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XVII.

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tiques de ces derniers temps, qui avoient rompu avec le Saint-Siége, en avoient pris occafion d'accufer l'Eglife d'être tombée dans le Pélagianifme. Il repréfente enfuite en peu de mots, mais avec beaucoup de justesse & de précifion, les excès des Luthériens & des Calviniftes par rapport à la doctrine de la Grace. Il ajoûte que plufieurs Ecrivains Catholiques, fous prétexte de les combattre plus efficacement, étoient tombés dans l'excès oppofé: que c'eft ce qui avoit engagé d'autres Théologiens à relever ces écarts, & à accufer ces mauvais Controverfistes, d'introduire des opinions qui tendoient à faire revivre fur la fin des fiécles le Pélagianifme & le Sémipélagianifme tant de fois condamné. De-là, dit l'Archevêque d'Armach, fe font élevées les difputes qui ont été fouffertes dans l'Eglife, de même que ces nouvelles opinions, fans que la plupart des hommes fassent attention à la durée & à la continuation d'un tel défordre. Cependant ces nouveautés font du progrès avec le temps, & peu-à-peu on les propofe avec plus de clarté & de hardieffe. C'eft ainfi que ce favant Prélat parle des troubles excités en Flandre à l'occafion de Leffius, & en Espagne à l'occafion de Molina.

Il parle enfuite de tout ce qu'avoit fait Raifons Clément VIII pour terminer ces difputes, & que cet Ar- dit que la mort l'avoit empêché d'exécuter chevêque fes bons deffeins. Il nous apprend une partipropofe cularité remarquable; c'eft que les Cardipour enga- naux, dans le Conclave qui fe tint ger le Pape à donner lection d'un nouveau Pape, réglerent que une promp- celui qui feroit élu, travailleroit sérieusete décifion. ment à terminer l'affaire par une prompte

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l'é

décifion. Ils comprenoient, dit cet Archevêque, que des queftions de cette importance ne pouvoient pas demeurer indécifes, fans que l'Eglife de Dieu en fouffrît un grand préjudice. Pierre Lombard propofe des raisons évidentes, pour montrer la néceffité de prononcer une décifion. Il en allégue cinq, dont la premiere eft tirée de la nature des dogmes qui font le fujet de la difpute. Ils appartiennent à la Foi Catholique, & cela de l'aveu des deux partis, qui en conviennent dans leurs Ecrits. Chaque parti de fon côté penfe, enfeigne, écrit que le dogme auquel il s'attache, eft certain, & que tout le monde doit s'y attacher. Un parti accufe l'autre de foutenir des erreurs condamnées dans les Pélagiens & les Sémi-pélagiens. L'autre à fon tour accufe celui-ci de favorifer les fentimens des Calviniftes fur le Libre Arbitre. Il faut le rappeller que les Jéfuites avoient eu recours à ce ftratagême, pour donner le change, & devenir accufateurs. Ils n'étoient pourtant point encore alors affez hardis, pour foutenir ce personnage d'une maniere uniforme. Souvent ils difoient qu'il ne s'agiffoit point de la Foi ; & de temps en temps ils propofoient au Pape de permettre aux deux partis de foutenir leur fentiment avec toute liberté. L'Archevêque d'Armach les pouffa vivement dans ce retranchement. C'eft, dit-il, une marque qu'ils fe défient de la bonté de leur cause. C'étoit-là autrefois la reffource des Pélagiens, qui prétendoient auffi, quand leur intérêt le demandoit, qu'il ne s'agiffoit pas de la Foi dans les difputes qu'ils avoient avec ceux qui leur réfiftoient. Ce grand homme continuant fes réflexions,

