice de 1835. Or, le budget de 1835 est déjà voté. C'est du budget de 1836 que nous avons à nos occuper cette

année.

Il est impossible de rien ajouter au budget de 1835, voté l'année dernière, autrement que par une loi spéciale.

Sous quelque point de vue donc que nous envisagions la question, nous sommes conduits, Messieurs, à cette alternative inévitable :

Ou la Chambre des pairs doit adopter la loi que le gouvernement lui propose;

Ou la Chambre des pairs doit se désister du procès dont l'instruction se poursuit depuis huit mois par ses ordres, et à l'égard duquel elle vient, il y a peu de jours, de déclarer sa compétence.

Il est impossible, il est matériellement impossible de tenir l'audience dans la salle ordinaire de vos séances; il est impossible, matériellement impossible, dans l'état du Petit-Luxembourg, d'y placer 100 ou 120 détenus.

Les dépenses destinées à faire face aux constructions indispensables, en pareil cas, n'ont point été prévues, l'année dernière, dans le budget de 1835. Il est par conséquent impossible, formellement impossible, de les imputer, soit sur le crédit ouvert au ministère de l'intérieur, pour la construction et l'entretien des cours et tribunaux, soit sur le crédit ouvert à la Chambre des pairs elle-même.

Dans aucun cas, sous aucun prétexte, ces dépenses ne sauraient être imputees sur le crédit ouvert au ministre de la justice, pour frais de justice criminelle, attendu qu'il est formellement impossible d'imputer sur un chapitre du budget des dépenses que ce chapitre ne prévoit pas, et

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Il est ouvert au ministre de l'intérieur un crédit de 360,000 francs sur l'exercice de 1835, pour faire les dispositions nécessaires à l'instruction, et, s'il y a lieu, au jugement du procès dont la Cour des pairs est saisie. »

M. le Président. La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport.

Plusieurs pairs: Et l'indication du jour de la discussion?

M. le Président. La Chambre veut-elle fixer cette discussion à jeudi? le rapport sera imprimé mercredi.

De toutes parts: Oui! oui!

M. le vicomte Dubouchage. Je demande la parole sur l'indication du jour de la discussion. M. le Président. Vous avez la parole.

M. le vicomte Dubouchage. Messieurs, la première partie du procès soumis à la Cour des pairs (la mise en accusation des prévenus) sera terminée dans une dizaines d'audiences.

La Chambre connaîtra alors parfaitement s'il y a lieu, ou s'il n'y a pas lieu, d'ouvrir à M. le ministre de l'intérieur un crédit de 360,000 francs, pour le jugement dont la Cour est saisie.

Ce n'est même qu'à cette époque si rapprochée qu'il sera permis de se former une idée nette et positive sur la solution de cette immense affaire. Quel est en effet celui de nous qui la considère aujourd'hui sous le même point de vue où il l'envisageait il y a deux mois?

Il semble aussi d'une haute convenance de ne point faire intervenir le législateur au milieu des délibérations du juge, quand les fonctions de l'un et de l'autre sont placées dans la même main.

D'ailleurs, il n'y aura pas beaucoup de temps de perdu, dans le cas fort incertain où il y aurait lieu de faire quelques dispositions pour le jugement du procès. L'impression du rapport, sa distribution et son examen entraîneront plusieurs jours. Quand viendra la discussion, nous toucherons au terme de nos délibérations sur le réquisitoire de M. le procureur général; et en n'interrompant pas le cours de nos audiences, plusieurs détenus obtiendront quelques jours plus tôt une liberté dont ils sont privés depuis bien longtemps.

Je crois donc pouvoir proposer à la Chambre d'ajourner la discussion sur le crédit des

360,000 francs demandés par M. le ministre au moment très prochain où seront terminées nos séances judiciaires sur l'accusation.

N'oublions pas, Messieurs, qu'un seul des trois pouvoirs législatifs a voté ce crédit, et ne l'a voté que d'une manière dubitative, avec cette restriction, s'il y a lieu, et après un débat très animé.

C'est dire assez nettement aux deux autres pouvoirs qu'à eux appartient de juger l'opportunité et la nécessité de ce crédit. Or, pour porter ce jugement, il faut que le travail total des mises en accusation soit terminé.

Ce travail achevé, la Chambre des pairs décidera et prononcera son vote législatif avec une entière connaissance de cause.

Peut-être même alors le troisième pouvoir législatif, qui a le droit de retirer les lois qu'il a fait proposer aux Chambres avant leur adoption par celles-ci, se trouvant aussi parfaitement éclairé, prendra-t-il telle ou telle résolution qui rendrait inutile le crédit demandé. Qu'il me soit permis de l'espérer dans l'intérêt de tout le monde.

