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laincourt) et de la guerre (Davoust) affirment qu'il existe de grandes ressources que rendraient immens es l'union des Français et l'énergie du pouvoir législatif. Lucien discourt longuement sur la nécessité d'investir d'une dictature temporaire son frère, seul en état de conduire la guerre. « Si la France, soutient ce << dissertateur insolent, abandonnait son empereur, << elle s'exposerait, devant le tribunal des peuples, au << jugement le plus sévère sur son inconstance et sa «< légèreté. Jamais elle ne voudra manquer à ce que << l'honneur exige d'elle. » Aussitôt La Fayette s'écrie: << Quelles assertions vient-on faire entendre? Ose-t-on <«< accuser la nation de légèreté et de peu de persévé<< rance à l'égard de Napoléon? Ne l'a-t-elle pas suivi <«< dans les sables de l'Égypte, dans les déserts de <«< Russie, sur cinquante champs de bataille, après ses « désastres aussi bien qu'au milieu de ses victoires? « C'est pour l'avoir suivi que nous avons à regretter le <«< sang de trois millions de Français. » Ces paroles agitent l'assemblée. La discussion, engagée, soutenue avec véhémence et par la majorité, qui repousse Na-. poléon, et par ses adhérents, finit par la résolution de former aussitôt un conseil spécial des ministres et de cinq députés de chaque chambre, pour discuter les mesures d'urgence.

Ce conseil s'assemble la nuit. Tout ce que demandent les ministres pour la défense du territoire est accordé. La Fayette insiste pour l'abdication-immédiate de Napoléon. « Cette mesure seule procurera immé– <«<diatement la paix; et, si les ministres ne la lui pro<< posaient pas, son âme la lui révélerait sans doute. » La Fayette fait en outre la proposition de se rendre tout à l'heure et en corps auprès de lui, pour lui faire, à ce sujet, les représentations les plus positives.

Cette conclusion n'est pas adoptée; elle n'a pas besoin de l'être pour porter le dernier coup.

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22. Il fallait ou que l'assemblée qui figurait la représentation nationale fût dissoute, ou que Napoléon fût détrôné. L'ambitieux, manquant de courage pour son nouveau 18 brumaire, parce qu'il ne réunissait pas de grands moyens militaires, et craignant peutêtre que cet état d'hostilité plus long-temps continué ne le conduisit à son entière ruine, ne se voyant appuyé que par des bandes de fédérés, Napoléon se résigne à se découronner de sa propre main. Il abdique, parce qu'on lui fait connaître que, si l'abdication n'est pas envoyée sur-le-champ, La Fayette va faire la motion de sa déchéance.

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Le général qui abandonna son armée, l'oppresseur qui médite d'étouffer encore une fois la liberté, est enfin dépouillé de l'autorité. La veille, il entre dans Paris, se proposant de mettre en usage les dernières ressources de la France, d'armer toute sa population! A peine il paraît, chacune de ses volontés éprouve un refus formel. Il voit qu'il ne peut plus rester en présence de l'Europe conjurée et à la tête de la France, de la France à laquelle il annonça d'abord que les souverains approuvaient son retour, et qu'il flatta de l'espoir qu'il désunirait ou renverserait leur coalition. Il s'éloigne, mais les fléaux de l'invasion s'avancent. Néanmoins, en déposant son pouvoir, il ne craint pas de protester de la pureté de ses intentions; il adresse ses adieux au peuple français: « En << commençant la guerre pour soutenir l'indépendance <«< nationale, je comptais sur la réunion de tous les «< efforts, de toutes les volontés, et sur le concours de << toutes les autorités nationales...... Les circonstances << me paraissent changées....... Ma vie politique est

<< terminée, et je proclame mon fils, sous le titre de << Napoléon II, empereur des Français...... »

Son abdication est admise purement et simplement; mais, dans la nuit, par des affiches, il la déclare conditionnelle et faite en faveur de son fils.....

