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entend prononcer, de toutes parts, sur le passage de la princesse; le peuple est avide de la voir, de la contempler. Sur le devant de la calèche royale est M. le prince de Condé; son air est sérieux, froid; sa physionomie n'exprime ni satisfaction ni étonnement. L'immense population de Paris s'est portée hors de la capitale; Louis XVIII est reçu, à la barrière et dans la rue Saint-Denis, aux acclamations des habitants, favorablement disposés par sa déclaration de la veille. Ce retour inopiné de leurs anciens princes semble leur promettre le terme des calamités publiques; moins il fut attendu, plus ils se confient à l'avenir: aussi l'air retentit des cris de vive le roi! la famille royale est reçue avec enthousiasme.

Les principaux fonctionnaires accourent et se précipitent pour rendre leurs hommages à ce prince, qui pourrait témoigner quelque surprise de trouver dans leurs harangues les mêmes expressions déjà consacrées à Napoléon. Ainsi cet orateur dont la parole est si délicatement ambidextre, Fontanes, avait dit, le 25 dé- . cembre 1812: « L'université se félicite de porter au << pied du trône impérial les hommages et les vœux <«< d'une génération entière, qu'elle instruit dans ses «<< écoles à vous servir et à vous aimer. » Le même Fontanes, toujours grand-maître ( et non un autre), s'empresse de dire au descendant de Henri IV : « L'u<«<niversité vous parle au nom des enfants qui vont <<< croître pour vous servir et pour vous aimer. » Estimable fidélité, de transmettre sans hésitation et sans réserve une entière obéissance à la puissance de fait! Nous avons vu des hommes fameux par leurs excès de 1795 bénir le retour des Bourbons; nous avons entendu l'un des plus forcenés régicides dire: Le trône appartient aux Bourbons; c'est un droit incontes

TOME VIII.

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<«<table, et qui leur est acquis depuis des siècles; ils << rentrent en France, rien de plus juste, et Louis XVIII <«< est bien légitimement roi. » L'ex-conventionnel qui s'exprimait de la sorte dans son intimité avait été, après Robespierre, le plus atroce des assassins de

Louis XVI!

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4. Ferdinand VII, roi d'Espagne (V. 24 mars), rejette absolument, et sans la moindre réserve, tout ce que contenait d'avantageux à la nation la constitution de Baïonne, qui reconnaissait Joseph Bonaparte. Réprouvant aussi tout ce que renfermait de sage la constitution décrétée à Cadix par les cortès, ce prince veut régner despotiquement, d'après les maximes du droit divin. Il dissout les cortès; il menace de mort quiconque agira, parlera en leur faveur, ou tentera de maintenir leurs dispositions. Par-là, bien loin de terminer les malheurs de son pays, Ferdinand les aggrave et sème les germes d'une autre révolution. Un grand nombre de victimes gémiront dans les cachots; plus de dix mille familles espagnoles chercheront des asyles à l'étranger: tels sont les résultats qu'amènent et le fanatisme du moyen âge, et l'influence de la féodalité, et la corruption des courtisans. Ce prince imbu des fausses doctrines dans lesquelles sont élevés les princes du Midi, auquel les événements dont il fut le témoin et la victime n'ont rien appris, ne voit pas que le joug remis avec violence devient plus lourd et plus accablant; que, monarque rentré dans la plénitude du pouvoir par la dissolution des cortès, il s'expose à ne plus rencontrer de bornes à ses volontés, ni de moyens d'échapper aux conseils de ses flatteurs; il ne discerne pas que le peuple espagnol, ayant conquis sa liberté, ne saurait retomber

dans la servitude sans conserver le désir de s'en affranchir.

5.

Une ordonnance du roi porte défense d'obtempérer aux réquisitions faites par les commandants ou les intendants des armées alliées, conformément à l'art. 8 des conventions du 23 avril.

9.

Une proclamation du roi porte: « En remontant <«<< sur le trône de nos ancêtres, nous avons retrouvé <<< nos droits dans votre amour.. ... Au milieu des <«<< acclamations unanimes, et si touchantes pour notre <«< cœur, dont nous avons été accompagné des fron<«<tières de notre royaume jusqu'au sein de notre «< capitale, nous n'avons cessé de porter nos regards <«< sur la situation de nos provinces et de nos braves «< armées. . . . Déjà un armistice fait sentir ses avan<< tages.. Dans un court intervalle, l'olivier, gage <«< du repos de l'Europe, paraîtra aux yeux de tous <«<les peuples... Français, vous entendez votre roi... »

...

