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Ravaillac tint ferme à ne pas accufer les Cont. de gens de bien, comme l'y avoit exhorté le P. Méz. pag, Cotton Jefuite, qui eut la liberté de lui par- 91. ler dans fa prifon. Mais ce que fit le Parlement le jour même de fon fupplice, marque affez d'où partoit le coup qui ôta fucceffivevement la vie à deux Rois. Il ordonna par un Arrêt que la Faculté de Théologie s'affembleroit au premier jour, pour renouveller la cenfure d'une propofition déja condamnée par le Concile de Conftance, mais que les Jefuites s'efforçoient d'accréditer de nouveau par leurs Ecrits. Cette propofition étoit qu'un vaffal ou un fujet peut & doit même en confcience tuer un Tyran, quel qu'il foit, & l'attaquer par toute forte de voies; & que cette action n'eft point contraire au ferment de fidélité que les vaffaux & les fujets font à leur Souverain. Les Ligueurs avoient fouvent prêché cette doctrine. Elle s'imprima fi profondément dans l'efprit de Ravaillac, qu'il crut rendre fervice à Dieu en la mettant en pratique. C'eft ce qui portoit le Parlement à travailler à la faire condamner, & à en infpirer une jufte horreur.

VII.

XIV.

Sacre de Louis XIII.

Le jeune Roi Louis XIII, qui étoit dans fa dixième année, fut facré à Rheims le 17 d'Octobre. Dès l'année fuivante 1611, on ne vit à la Cour que brouilleries & contefta- Plaidoier de la Martions entre les Seigneurs. Cette même année teliere pour eft remarquable par l'Arrêt que le Parlement l'Univerfité rendit en faveur de l'Univerfité contre les Jefuites, qui vouloient obtenir le droit d'inf- Jefuites. truire la Jeuneffe. La Marteliere, célebre Avocat, prononça contr'eux un plaidoïer

contre les

que

qui fit beaucoup de bruit, & qui fut univer fellement applaudi. Nous en donnerons ici un affez long extrait, dont un Lecteur attentif ne manquera pas de fentir l'importance. Il dit qu'après la mort d'Henri IV, ces Peres ne fongerent qu'à profiter du malheur commun de la France, pour établir leur autorité, & cette domination qui a toujours été l'objet de leurs defirs. Il fait fentir que c'étoit pour parvenir à ce but, qu'ils avoient tant à cœur l'éducation de la Jeuneffe leur fût confiée. Il admire la facilité ou plutôt l'imprudence des François, qui aïant tant de moïens pour bien connoître les Jefuites, prennent fi peu de précautions contre eux. Jamais, dit-il, il n'y aura de repos parmi nous, tant que nous ferons environnés de ces ennemis d'un nouveau genre. Ni nous-mêmes, ni nos enfans, ni nos Rois ne ferons en sûreté. Dès leur naiffance, on fit en ce même lieu où je parle les plus triftes prédictions fur le deffein qu'ils avoient de vouloir renverser les Loix divines & humaines. C'étoient les plus grands perfonnages, & dont la mémoire nous fera à jamais vénerable, qui nous annonçoient tous ces malheurs. Ces prédictions n'ont été que trop exactement juftifiées par les évenemens. Pendant trente ans les Jefuites n'ont ceffé de porter dans toute la France le flambeau de la difcorde, & d'y allumer un feu qui fembloit ne devoir jamais s'éteindre. Ce font eux qui ont fait perdre à tant de François la fidelité qu'ils devoient à leur

Roi.

Maintenant ils ne fongent qu'à augmenter le nombre de leurs citadelles. Ils élevent à grand frais ce vafte édifice de leur Noviciat

fouveraineté de la République de Hollande. Il fit en 1610 de grands préparatifs de guerre pour quelque deffein extraordinaire qu'on n'a jamais bien pénétré, & qui a donné lieu à bien des conjectures. Avant que de fe mettre en campagne, il fit couronner la Reine à S. Denis le 13 Mai par le Cardinal de Joïeufe. Elle devoit faire fon entrée dans Paris le 15: on faifoit dreffer des portiques, des arcs de triomphe, des infcriptions & des échaffauts dans les rues par où elle devoit paffer; & on préparoit un fuperbe feftin dans le Palais; ce qui avoit obligé le Parlement à s'affembler aux Auguftins.

XI.

