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tes si souvent par Dulaure et par les philosophes contre la stupidité brutale et la paresse sensuelle des moines, - et la défense de ces mêmes ordres, souvent entreprise par des esprits religieux, qui les ont montrés actifs, industrieux et infatigables.

Au lieu de les juger d'après ces déclamations contradictoires, si l'on veut connaître ces étranges institutions du moyen-âge, leurs ombres et leurs lumières, leurs bons et leurs mauvais côtés, ce sont les chroniques du moyen-âge lui-même qu'il faut consulter; c'est là qu'il faut aller chercher le tableau complet de cette existence effacée, le portrait, fait sur place, de ces moines qui détestaient le paganisme en conservant la science païenne; qui copiaient le psautier et l'enrichissaient de merveilleuses peintures; qui transcrivaient Virgile en faisant le signe de la croix pour chasser le démon; - qui exerçaient sur des provinces entières une haute juridiction morale, apaisaient les différens, suspendaient les guerres et faisaient intervenir le nom et le pouvoir de Dieu au milieu des intérêts humains les plus violens et les plus enflammés; tableau de cette civilisation n'a pas été fait encore, mais puissamment indiqué par M. Guizot dans sa belle histoire de la civilisation moderne.

le

Un de nos écrivains les plus distingués, M. Phi

larète Chasles, dans un article récent de la Revue des Deux-Mondes, signalait à l'attention publique un curieux document qui contient des détails sur l'existence monastique à cette époque. La société Camdenienne l'a fait imprimer parmi beaucoup d'autres manuscrits trouvés dans le Musée britannique. Il a pour titre Jokelin de Brakelond; c'est la chronique du couvent de Brakelond, écrite par un de ses habitans. La vie seigneuriale, féodale, agricole, civilisatrice des moines anglais du xir siècle s'y révèle avec une extrême et piquante naïveté, et justifie tout ce que nous avons dit.

CHAPITRE X.

Ordres militaires. Templiers. - Ordres judiciaires.
Dominicains.

Aux moines agriculteurs, fabricans de ponts et conservateurs de l'antique science, succédèrent d'autres ordres, institués pour atteindre un but différent. L'œuvre des premiers était accompli. Les Barbares étaient civilisés, les terres défrichés; la civilisation chrétienne s'était propagée comme la flamme dévore les épis. Un

nouvel emploi de la force morale et intellectuelle allait être demandé aux moines.

Il ne s'agissait plus de conquérir les âmes des Germains, ni de défricher le sol gaulois, et de grouper les serfs autour des villages. Mahomet avait apparu l'Orient avait trouvé son prophète et marchait à l'envahissement du Nord. Il y avait des Arabes mahométans en Espagne; les Sarrazins avaient mis le pied en Sicile, en Italie, et même en France. Le tombeau de Jésus-Christ foulé aux pieds des chevaux mahométans, nous accusait de lâcheté. La civilisation, à peine fondée dans l'Europe chrétienne, était déjà compromise.

Alors éclatèrent les croisades, qui n'étaient pas seulement une marche fanatique à travers les océans et les déserts pour aller massacrer des musulmans, mais une juste défense de l'Europe moderne, repoussant l'ennemi commun. L'ordre du Temple, et tous les ordres militaires apparurent donc à la fois et se soutinrent victorieux à travers les siècles, jusqu'au moment où ils devinrent inutiles, où le mahométisme recula et se réfugia dans ses domaines, où l'Espagne reprit son territoire, où la Sicile et l'Italie redevinrent chrétiennes. On laissa seulement sur les limites du monde oriental et du monde septentrional des gardes avancées, postées pour ainsi

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