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gré la défense des Gens du Roi. Richer répondit qu'il avoit permis qu'on attaquât les Thèles, afin de donner lieu au Préfident de réparer publiquement le fcandale qu'elles avoient caufé. Il allégua les statuts de l'Univerfité homologués en Parlement, portant ordre de punir le Syndic, le Préfident & le Répondant, fi l'on foutenoit quelque Thèse contraire aux maximes du Roïaume Le Cardinal du Perron ne put répliquer. Il déclara en cette Affemblée qu'il regardoit ces queltions comme problématiques. Le Nonce voulut qu'on continuât la difpute. Le Bachelier le fit, & pouffa vivement le Président, qui n'alléguoit pour lui que Cajetan. Le Cardinal du Perron fit argumenter fur l'Euchariftie, pour faire diverfion.

XV.
Le Parle

de Richer.

Le lendemain 28 Mai, les Jacobins afficherent encore des Thèses pour le Dimanche fuivant, fête de la fainte Trinité. Mais Ni- ment favorife le zéle colas de Verdun, qui avoit été fait tout récemment premier Président du Parlement par Nouvelles la ceffion d'Achilles de Harlai, ne voulut pas entreprises qu'on difputât un jour de Dimanche, & ne le du Clergé. permit pour les jours fuivans, qu'après avoir fait raïer la Thèfe qui attribuoit au Pape l'infaillibilité & le droit de décider feul des vérités de la Foi. Le Parlement étant informé de ce qui s'étoit paffé le 27 Mai, envoïa un député aux Miniftres, pour les en avertir. Les Miniftres renvoierent l'affaire au premier Préfident, qui manda le Syndic Richer, pour le féliciter fur le fervice important qu'il venoit de rendre au Roi & à l'Etat. Il lui promit de feconder fon zéle, & l'affura que la Cour reconnoîtroit fon mérite. Il le pria en même-temps de dresser un procès-verbal

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pour cet examen plufieurs Cenfeurs, dont Richen fut le Chef. Ils firent la vifite des Colléges, réformerent les principaux abus, réglerent la difcipline & les exercices de pieté & furmonterent tous les obstacles qu'ils trouverent dans cet important ouvrage. Les ennemis de la réformation s'en prenoient fur tout à Richer, en qui ils voïoient plus de zéle & de lumiere, & qui avoit la confiance du Parlement. Sa vie fut fouvent en danger; mais rien ne pouvoit abbattre fon courage. Il lui en fallut beaucoup pour venir à bout d'abolir une fête fcandaleuse, qui fe faifoit dans les Collèges à l'occafion de la rétribution que les écoliers païoient à leurs Maîtres. On l'appelloit la fête du Lundi ou Landi, & elle fe paffoit en feftins & en débauches. Les ennemis de la regle & du bon ordre faifoient un parallele odieux de cette réforme de l'Univerfité, avec celle que les Proteftans avoient prétendu faire dans l'Eglife, ajoutant que le Ciel ne béniroit pas plus l'une que l'autre. Ils tâchoient même d'infinuer , que le rétabliffement de l'ancienne difcipline ne tendoit qu'à la ruine de la Religion Catholique. Mais fous le beau nom de la Religion Catholique, ils n'entendoient autre chofe que le refte de la Ligue avec les opinions ultramontaines. Ils vantoient la Société des Jefuites comme nécesfaire à l'Eglife, & foupiroient après leur rappel en France. En même-temps ils traverfoient toutes les mesures que prenoient les Magiftrats & les gens de bien, pour remettre la paix & le bon ordre dans l'Université, & y faire refleurir la vertu avec les fciences. Ces factieux décrioient Richer, & le trai