13. La nomination des ministres du roi a lieu : Dambray, chancelier et ministre de la justice; le prince de Bénévent (Talleyrand), des affaires étrangères ; l'abbé de Montesquiou, de l'intérieur; le général Dupont, de la guerre; le baron Malouet, de la marine; le baron Louis, des finances; le comte Blacasd'Aulps, de la maison du roi. Le département de la police est remis à un directeur général, le comte Beugnot. A l'occasion de cette dernière promotion, on peut douter que le système que se propose de suivre le gouvernement soit dirigé suivant les vrais principes car le régime constitutionnel ne permet pas d'investir le même fonctionnaire d'attributions éminentes dans l'ordre exécutif et d'attributions qui ressortissent de l'ordre judiciaire. En outre, M. Beu

gnot, l'un des plus complaisants flatteurs de Napoléon, a toujours parlé et agi selon la volonté du pouvoir régnant; le régime constitutionnel trouvera, dans sa personne, un défenseur ou un ennemi, selon que les circonstances politiques seront favorables ou nuisibles aux libertés nationales: aussi verra-t-on M. Beugnot, l'un des hauts parvenus de la révolution, abandonner les intérêts de la nation et embrasser le despotisme ministériel, tout en se disant. le partisan et l'ami du système constitutionnel.

15: Une ordonnance du roi nomme MONSIEUR, comte d'Artois, colonel-général de toutes les gardes nationales du royaume.

15.- Une autre ordonnance du roi autorise les conscrits de la classe de 1815 à rentrer dans leurs familles (V. 9 octobre 1813, 26 mars 1814).

30. Un traité de paix est signé à Paris, entre la France et les puissances alliées.

Ce traité, en trente-trois articles, communs aux quatre parties contractantes, l'Angleterre, l'Autriche, la Prusse, la Russie, est suivi de quelques articles séparés pour chacune d'elles. Art. 2 et 3. Les limites de la France sont rétablies ainsi qu'elles existaient au 1er janvier 1792, avec l'addition de quelques cantons aux départements des Ardennes, de la Moselle, du Bas-Rhin, de l'Ain, et l'annexation d'une partie de la Savoie. La France est confirmée dans la possession de la principauté d'Avignon, du comtat Venaissin, du comté de Montbéliard et de toutes les enclaves ayant appartenu autrefois à l'Allemagne, qui sont comprises dans la frontière déterminée et déjà incorporées à la France. 6. La Hollande, placée sous la souveraineté de la maison d'Orange, recevra un accroissement de territoire. Les états de l'Allemagne seront

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indépendants et unis par un lien fédératif. La Suisse, indépendante, continuera de se gouverner par ellemême. L'Italie, hors des limites des pays qui reviendront à l'Autriche, sera composée d'états souverains. 7. L'île de Malte et ses dépendances appartiendront en toute propriété à sa majesté britannique. - 8. La France reprend les colonies, pêcheries, comptoirs et établissements de tout genre, qu'elle possédait au 1er janvier 1792 dans les mers et sur les continents de l'Amérique, de l'Afrique et de l'Asie; à l'exception toutefois des îles de Tabago et de SainteLucie, et de l'île de France avec ses dépendances, nommément Rodrigue et les Séchelles, lesquelles sa majesté très chrétienne cède en toute propriété et souveraineté à sa majesté britannique, comme aussi de la partie de Saint-Domingue cédée à la France par la paix de Bâle (V. 22 juillet 1795), que sa majesté très chrétienne rétrocède à sa majesté catholique en toute propriété et souveraineté. - 9. Sa majesté le roi de Suède consent à ce que l'île de la Guadeloupe (V. 6 février 1810, 3 mars 1813) soit restituée à sa majesté très chrétienne, et cède tous les droits qu'il peut avoir sur elle. 10. Sa majesté très fidèle s'engage à restituer la Guyane française, telle qu'elle existait au 1er janvier 1792 (V. 29 septembre 1801, 12 janvier 1809). 12. Sa majesté très chrétienne s'engage à ne faire aucun ouvrage de fortification dans les établissements qui lui doivent être restitués et qui sont situés dans les limites de la souveraineté britannique sur le continent des Indes, et à ne mettre dans ces établissements que le nombre de troupes nécessaire pour le maintien de la police. 15. En exécution de la convention du 23 avril dernier, relativement aux arsenaux et vaisseaux de guerre, armés et

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