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ARTICLE IV.

Edmond Richer. Disputes fur l'étendue & les bornes de l'autorité du Pape.

L

DMOND Richer nâquit le dernier de Sep

I.

Etembre 160 à Cource, petite ville du Commen

gueurs.

Diocèle de Langres dans le Comté de Cham- cemens de Richer. Il pagne. Ses parens qui étoient pauvres, ne eft reçu Dopouvant le faire étudier, lui laifferent la cteur de la liberté d'aller à Paris à l'âge de dix-huit ans Faculté de pour y chercher les moïens de fatisfaire l'inThéologie clination qu'il avoit pour l'étude. Il fe pro- de Paris. Il cura le néceffaire de la vie en rendant quel- renonce ques fervices dans un College, & emplora aux préju– tout le refte de fon temps à étudier les Lan- gés qu'il avoit reçus ques. Il s'y appliqua avec tant de zele & de des Lifuccès, qu'en moins de trois ans il fut en état de faire fon cours de Philofophie. Deux Vie de Rians après il fut reçu Maître-ès-Arts. Il paffa cher,par M. enfuite dans les Écoles de Théologie, o Baillet. l'on ne tarda pas à connoître fon mérite. Un Docteur nommé Etienne Roze, Chapelain de S. Ives, le retira chez lui, & lui fournit fout ce qui lui étoit nécessaire. Richer trouvoit tant de goût à étudier, qu'il y paffoit les jours & les nuits, ne prenant que deux heures de fommeil. Il fut choifi quelque temps après pour profeffer dans l'Univerfité, & il fut ravi que Dieu lui procurât cette occafion, pour ceffer d'être à charge à fon bienfaiteur. Après avoir enfeigné les Tome X.

K

Humanités pendant deux ans, il professa la Rhétorique avec beaucoup d'éclat & de diftinction. Il enfeigna la Philosophie avec les mêmes applaudiffemens, & fongea ensuite à finir la Licence. La Faculté fe trouvoit alors dans le plus trifte état, à cause de la Ligue qui défoloit tout le Roiaume & fur-tout la Capitale. La Sorbonne privée de ses meilleurs fujets, avoit donné depuis quelques mois (au commencement de 1586) cet énorme decret, par lequel elle avoit eu l'infobence de déclarer tous les fujets du Roi dégagés du ferment de fidélité, & les avoit excirés à prendre les armes contre lui, fous prétexte de conferver la Religion. Ce decret avoit été publié dans toutes les églifes de Paris & dans plufieurs Provinces, par les Prédicateurs mendians & par la plupart des Curés mêmes. On refusoit déja tout communément l'abfolution & la communion, & même la fépulture Eccléfiaftique, à quiconque ne promettoit pas de fe révolter contre le Roi Henri III. Enfin il n'y avoit pas quinze jours que ce Prince avoit été la victime de la fureur des Ligueurs, lorfque Richer fe fit infcrire pour le Doctorat. Ainfi fe trouvant enveloppé dans les malheurs de la Théologie du temps, il conferva les préju gés où il avoit été élevé, fans que Dieu permît qu'il trouvât quelque perfonne éclairée qui lui ouvrit les yeux La nature des études qui lui étoient prefcrites, lui ôtoit la connoiffance des faints Peres & des Conciles, qui auroient pû produire en lui d'heureux effers. On ne l'appliquoit qu'à la scolastique, & on lui infpiroit le plus profond refpect fur-tout pour Bellarmin. On lui faifoit

rope? Sa mort eft auffi étonnante que fa vie : & fi l'une fournit aux beaux efprits de la terre une ample matiere pour faire une Hiftoire, l'autre n'en donne pas moins pour s'entretenir, aux perfonnes fpirituelles. Je ne mentirai pas, quand je dirai que cette mort m'a laiffé dans le même état que celui où j'étois auparavant ; je n'ai fenti en moi qu'une certaine compaffion. Il eft certain que fi on confidéroit bien ce Miniftre, & cette Reine qui eft morte un peu avant lui, avec leur mort, on fe moqueroit bien de toute la grandeur du monde. Le monde fe défemplit tous les jours de perfonnes de notre connoiffance, & ils vont rendre à Dieu un compte exact de toute leur vie. Le moins que nous pouvons faire dans cette vûe, eft de nous tenir prêts ; & puifque ce monde nous y oblige en ne tenant pas compte nous, nous devons prendre garde que Dieu nous avertit par-là de transférer nos affections au-delà du monde. »

