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le dandysme est une chose moderne et qui tient à des causes tout à fait nouvelles.

Que le peuple des coloristes ne se révolte pas trop; car, pour être plus difficile, la tâche n'en est que plus glorieuse. Les grands coloristes savent faire de la couleur avec un habit noir, une cravate blanche et un fond gris.

Pour rentrer dans la question principale et essentielle, qui est de savoir si nous possédons une beauté particulière, inhérente à des passions nouvelles, je remarque que la plupart des artistes qui ont abordé les sujets modernes se sont contentés des sujets publics et officiels, de nos victoires et de notre héroïsme politique. Encore les font-ils en rechignant, et parce qu'ils sont commandés par le gouvernement qui les paye. Cependant il a des sujets privés, qui sont bien autrement héroïques.

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Le spectacle de la vie élégante et des milliers d'existences flottantes qui circulent dans les souterrains d'une grande ville, criminels et filles enLa Gazette des Tribunaux et Le Moniteur nous prouvent que nous n'avons qu'à ouvrir les yeux pour connaître notre héroïsme.

tretenues,

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Un ministre, harcelé par la curiosité impertinente de l'Opposition, a-t-il, avec cette hautaine et souveraine éloquence qui lui est propre, témoigné une fois pour toutes de son mépris et de son dégoût pour toutes les oppositions ignorantes et tracassières, vous entendez, le soir, sur le boulevard des Italiens, circuler autour de vous ces paroles: « Étais-tu à la Chambre aujourd'hui ? as-tu vu le ministre? N.. de D...! qu'il était beau! je n'ai jamais rien vu de si fier! »>

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Il y a donc une beauté et un héroïsme moderne! Et plus loin: « C'est K. ou F. qui est chargé de faire une médaille à ce sujet; mais il ne saura pas la faire! il ne peut pas comprendre ces choses-là! >>

Il y a donc des artistes plus ou moins propres à comprendre la beauté moderne.

Ou bien: « Le sublime B.....! Les pirates de Byron sont moins grands et moins dédaigneux. Croirais-tu qu'il a bousculé l'abbé Montès, et qu'il a couru sus à la guillotine en s'écriant: «< Laissez-moi tout mon courage! »

Cette phrase fait allusion à la funèbre fanfaronnade d'un criminel, d'un grand protestant, bien portant, bien organisé, et dont la féroce vaillance n'a pas baissé la tête devant la suprême machine!

Toutes ces paroles qui échappent à votre langue témoignent que vous croyez à une beauté nouvelle et particulière, qui n'est celle ni d'Achille, ni d'Aga

memnon.

La vie parisienne est féconde en sujets poétiques et merveilleux. Le merveilleux nous enveloppe et nous abreuve comme l'atmosphère; mais nous ne le voyons pas.

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Le nu, cette chose si chère aux artistes, cet élément nécessaire de succès, est aussi fréquent et aussi nécessaire que dans la vie ancienne : au lit, au bain, à l'amphithéâtre. Les moyens et les motifs de la peinture sont également abondants et variés; mais il y a un élément nouveau, qui est la beauté moderne.

Car les héros de l'Iliade ne vont qu'à votre cheville, ô Vautrin, ô Rastignac, ô Birotteau! - et vous, o Fontanarès, qui n'avez pas osé raconter

au public vos douleurs sous le frac funèbre et convulsionné que nous endossons tous; et vous, ò Honoré de Balzac, vous le plus héroïque, le plus singulier, le plus romantique et le plus poétique parmi tous les personnages que vous avez tirés de votre sein!

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III

LE CUSÉE CLASSIQUE

DU BAZAR BONNE-NOUVELLE

ous les mille ans,

paraît une spiri

tuelle idée. Estimons-nous donc heureux d'avoir eu l'année 1846 dans le lot de notre existence, car l'année 1846 a donné aux sincères enthousiastes des beaux-arts la jouissance de dix tableaux de David et onze de Ingres. Nos expositions annuelles, turbulentes, criardes, violentes, bousculées, ne peuvent pas donner une idée de celle-ci, calme, douce et sérieuse comme un cabinet de travail. Sans compter les deux illustres que nous venons de nommer, vous pourrez encore y apprécier de nobles ouvrages de Guérin et de Girodet, ces maîtres hautains et délicats, ces fiers continuateurs de David, le fier Cimabué du genre dit classique, et de ravissants morceaux de Prud'hon, ce frère en romantisme d'André Chénier.

Avant d'exposer à nos lecteurs un catalogue et une appréciation des principaux de ces ouvrages, constatons un fait assez curieux qui pourra leur fournir matière à de tristes réflexions. Cette Exposition est faite au profit de la caisse de secours de la Société des Artistes, c'est-à-dire en faveur d'une certaine classe de pauvres, les plus nobles et les plus méritants, puisqu'ils travaillent au plaisir le plus noble de la société. Les pauvres, les autres,

sont venus immédiatement prélever leurs droits. En vain leur a-t-on offert un traité à forfait; nos rusés malingreux, en gens qui connaissent les affaires, présumant que celle-ci était excellente, ont préféré les droits proportionnels. Ne serait-il pas temps de se garder un peu de cette rage d'humanité maladroite, qui nous fait tous les jours, pauvres aussi que nous sommes, les victimes des pauvres? Sans doute la charité est une belle chose; mais ne pourrait-elle pas opérer ses bienfaits, sans autoriser ces razzias redoutables dans la bourse des travailleurs?

Un jour, un musicien qui crevait de faim organise un modeste concert; les pauvres de s'abattre sur le concert; l'affaire étant douteuse, traité à forfait, deux cents francs; les pauvres s'envolent, les ailes chargées de butin; le concert fait cinquante francs, et le violoniste affamé implore une place de sabouleux surnuméraire à la Cour des Miracles? Nous rapportons des faits; lecteur, à vous les réflexions.

nous ne

La classique Exposition n'a d'abord obtenu qu'un succès de fou rire parmi nos jeunes artistes. La plupart de ces messieurs présomptueux, voulons pas les nommer, qui représentent assez bien dans l'art les adeptes de la fausse école romantique

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