«< Quoi! dit madame de Staël, cet homme qui ve« nait d'ébranler encore l'Europe par son retour en«< voie sa démission comme un simple général, il n'es<<< saie pas de résister! Il y a une armée française sous <«<les murs de Paris, elle veut se battre contre les <«< étrangers, et il n'est pas avec elle comme chef ou << comme soldat! Elle se retire derrière la Loire, et il << traverse cette Loire pour aller s'embarquer, pour <«< mettre sa personne en sûreté, quand c'est par son <<< propre flambeau que la France est embrasée! On ne << saurait se permettre d'accuser Bonaparte de manquer << de bravoure dans cette circonstance, non plus que <<< dans celles de l'année précédente; il n'a pas com« mandé l'armée française pendant vingt années sans « s'être montré digne d'elle. Mais il est une fermeté « d'âme que la conscience peut seule donner; et <«< Bonaparte, au lieu de cette volonté indépendante « des événements, avait une sorte de foi superstitieuse «< à la fortune, qui ne lui permettait pas de marcher <«< sans elle. Du jour où il a senti que c'était bien le <«< malheur qui s'emparait de lui, il n'a pas lutté; du << jour où sa destinée a été renversée, il ne s'est plus << occupé de celle de la France. »

L'usurpation de Napoléon a duré cent jours, pendant lesquels il a dépensé six cents millions et fait périr soixante mille braves. La France va s'inonder d'un million de soldats étrangers. Plusieurs de ses belles provinces seront ravagées; Paris n'échappera que par une sorte de prodige à la destruction. Les

sacrifices imposés aux Français seront des plus rigoureux; ils seront innombrables. Telles auront été les suites du retour de ce souverain découronné, retour amené (on ne saurait trop le dire) par les fautes accumulées que produisit, pendant ce court espace de dix mois, antérieur au débarquement du 1er mars, l'influence prépondérante du comte de Blacas d'Aulps, si bien secondé par messire Dambray et M. l'abbé de Montesquiou, ainsi que M. le comte Beugnot.

22. Les chambres législatives nomment une commission exécutive provisoire.

En conséquence de l'abdication de Bonaparte, la commission de gouvernement se constitue sous la présidence de Fouché (duc d'Otrante), le bourreau des Lyonnais.

Louis XVIII adresse aux Français une proclamation datée de Cateau-Cambrésis : « Dès l'époque où <«< la plus criminelle des entreprises, secondée par la <«< plus inconcevable défection, nous a contraint à <<< quitter momentanément notre royaume, nous vous << avons avertis des dangers qui vous menaçaient, si <<< Vous ne vous hâtiez de secouer le joug du tyran << usurpateur. Nous n'avons pas voulu unir nos bras, « ni ceux de notre famille, aux instruments dont la << Providence s'est servie pour punir la trahison. Mais, << aujourd'hui que les puissants efforts de nos alliés ont << dissipé les satellites du tyran, nous nous hâtons de << rentrer dans nos états pour y rétablir la constitution « que nous avions donnée à la France, réparer par << tous les moyens qui sont en notre pouvoir les <«<< maux de la révolte et de la guerre qui en ont été << la suite nécessaire, récompenser les bons, mettre à <«< exécution les lois existantes contre les coupables... » 15

TOME VIII.

Dès le matin du 20 mars, l'on avait vu sur les murs de Paris une proclamation très énergique du roi, qui déclarait traîtres et criminels de lèse-majesté tous Français qui porteraient les armes en faveur de l'usurpateur, etc. Le même jour, presqu'en même temps, aux mêmes lieux, et à côté de la proclamation de Louis XVIII, les mêmes afficheurs placardaient une proclamation de Napoléon aux Français, etc. Des personnes de la domesticité du roi lui avaient conservé toute leur fidélité, et s'étaient rendues à Gand à leurs frais et dépens; elles n'étaient pas prodigalement rétribuées comme les ministres à portefeuille, les ministres d'état, etc. (Voyez 11 mars). Des gardes-ducorps s'y rendent aussi isolément, et font preuve d'un noble dévouement. Licenciés à Béthune, ils ne sont plus passibles des lois militaires que Napoléon, dans ses décrets, invoquera contre ce qu'il appelle les traîtres. Les conseils, de guerre dont il ordonnera la formation pour juger les traîtres et transfuges passés à l'ennemi la veille des hostilités, officiers faisant partie de l'armée active, ces conseils de guerre ne juge ront pas les gardes-du-corps, mais les officiers en activité de service, qui, en présence de l'ennemi, se hâ– tent de fuir, de traverser ses lignes, pour aller s'abriter à vingt lieues en arrière du champ de bataille. Ces derniers sont condamnés à mort par contumace. Au lieu de casser ces jugements et de les déclarer illégaux, nuls et de toute nullité, Louis XVIII crut, dans sa clémence, devoir se borner à amnistier les condamnés à mort par contumace. C'était reconnaître en quelque sorte la validité des jugements portés contre eux : aussi ce mode de grâcier ne satisfit pas les royalistes purs, ces royalistes qu'on pourrait appeler royalistes avant la lettre. Précisément ce furent ces prudents

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