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possède encore, et fait-elle passer l'immeuble aliéné franc et quitte de l'hypothèque légale? A l'égard du mari, la renonciation à l'hypothèque est indéfiniment prohibée. Cela résulte de la discussion au conseil d'état, que nous avons déjà citée, et des articles 2140,(2144 et 2145 du Code civil. Mais, à l'égard des tiers, cette question ne peut se résoudre que par des distinctions sur le régime sous lequel les époux sont mariés.

Qu'une femme mariée sous le régime dotal ne puisse pas renoncer à son hypothèque, ou la restreindre en garantissant le vente faite par son mari, ou en s'obligeant solidairement avec lui, c'est ce dont on ne saurait douter.

La renonciation à l'hypothèque, ou la cession expresse ou tacite que cette femme en a faite, est frappée de nullité, parce qu'elle constitue une aliénation du fonds dotal; car il est indifférent que cette femme aliène ses biens dotaux ou qu'elle consente à la privation de toute garantie. Dans l'un et l'autre cas, elle sacrifie des droits que la loi avait déclarés inaliénables.

C'est ainsi que la cour de cassation l'a jugé dans l'espèce suivante :

Les sieur et dame Pichot, mariés sous le régime dotal, avaient contracté des obligations pour la sûreté desquelles on avait hypothéqué une maison. De plus, la dame Pichot avait consenti la subrogation à l'hy pothèque qu'elle avait elle-même sur cette maison pour la conservation de ses biens dotaux. Cette maison ayant été ensuite expropriée, la dame Pichot se présenta à l'ordre, et prétendit devoir être colloquée au premier rang, nonobstant la subrogation par elle consentie.

Les autres créanciers résistèrent à cette prétention; mais, par jugement du tribunal de Versailles, elle fut complètement accueillie.

Ils appelèrent de cette décision, mais inutilement ils ne furent pas plus heureux devant la Cour de cassation, qui, en rejetant le pourvoi, s'expliqua ainsi :

« Attendu que le contrat de mariage de << Pichot et sa femme contient une consti« tution générale de dot de tous les biens

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Ainsi, nous le répétons. que la femme ne puisse pas, dans ce cas, renoncer à son hypothèque, ou consentir de priorité au profit du créancier de son mari envers lequel elle s'oblige, c'est indubitable; mais il n'en est pas de même lorsqu'elle est mariée sous le régime de la communauté: capable, sous ce régime, de contracter toute espèce d'obligations, même d'aliéner ses immeubles, comment ne pourrait-elle pas céder son hypothèque ou consentir seulement une priorité de rang envers le créancier qui contracte avec elle?

L'obligation solidaire que souscrit la femme, soit de garantir la vente d'un immeuble appartenant à son mari, soit de payer une somme d'argent, ou de livrer tout autre objet, est une obligation valable. Dès que cette femme est autorisée par son mari, elle s'oblige à pourvoir à son exécution, de même que si elle l'avait contractée avant son mariage; seulement elle a une indemnité à exercer contre son mari.

Tel est le vœu de l'article 1431, qui porte: «La femme qui s'oblige solidaire<«<ment avec son mari, pour les affaires « de la communauté ou du mari, n'est ré« putée, à l'égard de celui-ci, s'être obli«gée que comme caution; elle doit être « indemnisée de l'obligation qu'elle a con

<< tractée. »>

Ainsi, à l'égard du tiers, à l'égard de l'acquéreur, par exemple, la femme est directement obligée; elle doit lui garantir l'immeuble vendu par son mari, de même que si c'était elle qui l'eût aliéné. Elle ne pourra donc pas venir le troubler, ni exercer contre cet immeuble l'hypothèque légale qu'elle avait eu d'abord, parce qu'on ne peut pas évincer celui qu'on est tenu

de garantir. Si donc elle agissait contre l'acquéreur, celui-ci la repousserait toujours par cette règle : Quem de evictione tenet actio, eumdem agentem repellit exceptio.

Il en serait de même à l'égard du créancier envers lequel elle se serait solidairement obligée avec son mari. L'obligation serait tout aussi rigoureuse de sa part que de celle de son mari, puisqu'elle est solidaire. Le créancier ne pourrait donc trouver aucun obstacle de la part de la femme, ou, s'il venait à en rencontrer, il le lèverait nécessairement en lui opposant qu'elle peut d'autant moins mettre obstacle au paiement, qu'elle est elle-même obligée à le faire faire.

Telle est, au surplus, l'opinion du savant magistrat qui a fourni l'article inséré au Répertoire de Jurisprudence, sous le mot Transcription, § 5, no 5; et celle qu'a

sanctionnée la Cour de cassation dans l'espèce suivante.

