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l'épaule, qu'il supporta avec un courage héroïque; il continua même à donner des ordres pour les opérations du siége jusqu'au moment où la douleur le fit évanouir. Cet officier supérieur, l'un des plus distingués de son arme, ne survécut pas à sa blessure. Le 10, le capitaine Besse fut tué dans une batterie. A partir de ce moment, les deux premières batteries reçurent le nom de batteries Petit et de batterie Besse.

Comme on le voit, les officiers avaient le plus souffert, proportion gardée, car les fantassins arabes des oasis, qui avaient presque tous été portefaix à Alger, où on les désigne sous le nom de biskris, connaissaient parfaitement l'importance de l'épaulette et visaient à abattre les officiers français. Les Arabes avaient de bonnes munitions et le courage du désespoir; il fallait leur disputer la position pied à pied. On en tuait beaucoup, mais le lendemain ils reparaissaient plus nombreux. Les soldats brûlaient leurs cadavres, pour éviter les miasmes qui menaçaient d'infecter l'air. La mortalité était grande aussi dans nos rangs; beaucoup d'hommes succombaient à la dyssenterie, produite par la grande quantité de dattes qu'ils mangeaient et qui n'étaient pas arrivées à une maturité suffisante. D'ailleurs, les fatigues du siége étaient accablantes: la longue résistance des Arabes n'avait pas été prévue, et les corps expéditionnaires faisaient tour-à-tour quarante-huit heures de tranchée, sous le commandement de M. Carbuccia. Cet état de choses dura jusqu'à l'arrivée d'un renfort composé du 1er régiment de zouaves, d'un bataillon du 38° de ligne, de deux pe

lotons de chasseurs et d'un peloton de spahis, qui fut dirigé de Sétif sur Zaatcha, où il arriva vers le 12, sous le commandement du colonel de Barral. Dès lors, les soldats ne restèrent plus que vingt-quatre heures à la tranchée. On travaillait jour et nuit à couper des pieds de palmier, à remplir des sacs de terre, à saper, à abattre des murs et à en relever d'autres. Il y avait trois sapes, dont deux au fossé qui entourait la maison crénelée avaient plus de quatre mètres de large. Mais l'opération la plus importante était sans contredit la coupe des palmiers, non-seulement parce qu'elle était nécessaire pour laisser le champ libre aux mouvements militaires, mais encore parce qu'en détruisant les ressources agricoles des révoltés elle les atteignait dans leurs intérêts matériels et pouvait ainsi hâter leur soumission.

Dans la matinée du 25 octobre le colonel Carbuccia. qui remplissait les fonctions de général de tranchée, confia au commandant Pierre Bonaparte la mission de procéder à une grande destruction de palmiers à la tête de 400 hommes, dont 200 de la légion étrangère et 200 du 3 bataillon des chasseurs d'Afrique. Depuis quinze jours, en effet, le fils de Lucien avait été envoyé à l'armée d'Afrique dans un emploi de son grade, mais à titre de mission temporaire seulement, sa qualité de représentant du peuple ne lui permettant de remplir aucun emploi permanent.

Le commandant Bonaparte se porta, à huit heures, vers la position qui lui avait été indiquée par le général Herbillon, commandant en chef. Il occupa sur-le

champ un mur faiblement crénelé par les Arabes et les tint en respect, tandis que nos travailleurs abattaient avec activité un grand nombre de palmiers. Les Ara. bes finirent cependant par se concentrer au saillant formé par le mur avec le reste de notre ligne, qui s'étendait jusqu'à la plaine. Le commandant Bonaparte avait à plusieurs reprises chargé le capitaine Bulet, du 3o d'infanterie légère, de l'observation de ce point important, et ce brave officier en avait répondu lorsqu'il fut atteint d'un coup de feu. Les Arabes se jetèrent sur le mur et l'assaillirent avec une grêle de pierres. Frappé d'un énorme pavé dans la poitrine, le commandant Bonaparte ne quitta pas son poste et tua de sa main deux chefs arabes au plus fort de la mêlée, aux applaudissements de la ligne des tirailleurs 1. Peu d'instants après, il avertit le colonel Carbuccia des difficultés qu'il éprouvait à continuer son opération. Celuici partit aussitôt de la tranchée avec une troupe de soutien, et après avoir reçu le rapport verbal de M. Pierre Bonaparte, il fit demander au général Herbillon un bataillon de renfort. Ces divers mouvements s'effectuèrent avec une grande promptitude, l'abatage des palmiers continua sans obstacle, et nos troupes ne se retirèrent que lorsque les Arabes eurent abandonné leur position pour rentrer à Lichana.