que

XVI

& Poli

de la Cour

tances à Richer, pour l'engager à l'inftruire par écrit des Libertés de l'Eglife Gallicane, Richer témoignant vouloir marcher fur les traces compofe d'Achille de Harlai fon illuftre prédéceffeur. fon livre de Quelques amis de Richer lui confeilloient de la Puiffance Eccléfiafti ne pas fe fier au premier Préfident, fous prétexte qu'il avoit été élevé chez les Jefuites, tique, à la & avoit obtenu cette Dignité par leur crédit priere du & à la follicitation du Nonce. Les autres ju- premier gerent que ce n'étoit pas une raifon fuffifan- Président te, pour refufer d'inftruire un Magiftrat qui du Parleparoiffoit avoir un defir fi fincere de connoi- ment. Les tre la vérité, & qui par état étoit obligé de partifans maintenir en mille rencontres les Libertés de de Rome l'Eglife Gallicane, & de renfermer dans fes tâchent de juftes bornes la puiffance Eccléfiaftique. Ri- le faire décher le rendit à ces raisons, & aux vives inf- pofer du tances que le premier Préfident réïtéroit pref- Syndicat. que tous les jours. Il compofa fon Ouvrage fur les regles de la Théologie pofitive, & l'intitula, De la Puiffance Ecclefiaftique & Politique. Il en tira tous les principes, de fon Apologie de Gerfon, qu'il n'avoit pas publiée. Avant de le préfenter au premier Préfident, il le fit éxaminer par des Théologiens, & entr'autres par de Gamaches, Profeffeur Roïal. Pendant ce temps-là, le Nonce de concert avec le Cardinal du Perron, l'Evêque de Paris qui defiroit fort le Chapeau, & quelques autres Prélats, réfolurent de faire dépofer Richer du Syndicat, qui alors étoit perpétuel. Ils jetterent les yeux fur Filefac, Theologal de Paris & Curé de S. Jean en Grêve, pour le fubftituer à Richer. Filefac rejetta d'abord la propofition, fit l'éloge de Richer, & vanta tous les fervices qu'il avoit rendus à l'Eglife depuis qu'il étoit Syndic. Tome X.

L

Le Nonce fit fonder plufieurs Docteurs, of donna aux Mandians d'aller exactement aux Affemblées, & eut recours à tous les moïens ufités en Italie, & qui ne font devenus depuis que trop communs en France. La brigue ne fe trouva pourtant pas encore affez forte. Le Nonce, en politique délié de la Cour de Rome, arrêta le zéle impétueux de l'Auditeur Scappi & du Docteur Duval, & leur dit que l'affaire n'étoit point affez mûre, & qu'on la feroit avorter en ufant d'une trop grande précipitation.

XVII. Cependant Richer préfenta fur la fin de Richer Juillet fon Ouvrage manufcrit au premier donne di- Préfident, qui le reçut avec toute la reconvers avis au noiffance poffible, en proteftant de nouveau premier qu'il défendroit hautement l'ancienne docPréfident, trine de l'Eglife Gallicane,& preffant le Syndic de lui dire quel bénéfice ou quelle penfion il fouhaitoit qu'il demandât pour lai aux Miniftres. Richer le remercia, en l'affurant qu'il ne defiroit rien, & qu'il vouloit demeurer toujours dans la médiocrité de fon état, s'appliquant de tout fon pouvoir à fervir fon Dieu & fon Roi. Il eut ensuite une conférence fecréte avec le Magistrat, pour lui faire comprendre l'importance de cette affaire. Il lui prouva que la Cour de Rome en vouloit à la liberté de l'Eglife de France, & à la fouveraineté du Roi ; que les Jefuites depuis la Ligue fe mêloient des affaires du Roïaume, & entroient même dans le fecret des familles ; & que depuis leur rétablissement en France, ils avoient fait de tels progrès à la Cour, qu'infailliblement leur ambition cauferoit un jour la ruine de leur Compagnie, ou celle de la République Chrétienne,

Le Nonce alla fur le champ vifiter le Chancelier Brulart de Silleri, de qui il obtint qu'on n'expoferoit pas en vente les Ouvrages de Gerfon pendant toute cette année 1606. Richer touché de cette foibleffe du Chancelier, & plus encore de l'affront que l'on faifoit à Gerfon & à toute l'Eglife Gallicane, dont il avoit été un des plus grands ornemens, réfolut de réfuter l'Ecrit du Cardinal Bellarmin, & de faire l'Apologie de Gerfon. Il s'appliqua beaucoup plus à développer les fophifmes de ce Cardinal, qu'à repouffer fes injures. Joignant toujours la modération des paroles à la force des raifons, il fit voir que la doctrine de Gerfon & de l'Eglife Gallicane touchant la puissance du Pape, étoit autorifée par le droit naturel & divin, par la Tradition ancienne de toute l'Eglife, par un ufage fuivi & conftant des huit premiers Conciles généraux, & qu'elle avoit été depuis pleinement rétablie par celui de Conftance. Il prouva qu'on ne pouvoit plus diffimuler une vérité fi claire, fans être ou trèsignorant, ou très-paffionné pour les injuftes préventions de la Cour de Rome.

Duval eut quelque foupçon du deffein de Richer, & fit part au Nonce de fes conjectures. Celui-ci, qui avoit été créé Cardinal depuis peu de jours, chargea Duval d'engager Richer de fa part à venir fe purger du foupçon que l'on avoit contre lui. On étoit alors dans les réjouiffances publiques de la cérémonie du Baptême du Dauphin, & Richer ne voulut point faire d'éclat dans de pareilles circonftances. Il alla donc voir le nouveau Cardinal à l'hôtel de Cluni rue des Mathurins, où les Nonces avoient coutume de

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