La dame Morisson avait pris inscription sur le domaine d'Écoulandre, appartenant à son mari quelque temps après, ce dernier avait vendu la moitié de ce domaine conjointement avec sa femme, laquelle s'était obligée solidairement à garantir l'acquéreur. De plus, elle avait consenti en faveur de celui-ci à la main levée pure et simple de son inscription, en tant qu'elle frappait sur le domaine compris dans la vente.

Lorsqu'il fut question d'effectuer la radiation, le conservateur de Fontenay, à qui l'on s'adressa, prétendit que la femme n'avait pas pu renoncer à son hypothèque.

Sur son refus de rayer, il fut assigné successivement devant le tribunal de première instance de Fontenay et devant la Cour de Poitiers; mais partout on jugea que son refus était d'autant plus légitime, que la dame Morisson n'avait pas eu la capacité de renoncer au bénéfice de son inscription.

L'acquéreur ne dénonça pas ces décisions à la Cour de cassation. M. le procureur général s'étant aperçu de la contradiction et de l'incertitude qu'elles jetaient dans les principes, se détermina à se pour

voir d'office. Sa réclamation fut plus heureuse que celle de l'acquéreur; et les vrais principes, exposés toujours d'une manière si lumineuse par ce magistrat, ne pouvaient manquer de triompher.

Aussi, par arrêt en date du 12 février 1811, l'arrêt fut solennellement cassé. Voici le dispositif de l'arrêt de cassation :

« Attendu, 1o que les articles 2144 << et 2145 ne peuvent et ne doivent être <<< entendus que dans le sens où la femme << mariée ne demanderait la radiation de « l'inscription par elle prise sur les biens << de son mari, que dans l'intérêt de celui-ci, et dans la vue seule de dégager « et d'affranchir ses biens de l'hypothèque « dont ils étaient grevés pour la sûreté de «sa dot et de ses reprises matrimoniales; << mais qu'ils sont inapplicables au cas où

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la femme s'est obligée personnellement « et solidairement avec lui, parce qu'alors << rien n'empêche qu'elle ne s'engage valablement, à l'égard d'un tiers qui a «< contracté avec elle de bonne foi, à faire «rayer l'inscription par elle prise sur les propriétés immobilières de son mari, «< cette radiation n'étant que la suite et la « conséquence nécessaire de la garantie à << laquelle elle s'est soumise; attendu, « 2o que dans le fait il s'agissait d'un do«< maine acquis, d'abord pendant la com« munauté des sieur et dame Morisson, << sur lequel cette dernière avait pris une inscription hypothécaire pour la sûreté <« de sa dot; domaine ensuite revendu par «eux conjointement et solidairement;d'où « il suit que la dame Morisson, en con«sentant elle-même à la radiation de ladite « inscription, ne faisait que remplir, à « l'égard de son acquéreur, les obligations qu'elle avait personnellement et vala«blement contractées avec lui; de tout « quoi il résulte qu'en refusant de l'ad<< mettre à la dite radiation, la Cour d'appel << de Poitiers a fait une fausse application « des articles 2144 et 2145 du Code civil, «<et qu'en même temps elle est contre<< venue aux articles 217, 1123 et 1431. « La cour casse. »

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Après une décision aussi positive il serait surabondant d'ajouter que l'opinion 24 bis.

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que nous venons d'établir avait été précédemment adoptée par M. le directeur général de l'administration des droits réunis, et ensuite par Son Exc. le Grand Juge. Nous nous contenterons de rapporter quelques expressions de la circulaire adressée par Son Exc. aux procureurs généraux. « L'inscription d'office aurait le «< même résultat, toutes les fois que la « femme s'est obligée solidairement avec << son mari dans les termes de la loi. «Tenue, comme tout autre, des obligations qu'elle a valablement contractées, et, par conséquent, obligée, comme venderesse solidaire, de garantir l'acquéreur de toute « éviction qui pourrait être provoquée « contre lui par des tiers, n'impliquerait-il « pas contradiction qu'on pût prendre en « son nom des inscriptions qui tendissent « à inquiéter et même à dépouiller cet ac« quéreur? » Oui, une telle faculté impliquerait contradiction, elle renverserait tous les principes du droit, elle permettrait à la femme de se jouer impunément de ses engagemens; ce qu'une bonne législation ne peut tolérer.

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Ainsi, non-seulement la femme peut céder son hypothèque à un tiers ou en consentir la radiation en sa faveur; mais en figurant au contrat de vente que le mari fait de ses propres à lui, ou en vendant conjointement avec lui, ou seulement en garantissant l'exécution du contrat, elle est censée renoncer à son hypothèque, et consentir que le bien passe entre les mains de l'acquéreur, exempt de son hypothèque légale '.