Je vote pour que la discussion sur ce crédit si éventuel ne s'ouvre qu'après la clôture des délibérations judiciaires, dont la Cour des pairs est occupée actuellement.

M. le duc de Broglie, rapporteur. Il me semble que les motifs sur lesquels le préopinant s'est fondé pour demander le renvoi ne sont pas admissibles. Dès à présent, nous savons qu'il y aura un nombre d'accusés tel que le jugement ne pourra pas avoir lieu dans l'enceinte de la salle ordinaire de nos séances. Il y a déjà aujourd'hui 70 accusés, et il est clair, pour quiconque veut ouvrir les yeux, que 70 accusés, avec ce qui doit les accompagner, défenseurs, témoins et force publique, ne peuvent pas tenir dans cette enceinte. Le premier des motifs allégués n'est donc pas fondé.

Quant à la proximité de la clôture de nos séances judiciaires, c'est une chose purement éventuelle. J'espère, comme le préopinant, que, dans un temps qui n'est pas très éloigné, nous aurons terminé nos travaux. Nous avons encore à statuer sur environ 150 prévenus. Peut-être nos séances judiciaires dureront-elles trois semaines, un mois plus ou moins, je l'ignore, et personne ne saurait le dire.

Si l'on différait indéfiniment l'allocation du crédit, les travaux ne pourraient commencer, et on courrait dès lors le risque de différer l'ouverture des débats, pour avoir trop tardé à commencer les constructions nécessaires pour le jugement du procès; de sorte qu'au lieu d'avoir fait une chose profitable pour les accusés, on leur aura nui.

Je crois donc qu'il n'y a pas lieu à différer d'une manière indéfinie, comme le propose le préopinant, la discussion du projet dont je viens de vous présenter le rapport.

Un grand nombre de pairs: A jeudi !

M. le vicomte Dubouchage. Je demande pardon à la Chambre d'insister; mais si j'ai fait un objection, c'est dans l'intérêt de la discussion. Il importe que la Chambre des pairs discute avec soin ce qui a été discuté avec tant de solennité à la Chambre des députés. Le rapport de M. le duc de Broglie est très savant; il nous renvoie à beaucoup d'autorités qu'il faut que nous examinions. Il sera impossible que le rapport nous soit distribué avant mercredi: če

jour-là nous avons une séance judiciaire. Quel sera le moment où nous pourrons nous livrer à un examen attentif du rapport? Je demande le renvoi à samedi.

M. le Président. Le président avait proposé à la Chambre d'ouvrir la discussion jeudi. M. le vicomte Dubouchage demande qu'elle ne commence que samedi. Cette dernière proposition étant la plus éloignée, je la mets aux voix.

Plusieurs voix: Elle n'est pas même appuyée. (La Chambre, consultée, décide que la discussion générale s'ouvrira jeudi.)

M. le Président. La parole est à M. le comte de Tascher pour le rapport d'une pétition relative Gux tabacs.

M. le comte de Tascher. Messieurs, le sieur Manuel, délégué de la chambre consultative et du commerce de Nancy, propose de substituer au régime du monopole du tabac, un système qui produirait, suivant lui, une recette d'impôt supérieure à celle obtenue par le monopole; les moyens seraient :

1o La liberté de la culture et de la fabrication; 2° La simplification du mode de perception; 3° La fabrication exclusive dans les villes closes;

4° L'éloignement des dépôts et magasins de feuilles, à quelque distance du lieu de fabrication;

5o Des peines sévères contre la fraude, telles que de fortes amendes, garanties par un cautionnement suffisant, et clôture de la fabrique.

Une commission venant d'être nommée dans la Chambre pour l'examen de la loi relative à la fabrication et à la vente exclusive du tabac, votre comité, Messieurs, ne peut différer à vous proposer le renvoi à cette commission de la pétition dont son rapporteur vient d'avoir l'honneur de rendre compte à la Chambre. (Adopté.) (L'ordre du jour étant épuisé, la séance publique est levée.)

Ordre du jour du mardi 20 janvier 1835.

La Chambre se réunira à une heure. Rapport de la commission spéciale chargée de l'examen du projet de loi relatif à l'ouverture d'un crédit de 1,950,000 francs, pour subvention aux fonds de retraite du ministère des finances.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. DUPIN, PRÉSIDENT,

Séance du lundi 19 janvier 1835.