Le 14, qui étoit un Vendredi, un monftre exécrable nommé François Ravaillac né à Le Roi eft Angoulême, âgé d'environ trente-deux ans, affaffiné. exécuta le deffein qu'il avoit conçu d'affaffi- Circonftanner le Roi. « Dès fa premiere jeuneffe, dit ces de ce un crime. Hiftorien, les chaleurs de la ligue, les libelles & les fermons de fes Prédicateurs lui Mézerai, avoient imprimé dans l'efprit une très-gran- T. VII.pag. de averfion pour le Roi avec cette croïance; 616&fuiv. qu'on peut tuer ceux qui mettent la Religion Catholique en danger, ou qui font la guerre au Pape..... Ceux qui avoient prémédité de fe défaire du Roi, trouvant cet inftrument propre pour exécuter leur deffein, furent bien le confirmer dans ces fentimens. . . . Ils lui faifoient fournir quelque argent de fois à autre...... Ils le firent venir d'Angoulême à Paris deux ou trois fois. Enfin ils le conduifirent fi bien à leur gré, qu'ils accomplirent

par fa main facrilége la détestable réfolution de leur cœur. Le Roi alla un peu avant quatre heures du foir à l'Arsenal fans fes gardes, pour conférer avec le Duc de Sulli, Hy

Ibid.

Pendant qu'il lifoit une lettre, un embarras
de quelques charettes arrêta fon caroffe au
milieu de la rue de la Feronnerie qui étoit
alors fort étroite, & fes valets de pied passe-
rent fous les charniers des Innocens. Alors
Ravaillac monta fur une des roues de der
riere, & avançant
le corps
dans le caroffe,
il donna deux coups de couteau dans la poi-
trine du Roi: le premier gliffa entre les deux
premieres côtes, & n'entra point dans le
corps; mais le fecond lui coupa l'artere ve-
neufe au-deffus de l'oreille gauche du cœur.
Le fang en fortant avec impétuofité l'étouffa
en un moment, fans qu'il pût prononcer au-
cune parole. Il y avoit dans le caroffe du Roi
fix Seigneurs, les Ducs d'Epernon & de
Montbafon, les Maréchaux de Lavardin &
de Roquelaure, les Marquis de la Force & de
Mirebeau. Ils en defcendirent ; & aïant cou
vert fon vifage & tiré les rideaux, ils firent
retourner le caroffe vers le Louvre. On y mit
le corps tout fanglant fur un lit où il fut ex-
pofé pendant quelques heures. « On remar-
qua deux chofes, dont le Lecteur tirera telle
conféquence qu'il lui plaira ; l'une, que lorf
qu'on cut pris Ravaillac, on vit venir fept
ou huit hommes l'épée à la main qui difoient
tout haut qu'il le falloit tuer ; mais ils le ca-
cherent auffi-tôt dans la foule: l'autre, qu'on
ne le mit pas d'abord en prifon, mais entre
les mains de Montigni, & qu'on le garda
deux jours dans l'hôtel de Retz avec fi peu de
foin, que toute forte de gens lui parloient.
Entr'autres un Religieux le P. Cotton Je-
fuite) qui avoit de grandes obligations au
Roi, l'aïant abordé, & l'appellant mon ami,
lui dit qu'il fe donnât bien de garde d'accu;

jamais, & ils attendent que la femence qu'ils ont jettée, produife du fruit dans fon temps. Le Roi aïant été bleffé par Jean Châtel leur écolier & nourri dans leur doctrine, ce monftre ne dit-il pas devant vous, Meffieurs, que le Roi bien que Catholique, étoit encore hors de l'Eglife, puifque l'excommunication duroit encore, & qu'ainfi il le falloit tuer? Barriere en avoit dit autant. Le Jefuite Guignard l'écrivit; & après mille horreurs contre Henri III fon Souverain, il ajoutoit: Si on ne le peut dépofer fans guerre, qu'on lui faffe la guerre ; fi on ne la peut faire, qu'on le tue.

در

Nous rapporterons ce qui fuit dans les propres termes de l'Orateur. » Vrais ennemis du repos, dit-il en adreffant la parole aux Jefuites, bien contraires aux Difciples de Jefus-Chrift, qui n'ont prêché que charité, que concorde: vos entreprifes contre nos Rois & leurs Couronnes, par votre propre confeffion, méritoient plus que la condamnation intervenue par les Arrêts. Quelle fera la langue qui pourra jamais affez hautement louer les efforts de la juftice de ce grand Parlement, lequel au milieu des plus fortes tempêtes, a toujours mefuré fes actions au compas du bien & de l'honneur de cet Etat? Malgré toutes oppofitions, votre gloire sera immortelle. Qui retarde la converfion d'infinis féparés de l'Eglife, fatisfaits de tous les autres points de notre foi Catholique, que cette puiffance & autorité abfolue, laquelle ils ne peuvent goûter? C'est le moien par lequel les Jefuites ont perdu la Hongrie, brouillé la Tranffilvanie, la Pologne & la Suede, fans qu'aucune partie du monde fe foit pû préferver de ce trouble. Ce font-là

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