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que le tuteur demandait la réduction, il avait toujours deux contradicteurs, le subrogé-tuteur et le procureur du roi; mais que le mari n'en avait qu'un, le procureur du roi.

II. Notre article ne s'explique point sur le tribunal devant lequel doivent être portées les demandes en réduction que formeront les maris et les tuteurs; cependant c'est un point bien essentiel à connaître, et que pour cela nous devons examiner.

D'un côté, il semblerait que la demande en réduction, formée par les maris et tuteurs,étant une demande ordinaire, devrait être portée devant le tribunal dans le ressort duquel l'inscription a été faite.

Néanmoins, en y réfléchissant on s'aperçoit que cette décision serait trop onéreuse aux maris et tuteurs, puisqu'elle les obligerait à former autant de demandes qu'ils auraient d'immeubles situés dans divers arrondissemens; que d'un autre côté, il pourrait arriver que les demandes des maris et tuteurs admises devant un tribunal, fussent rejetées devant un autre ; ce qui ne laisserait pas de produire un fort mauvais effet.

Aussi l'article 2159 paraît-il établir que, lorsque la réduction des inscriptions a pour objet des créances éventuelles ou indéterminées, elle doit être portée ou renvoyée devant le tribunal devant lequel le créancier et le débiteur doivent être jugés pour les contestations principales. Or les juges naturels des contestations qui surviennent entre le mari et la femme, le tuteur et son pupille, sur la liquidation des droits de la femme et des mineurs, sont ceux composant le tribunal dans l'arrondissement duquel est le domicile du mari ou du tuteur. Ainsi, il nous paraît que, quoique les demandes des maris et tuleurs aient pour abjet de faire réduire l'hypothèque qui grève des immeubles situés dans divers arrondissemens, elles doivent être portées devant le tribunal du domicile du mari ou du tuteur.

CHAPITRE IV.

Du mode de l'inscription des priviléges et hypothèques.

pu connaître la faillite. En renouvelant donc la maxime qu'on ne peut acquérir privilége ni hypothèque sur les biens du failli dans les dix jours qui précèdent l'ou

ART. 2146. Les inscriptions se font au bureau de conservation des hypothèques dans l'arrondissement duquel sont situés les biens soumis au privilége ou à l'hypothèque. Elles ne produisent aucun effet, si elles sont prises dans le délai pendant lequel les actes faits avant l'ouverture de la faillite, ni conserver ou rendre

verture des faillites sont déclarés nuls.

Il en est de même entre les créanciers d'une suc

cession, si l'inscription n'a été faite par l'un d'eux que depuis l'ouverture, dans le cas où la succession n'est acceptée que par bénéfice

d'inventaire.

I. SUIVANT l'art. 2 de la loi du 21 ventose an 7, il y a un bureau de conservation des hypothèques dans chaque arrondissement de tribunal de première instance. Il est placé dans la commune où siége le tribunal. C'est là que se font les inscriptions qui doivent rendre publics les hypothèques et les priviléges, sans lesquelles nous avons déjà dit qu'ils n'avaient ni rang ni effet. Mais comme ces inscriptions ne peuvent pas toujours être utilement requises, nous allons parcourir les diverses positions dans lesquelles peut se trouver le créancier. Nous parlerons d'abord de la faillite du débiteur, de son décès, et ensuite de l'effet que produit l'aliénation de ses biens sur le droit de prendre inscrip

tion.

II. Lorsqu'un débiteur a fait faillite, la masse de ses biens est irrévocablement fixée, et les droits de ses créanciers définitivement arrêtés. Permettre, après cet événement, d'acquérir ou de conserver de nouvelles causes de préférence, ce se rait les faire dépendre du hasard, et donner aux créanciers plus actifs, et qui se trouveraient sur les lieux, un grand avantage sur ceux qui seraient éloignés du domicile de leur débiteur, et qui n'auraient

publics ceux qu'on avait déjà, le Code civil, et ensuite le Code de commerce, n'ont fait que consacrer ce que la raison seule enseignait.

Ainsi, non seulement le créancier qui, sans la faillite, aurait eu une hypothèque conventionnelle, ne pourrait ni la rendre publique, ni la faire valoir en aucune facon; mais la femme qui se sera mariée à un négociant failli, ou dans les dix jours de sa faillite; le mineur à qui l'on aura donné le même individu pour tuteur, ne pourront prétendre à aucune préférence. C'est la décision des art. 2146 du Code civil et 443 du Code de commerce.

III. Mais ces principes, bien clairs et bien précis pour l'hypothèque, le sont-ils également à l'égard des priviléges? C'est ici que commencent les difficultés.