La séance est ouverte à deux heures. Le procès-verbal de la séance du samedi 17 janvier est lu et adopté.

Il est fait hommage à la Chambre des ouvrages intitulés :

Manuel des étudiants en droit et des jeunes avocats, offert par l'auteur, M. Dupin, docteur en droit, ancien bâtonnier des avocats, procureur général à la Cour de cassation, président de la Chambre des députés.

Trois tableaux chronologiques, offerts par l'auteur M. l'abbé La Chèvre, aumônier à l'hôpital Saint-Louis, bachelier ès-sciences, inventeur de la chronométrie et de la chronographie.

(La Chambre en ordonne la mention au procès-verbal et le dépôt en sa bibliothèque.)

M. le Président. La parole est à M. Mangin d'Oins pour un rapport d'élection.

Vendée. Mangin d'Oins, rapporteur du 7e Bureau. Sur les conclusions de ce rapporteur, l'élection de M. le comte Duchaffault, nommé au 3 tour de scrutin par le collège électoral de la Vendée, est déclarée régulière. Son admission est ajournée jusqu'à production des titres constatant son cens d'éligibilité.

M. le Président. La parole est à M. le ministre des finances pour diverses communications du gouvernement.

1re COMMUNICATION.

Ordonnance du roi portant retrait du projet de loi interprétatif de l'article 60 de la loi du 12 décembre 1798 (22 frimaire an VII), sur l'enregistrement, présenté à la Chambre des députés le 16 décembre 1834. (1)

M. Humann, ministre des finances. Messieurs, le 16 décembre dernier, nous vous avons présenté un projet de loi tendant à interpréter l'article 60 de la loi du 22 frimaire an VII, en ce sens que « hors le cas d'une adjudication d'immeubles faite en justice, et annulée par les voies légales, les droits d'enregistrement régulièrement perçus sur les jugements ou arrêts, quoique leurs dispositions soient ultérieurement annulées ou infirmées, ne sont pas restituables. »>

En présentant ce projet à la Chambre des députés, nous avons cru obéir aux prescriptions de la loi du 30 juillet 1828; mais des doutes se sont élevés depuis sur la question de savoir s'il ne serait pas plus conforme à l'esprit de cette dernière loi de laisser statuer la Cour royale de Rouen avant d'appeler les Chambres à prononcer. On comprend, en effet, que si les opinions manifestées, et par la Cour royale et par la Cour de cassation, sont de nature à fournir des lumières pour fixer le véritable sens de la loi ancienne, la solennité d'une audience composée de toutes les Chambres réunies aura nécessairement pour résultat d'éclairer mieux encore la question.

Ce dernier motif nous a paru déterminant, et nous avons cru devoir proposer une ordonnance qui autorise le retrait du projet de loi que j'ai eu l'honneur de vous soumettre le 16 décembre dernier.

Nous allons vous donner lecture de l'ordonnance royale qui ordonne ce retrait.

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2° COMMUNICATION.

Projet de loi relatif aux terrains domaniaux usurpės.

M. Humann, ministre des finances. Messieurs, à différentes époques le domaine de l'Etat, et principalement les rives des forêts ont été l'objet de nombreuses usurpations.

Les recherches qui ont été faites à l'occasion de la délimitation des forêts domaniales, ont constaté que, pour ses forêts seulement, les usurpations comprennent plus de 12,000 hectares de terrains, qui sont évalués 2 millions environ. Ces 12,000 hectares se composent de 16,909 parcelles et sont entre les mains de plus de 10,000 détenteurs.

La multitude de procès qu'il aurait fallu soutenir pour faire rentrer l'Etat dans la propriété de ces terrains, les frais qu'ils auraient occasionnés, la longue possession des usurpateurs et la crainte surtout de jeter le trouble dans la classe nombreuse qui a fait de ces biens l'objet d'arrangements divers et de partages de famille, ont empêché l'administration d'exercer son action dans toute la rigueur du droit. Par ses soins, toutefois, la prescription a été interrompue pour les usurpations importantes, et d'un autre côté un grand nombre de détenteurs ont été amenés à reconnaître le vice de leur possession et ont consenti à souscrire la soumission d'acquérir à prix d'estimation les parcelles usurpées.