ajoûte deux chofes de la derniere importan ce. Entre toutes les queftions agitées, il en choifit une, qui confifte à favoir quelle eft la fource & l'origine des mouvemens de la bonne volonté de l'homme. Il obferve que cette question étoit, dans la difpute entre les Dominicains & les Jéfaites, à la tête de toutes les autres, & qu'elle y avoit été de même dans la difpute que les défenfeurs de la vérité avoient foutenue contre les Pélagiens & les Sémi-pélagiens. Il en conclud que fi elle avoit appartenu à la Foi, elle y appartenoit encore. La feconde chofe importante que Pierre Lombard remarque, c'eft que les Jéfuites avoient grand tort de dire que ces questions n'appartenoient point à la Foi. Rien n'étoit plus miférable qu'une telle reffource. Par-là, dit-il, on ajoûte une nouvelle erreur à la premiere, en niant que ce qui appartient à la Foi, y appartienne véritablement. En effet, dit-il, c'eft une nouvelle queftion, qui n'eft pas moins de la compétence du tribunal qui juge les questions de la Foi, que la premiere. Il y avoit donc deux queftions très-diftinctes, fur lefquelles les Fidéles avoient droit d'attendre un jugement. La premiere, fi la doctrine de Molina & des Jéfuites étoit vraie ou fauffe. La feconde, fi la queftion apparte noit à la Foi. L'Archevêque d'Armach fentoit l'étrange inconvénient qu'il y avoit à ne terminer ni l'une ni l'autre queftion, & à laiffer les Fidéles flottans par rapport à des chofes fi importantes. La feconde raifon de Pierre Lombard eft tirée des autres dogmes qui font liés avec ce qui fait l'objet de la difpute. Ces queftions, dit-il, font fi dépendantes de toutes les parties de la Théologie, qu'il n'est

pas poffible que toute la Religion n'y foit intéreffée. En effet de-là dépend ce que l'on doit dire & penfer de la fcience, de la volonté, de la puiffance de Dieu, de la Providence, de la Prédeftination, de la Grace, de la Perfévérance, de la Foi, de l'Espérance, de la Charité & des autres vertus ; du Libre Arbitre, du mérite & du démérite, fpécialement du péché originel, de la Loi, des défenfes, des préceptes, des récompenfes, des châtimens, de la pénitence, & de tout l'ouvrage de la Juftification. On ne pouvoit rien dire de plus fort & de plus lumineux, pour convaincre le Pape de la néceffité qu'il y avoit de prononcer un jugement définitif. L'Archevêque d'Armach la croïoit fi preffante, qu'il foutenoit qu'on ne pouvoit pas même différer la décifion, pendant le temps qui auroit été néceffaire pour affembler un Concile général. C'eft ce qui fait qu'il vouloit que le Pape parlât fans attendre un Concile œcuménique, & il s'appuïoit en cela fur l'autorité & les principes de S. Auguftin.

Sa troifiéme raifon eft prife du caractere des perfonnes qui difputoient, les Dominicains & les Jéfuites. Il étoit à craindre que ceux qui erroient, ne s'attachaffent de plus en plus à l'erreur. La quatrième raison, c'eft que ces difputes s'étoient répandues dans toute l'Eglife, & que les divifions qu'elles caufoient, faifoient chaque jour de nouveaux progrès. Enfin une cinquiéme raison est tirée du fcandale que ces conteftations donnoient aux héretiques, qui en prenoient occafion de triompher. Jufques-là les Catholiques leur avoient reproché la divifion qui étoit entr'eux fur les points de doctrine les plus im

portans. Mais alors ils faifoient aux Catholiques le même reproche. Ils difoient auffi que detelles longueurs pour former une décision, montroient l'impuiffance où l'Eglife Romaine fe voïoit à la fin des fiécles de découvrir la vérité, comme s'il ne s'y trouvoit plus de Sage pour donner confeil. L'Archevêque d'Armach répond enfuite à quelques difficultés, & combat ceux qui, en convenant que la décision étoit néceffaire, prétendoient qu'il falloit la renvoïer à un Concile. L'erreur qu'il s'agit de condamner, dit-il, eft fi vifible, qu'on peut répéter ce que S. Auguftin difoit dans une caufe qui étoit la même, c'est-à-dire dans l'affaire du Pélagianifme. Etoit-il néceffaire d'affembler un Concile, pour condamner une erreur aussi éviLib. 4. ad demment pernicieuse? Aut verò congregatioBonif. Cap. nis Synodi opus erat, ut aperta pernicies damnaretur? D'ailleurs dans l'affaire préfente, il ne s'agit pas proprement de définir, mais de renouveller & d'expliquer d'anciennes Définitions. Enfin ce grand homme termine fon Mémoire, en donnant quelques regles qu'il juge néceffaires, pour dreffer une Décifion utile à l'Eglife. Elles fe réduisent, 1o. A fuivre exactement la doctrine de S. Auguf tin, qui, comme l'avoit dit Clement VIII dans la premiere Congregation, eft l'héritage que le Pape a reçu de fes Peres, & qu'il doit tranfmettre avec grand foin à fes fucceffeurs dans toute fon intégrité. 2o. A rejetter les mauvaises explications que de nouveaux Auteurs donnent à S. Auguftin, par lefquelles ils lui imputent des fentimens qu'ils ont puifé ailleurs que dans fes Ouvrages; mais qu'ils voudroient autorifer d'un

12.

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