de

Une des caufes de l'emprisonnement de ce grand ferviteur de Dieu, c'eft qu'il n'avoit point voulu approuver la fuffifance de l'attrition, qui étoit l'opinion favorite du Cardinal. Un trait affez curieux rapporté par M. -Hermanit dans une Hiftoire manufcrite, montre l'intérêt que le Cardinal de Riche·licu prenoit à cette doctrine. Ceux qui ont connu plus particuliérement ce Cardinal, dit M. Hermant, favent qu'il avoit quelquefois de fi grands remords de confcience, & de fi effroiables appréhenfions d'être damne, que pour appaifer certe cruelle inquiétude, il étoit souvent obligé de faire appeller M. Lefcot pour le raffuter 18 comme cela lui arti,

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voit fouvent, & troubloit fon repos, ne fe contentant pas de la vive voix de fon Confeffeur, il exigea de lui un écrit par lequel il l'affuroit de fon falut. Ce Docteur crut avoir affez de lumiere, & eut affez de confiance pour lui donner cette fatisfaction: & M. le Cardinal de Richelieu porta toujours jufqu'à la mort ce papier fur lui, pour fe mettre à couvert de la colere de Dieu, & des traits de fa juftice, fous le bouclier impénétrable de la garantie de fon Directeur. Celui-ci tenoit un peu pour fufpect fon paffeport: car auffi-tôt que le Cardinal fut mort, fa premiere attention fut de retirer le papier, afin qu'il ne fût pas vû. » C'étoit, comme on voit, défefpérer ce puillant Ministre,

de lui ôter la reffource de la fuffifance de l'attrition, & de la crainte de l'Enfer pour le falut.

L'Etat profita à fa mort de quatre millions (fomme prodigieufe en ce tems-là) qu'il dépenfoit pour l'entretien de fa maifon; mais il perdit un habile Ministre. Ce Cardinal uniquement occupé de l'idée d'açeroître l'autorité de fon Maître, qui étoit devenue la fienne, paffa fa vie dans le trouble que lui caufoit néceffairement la crainte de fes ennemis, tandis qu'il auroits eu befoin de tout le calme de fon ame; pour:former des projets aufli vaftes & auffi compli-qués qu'étoient les fiens. Ce même homme, qui s'expofoit à la haine & à la vengeance de ce qu'il y avoit de plus grand dans le Roïaume, pour rendre le gouvernement de fon Maître plus abfolu, avoit autage à craiudre du Roi, pour qui il rifquoit tout, que du -reffentiment de ceux qu'il forçoit d'obéir,

Que de cette fituation il naiffe des réfolutions méditées, un systême suivi, des entreprifes auffi éclatantes; qu'il puiffe y avoir un homme capable de s'occuper tout entier de l'administration d'un Roïaume, où il eft également craint, & de celui qu'il fert, & de ceux qu'il foumet ; c'eft un problême qu'il n'appartient qu'aux paffions de réfoudre. C'eft le Cardinal de Richelieu qui a établi l'Imprimerie Roiale, & qui a bâti le Palais Cardinal qu'il donna au Roi, & qu'on a toujours nommé depuis le Palais Roïal. Il voulut que fa fépulture même fe reffentît de la grandeur avec laquelle il avoit vécu. La Maifon de Sorbonne n'étoit dans le commencement qu'une Communauté de pauvres Ecoliers, établie par Robert de Sorbonne. Comme S. Louis, dont il étoit Confeffeur, avoit contribué à cet établissement, & en avoit même pofé la premiere pierre, Robert ne voulut pas prendre le titre de Fondateur, & fe contenta de celui de Proviseur. Le Cardinal de Richelieu en la même qualité, choisit cette demeure pour fa fépulture, après l'avoir rebâtie avec une magnificence vraiment Roïale. Le Maufolée qui s'y voit, eft le Chef-d'œuvre du célebre Girardon.

Le jour même de la mort du Cardinal de Richelieu, le Roi fit entrer dans fon Confeil le Cardinal Mazarin, & écrivit aux Cours fupérieures, & à fes Ambaffadeurs, qu'il n'y avoit aucun changement dans le Gouvernement. L'attente de la Régence, que la mauvaife fanté du Roi rendoit prochaine, for moit alors deux partis à la Cour, celui de la Reine & celui de Monfieur. Le Roi déféra la Régence à la Reine par une Déclaration du

XXII. Mort de Louis XIII.

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