Les considérations qui ont porté l'Etat à ne pas exercer ses droits dans toute leur rigueur existent encore aujourd'hui et deviennent de jour en jour plus puissantes. D'ailleurs, l'absence d'une détermination positive laisse les propriétés de cette nature dans un état d'incertitude contraire à tous les intérêts. Il est donc indispensable de prendre un parti. Celui que nous croyons le plus convenable serait de vendre à l'amiable, et sur estimation, à chacun des détenteurs des terrains usurpés, les parcelles dont ils sont en jouissance. Mais cette mesure de conciliation ne peut s'accomplir sans l'intervention des Chambres. Lié par les lois générales sur l'aliénation des domaines de l'Etat, le gouvernement ne peut faire aliéner ces biens qu'aux enchères publiques. Evidemment ce mode de vente, qui exposerait les détenteurs actuels à être dépossédés, ne remplirait pas le but qu'on doit se proposer, lequel est de maintenir les détenteurs dans leur possession actuelle, et non de les évincer. Il s'agit donc au fond de transactions, ou plutôt de concessions véritables. Mais, comme les terrains usurpés ne sont pas de la nature de ceux dont les lois existantes autorisent la concession, nous avons dû demander, par une loi spéciale, le pouvoir de traiter, avec chaque usurpateur, et de régler chaque affaire suivant les cas particuliers qu'elle peut présenter.

Nous vous proposons toutefois d'excepter du bénéfice de la loi, les terrains usurpés dans l'intérieur des forêts. Comme il importe de faire disparaître et de réunir au sol forestier des enclaves qui sont ordinairement l'occasion de fréquents délits, nous pensons que ces terrains ne doivent être l'objet d'aucune concession..

Le projet se borne à reconnaître, en principe, au gouvernement, la faculté de vendre sur estimation les terrains anciennement usurpés de quelque nature qu'ils soient. Toutes dispositions

de détail ont dû en en être écarté; il s'agit, en effet, de biens qui se trouvent dans des circonstances trop différentes pour qu'il soit possible d'insérer dans la loi les diverses conditions qui pourront être imposées. Le choix de ces conditions nous a paru devoir être laissé à l'Adminis tration qui peut seule apprécier la situation de chaque affaire, et qui, pour transiger avec avantage, a besoin d'une certaine liberté d'action.

En résumé, la loi que nous soumettons à vos délibérations aura pour effet de prévenir beaucoup de procès et le trouble qu'ils jetteraient dans de nombreuses familles pauvres, de consolider des possessions précaires, et en assurant à l'Etat une juste indemnité, de faire rentrer au Trésor, sans aucun frais, des sommes assez importantes.

Nous allons avoir l'honneur de vous donner lecture du projet de loi.

PROJET DE LOI.

« Article unique. Le gouvernement est autorisé à concéder, sur estimation contradictoire et aux conditions qu'il aura réglées, les terrains dont l'Etat n'est pas en possession et qu'il serait fondé à revendiquer comme ayant été usurpés sur les rives des forêts domaniales ou sur toute autre partie du domaine de l'Etat, antérieurement à la publication de la présente loi. »

3e COMMUNICATION.

PROJET DE LOI relatif à la vente, sur estimation, de maisons, bâtiments et terrains appartenant à l'Etat, et situés dans les communes de Lachalade, le Claon, Montblainville, Varennes et Vauquois (Meuse.)

M. Humann, ministre des finances. Messieurs, l'Etat possède dans les communes de Lachalade, le Claon, Montblainville, Varennes et Vauquois, département de la Meuse, des propriétés consistant en maisons, bâtiments et terrains, provenant de l'ancienne abbaye de Lachalade.

Ces biens se composent de 211 articles, dont 209 sont tenus à baux emphytéotiques qui expireront de 1855 à 1875, et qui produisent annuellement 669 fr. 34 c.

Les deux autres articles dont les baux sont expirés depuis plus de 20 ans produisent annuellement 4 fr. 25 c.

En 1823, l'administration des domaines provoqua la vente aux enchères publiques, conformément à la législation domaniale, de ces diverses propriétés, dont la mise à prix avait été fixée, savoir:

Pour les 209 premiers articles, à 14,420 fr. 69 c. d'après les tables de proportion annexées à la loi du 27 avril 1791;

Et pour les deux derniers, à 200 francs.

Mais il fut sursis à cette vente, sur les observations des autorités locales, qui signalèrent les inconvénients qu'elle devait entraîner, et sur les pressantes réclamations des détenteurs qui, depuis, n'ont cessé de demander la concession, sur estimation, des biens qu'ils détiennent.

Le conseil général du département de la Meuse a, dans sa séance du 21 juillet 1834, émis ! vœu que le gouvernement accordât ce bienla et la proposition qui vous est soumise, aujo d'hui, Messieurs, a pour but de le réaliser

Cette proposition tendant à remplac

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