Pendant ce temps la sape de droite, gardée dans la tranchée par une compagnie de voltigeurs du 38o, avait été vivement assaillie par un nouveau contingent

1 Rapport de M. le colonel Carbuccia, 25 octobre 1849.

arrivé dans Zaatcha à l'heure même du combat. Les voltigeurs attendirent les Arabes à bout portant, et les culbutèrent par une décharge meurtrière qui détermina leur fuite.

A part ces brillants faits d'armes, le siége de Zaatcha languissait, à cause de l'insuffisance numérique des troupes placées sous les ordres du général Herbillon. On attendait depuis quelque temps déjà des forces supplémentaires qui permissent d'agir avec vigueur et d'en finir d'un seul coup. Le colonel Canrobert et le colonel Daumas avaient dû partir, l'un d'Aumale et l'autre de Blidah, faire leur jonction à Bouzada et rallier ensuite le corps d'armée du commandant en chef. Mais on n'en avait point de nouvelles. Le général décida qu'on ne donnerait plus d'assaut et qu'on attendrait les renforts pour investir la place et la réduire par le feu de l'artillerie, et il dépêcha le commandant Bonaparte vers le gouverneur-général pour presser l'arrivée des troupes. Le commandant rencontra les renforts en route, et au lieu de revenir avec eux à Zaatcha il s'embarqua à Philippeville et fit voile pour la France. Cette conduite inexplicable de la part d'un officier dont la bravoure était connue lui valut sur-le-champ sa destitution, mesure rigoureuse, mais indispensable, que l'Assemblée Législative approuva',

« Le général Herbillon, dit le ministre de la guerre «M. Pierre Bonaparte dans la séance du 23, vous a donné <«<l'ordre de vous rendre près du gouverneur-général pour lui « demander des renforts. Cet ordre vous couvre heureuse<<ment, car s'il ne vous couvrait pas, savez-vous ce que j'au<rais fait? Je vous aurais fait arrêter à votre arrivée à Paris,

Cependant deux engagements de quelque importance avaient encore eu lieu les 30 et 31 octobre devant les murs de Zaatcha. Le premier jour, la reconnaissance de cavalerie qui éclairait l'intervalle entre l'oasis de Tolga et celle de Falfar fut attaquée par une force de cavalerie très-supérieure, et de nombreux fantassins se montraient au pourtour des oasis. Le général Herbillon fit immédiatement monter la cavalerie à cheval, et la plaine entre les deux oasis fut rapidement balayée par de vigoureuses charges du 3 chasseurs et du 3 de spahis. Leur retraite ayant été suivie, une seconde charge, aussi vive que la première, fit encore mordre la poussière aux plus audacieux. Le lendemain, le général étant retourné sur le même terrain avec sa cavalerie, appuyée par deux obusiers de montagnes et trois compagnies d'infanterie pour reconnaître l'ennemi, le combat s'engagea de la même manière. Une masse de cavaliers et de fantassins sortit de toutes les oasis. Les deux cents chevaux de chasseurs et de spahis de la colonne fournirent successivement de brillantes charges, se mêlèrent et renversèrent une grande partie des chefs. L'artillerie fit éprouver de nombreuses pertes à l'ennemi.

A la suite de ces affaires, une conférence eut lieu entre le Scherik-el-Arab et l'un des chefs des nomades révoltés qui avaient combattu; mais on ne put s'entendre.

<< et je vous aurais fait reconduire à Constantine où vous « eussiez été mis à la disposition de la justice militaire. » (Très-bien! très-bien!) (Moniteur.)

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