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fin du xvi par le pouvoir temporel et l'opinion populaire. Les annales de cette corporation, infatigable protectrice de la puissance spirituelle, ne peuvent être complètes, que si, après avoir esquissé les premières luttes de son berceau et le courage héroïque dont ses membres firent preuve, nous jetons les yeux sur l'institution elle-même parvenue à l'apogée de son pouvoir et telle qu'elle se présenta lorsque des ennemis l'accusèrent de despotisme, de cupidité, d'usurpation et de violence.

CHAPITRE XVI.

Progrès et triomphe des jésuites.- La Monarchie des Solipses.

Un si magnifique plan, de si grands desseins exécutés avec un succès si formidable devaient faire naitre une multitude d'ennemis. Les jésuites n'en manquèrent pas. Les injures et les invectives leur furent prodiguées. Il existe encore dans nos bibliothèques plus d'un million de volumes contre eux, poussière stérile qu'il n'est point commode et qu'il est peu amusant de soulever. Un seul parmi ce

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nombre offre un intérêt très vif, en ce qu'il contient non pas seulement la satire de cet ordre, mais la description exacte et l'analyse de ses statuts, tels que le vulgaire et ses adversaires les comprenaient. On peut y lire toutes les accusations dont l'ordre a été accablé depuis qu'il existe; mais du moins y sont-elles coordonnées systématiquement et faciles à saisir. Le reproche qu'on leur lance est celui de l'égoïsme; l'ordre ne pense qu'à lui; c'est la monarchie des solipses (soli-ipsi). Voici au surplus en quels termes le traducteur français du volume latin l'annonce à ses lecteurs (1):

« Il est de l'intérêt de la chrétienté, dit-il, que les méchans soient connus. C'est une maxime dont tout le monde reconnaît la vérité, et que le P. Tellier même n'a pu s'empêcher d'approuver dans sa défense des nouveaux chrétiens. L'Eglise est la république la plus parfaite qui soit sur la terre, puisqu'elle a pour chef l'auteur de toute perfection. C'est pourquoi la connaissance des méchans y est plus importante que partout ailleurs : il est d'autant plus nécessaire de les dévoiler, que leurs vices peuvent avoir des suites plus fàcheuses.

>> Il y a long-temps que l'on reproche aux jésuites d'être de ce nombre, et l'on a apporté tant de

(1) Amsterdam, 1760.

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preuves de la corruption qui s'est introduite dans leur société, qu'ils sont presque les seuls qui ne veulent pas en convenir. Ils ont les yeux fermés à la lumière de la vérité. Ils traitent tout ce qu'on peut dire contre eux de mensonge, de calomnie, d'imposture, et ils s'imaginent être bien justifiés quand ils ont vomi un torrent d'injures contre leurs accusateurs. Est-ce ainsi qu'on se défend quand on a la vérité pour soi?

>> Si quelque chose était capable de les faire revenir de leur aveuglement, ce serait le livre dont je donne la traduction. Ce n'est pas l'ouvrage de quelque ennemi de la compagnie; ce n'est ni la vengeance, ni le ressentiment, ni la jalousie qui l'ont produit; ce sont les réflexions d'un jésuite nommé Melchior Inchofer, qui gémit sur les désordres dont il est témoin. A qui pouvons-nous nous en rapporter, si nous rejetons le témoignage de ce père, qui est connu d'ailleurs pour un homme vertueux et sincère? Aucun intérêt particulier ne pouvait l'obliger à écrire contre sa société. Sa vertu et sa science l'avaient mis en grande réputation parmi les jésuites. Il avait rempli les charges les plus considérables, et s'il a jamais eu quelque sujet de mécontentement, ça été pour s'être expliqué avec liberté sur les dérèglemens de sa compagnie.

>>Melchior Inchofer naquit à Vienne en Autriche,

l'an 1584. Il vint à Rome étudier la jurisprudence, où il fit de grands progrès en peu de temps. Les jésuites, ayant reconnu les talens de ce jeune homme, entreprirent de l'attirer dans leur ordre. — Ils en vinrent à bout et il y entra en 1607. Il enseigna long-temps à Messine la philosophie, les mathématiques et la théologie. Il revint à Rome où il passa plusieurs années, et mourut à Milan, le 28 septembre 1648. Il a composé plusieurs livres, dont les titres se trouvent à la bibliothèque des écrivains de la société. Il est l'auteur d'un traité contre les jésuites, intitulé : la Monarchie des Solipses, dans lequel il prend le nom de Lucius Cornelius Europæus. »

Voilà à peu près tout ce que nous saurions de cet excellent homme, si un chanoine de Verdun, janséniste, qui fut député à Rome par les évêques de France, pour empêcher que les intrigues des jésuites ne fissent condamner le livre de la Fréquente communion de M. Arnaud, et qui lia une étroite amitié avec lui, ne nous en eût laissé un portrait naturel dans la relation qu'il fit de son voyage. On ne sera pas fâché de trouver ici ce qu'il en dit :

« Je ne dois pas oublier de joindre en cet en» droit, à ces prélats et à ces illustres religieux de » l'ordre de Saint-Dominique, un excellent religieux de la compagnie des jésuites. C'est le père » Melchior Inchofer. Je n'entreprends pas ici l'é

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