:

On admet principalement deux sortes de priviléges les uns qui frappent sur les meubles, les autres sur les immeubles. A ne suivre que les termes de l'art. 443, la défense d'acquérir des priviléges dans les dix jours qui précèdent la faillite, porte tout à la fois sur les uns et sur les autres; en sorte qu'il semblerait qu'on ne pût acquérir de préférence sur les meubles postérieurement à l'époque où l'on fait remonter les effets de la faillite.

Mais nous ne pensons pas que ce soit la bonne manière d'entendre l'art. 443. Les meubles et les droits qu'on peut y acquérir se régissent par d'autres principes; et il suffit que le créancier ait la possession

de la chose mobilière, pour qu'on ne puisse lui contester ou le privilége ou le droit de propriété, suivant qu'il aurait acquis l'un ou l'autre.

C'est ce qu'il faut induire de l'art. 444 du même Code, lequel, voulant marquer l'incapacité du failli, déclare que tous actes translatifs de propriété immobilière, faits par lui dans les dix jours qui précèdent la faillite, seront nuls ou seulement susceptibles d'être annulés, suivant qu'ils seront à titre gratuit ou onéreux.

Comme on le voit, cet article ne touche en rien à la capacité du failli à l'égard des meubles; il la laisse sous l'empire des règles ordinaires, et il n'y apporte aucune modification. Ainsi l'aliénation des meu bles, faite par le failli dans les dix jours qui précèdent la faillite, ne pourrait être annulée à l'égard des tiers qu'autant qu'il y aurait fraude de leur part. Il doit donc, à plus forte raison, en être de même des priviléges accordés pendant le même délai, puisque cette concession est infiniment moindre que celle qui résulte d'une aliénation.

Et comment, en effet, le décider autrement sans paralyser toutes les opérations commerciales, et sans éteindre la confiance, qui est l'âme du commerce?

par

Un négociant prête vingt mille francs, à grosse aventure, pour les réparations d'un navire appartenant à un armateur, qui dans les dix jours fait faillite; parce qu'il aura traité avec un homme dont, son éloignement, il ne pouvait connaitre la position, lui refusera-t-on le privilége que lui accorde l'art. 191 du Code de comm.? Un banquier accepte des lettres de change tirées par un tiers. Pour se rédimer du paiement de ces traites, auquel il se soumet par l'acceptation, on dépose entre ses mains des effets souscrits au profit du tireur. Faudra-t-il le priver du privilége qu'il espérait naturellement avoir sur ces effets, par cela seul que le tireur aura fait faillite dans les dix jours?

Certes, ce serait donner à la loi un sens trop rigoureux, et renverser toutes les idées libérales qui soutiennent le com

merce.

Tout cela prouve donc que l'art. 443, en interdisant tout privilége sur les biens du failli, n'a entendu parler que de ceux qu'on pourrait acquérir sur les immeubles. En cela je dois convenir que je professe une opinion différente de celle que j'avais d'abord énoncée dans la première édition de cet ouvrage; mais, en y réfléchissant, j'ai cru devoir me rendre à la force des raisonnemens que je viens de rappeler.

IV. A l'égard du privilége qui peut atteindre les immeubles, il y a encore de bien grandes distinctions à faire. Nous devons même avouer que si nous les considérons séparément, nous sommes tenté, sinon de rejeter le principe des articles 443 et 2146 en ce qui les concerne, du moins de le modifier beaucoup. Et, par exemple, comment supposer que celui qui, dans les dix jours qui précèdent la faillite, a vendu son immeuble au failli, ou qui, en lui prêtant les fonds, s'est légalement fait subroger dans les droits du vendeur, n'aura pas de privilége? Il est de règle constante que dans ce cas le vendeur et le bailleur de fonds, qui est toujours sur le même rang, ne sont dépouillés que par le paiement; que ce n'est qu'en acquittant le prix de la vente, soit au vendeur lui-même, soit à celui qui lui est subrogé, que les créanciers personnels peuvent acquérir des droits sur l'immeuble. Jusque là l'acquéreur n'est propriétaire que sous la condition de payer l'universalité du prix.

V. Il en est de même lorsque la vente a été faite long-temps avant la faillite, mais que le vendeur n'a requis la transcription que dans les dix jours qui l'ont précédée. La loi, en imposant au vendeur et préteur la nécessité de faire transcrire, n'a fixé aucun délai, et leur a laissé, par conséquent, la faculté d'accomplir cette formalité jusqu'à l'adjudication, et quinzaine après. En outre, on peut appliquer les principes que nous rappelions tout à l'heure, puisque, suivant l'article 1604, le vendeur à qui on n'a pas payé le prix peut demander la résolution du contrat, et rentrer par là dans la possession de l'objet vendu.

VI. Les mêmes principes s'appliquent

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