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l'auteur coïncidaient exactement avec ceux que Pasquier, les parlementaires et les protestans faisaient retentir contre l'ordre, depuis le moment même de sa fondation.

Examinons si ces reproches étaient mérités et quels avaient été les progrès réels, les triomphes, les excès et aussi les grandeurs de la société fondée par Loyola.

CHAPITRE XVII.

Continuation de l'histoire des jésuites.

De leurs progrès et de

leurs triomphes au seizième siècle.

Les grands et rapides progrès des jésuites justifiaient jusqu'à certain point ces accusations si amères. On voyait en eux les dominateurs du monde chrétien, les conseillers des rois, les moteurs de la politique européenne. Partout florissaient les établissemens de l'ordre, partout fructifiaient ces travaux accomplis avec le même dévoûment et la même habileté. En Portugal, Rodriguez comptait,

au collège de Coïmbre, jusqu'à soixante membres jésuites appartenant à la plus haute noblesse du pays. C'était, nous le répétons, tout le Midi et surtout la noblesse qui s'avançaient sous cette bannière.

En Espagne, Fabre et Araoz élevaient des colléges ou des maisons de profès dans les villes principales; il en était de même en Italie, où les villes libres, Venise et Padoue, opposaient seules quelques résistances.

Le même esprit de liberté qui distingue depuis si long-temps les populations du Nord, rendait la Germanie moins accessible aux tentatives des Pères. Cependant ils ne reculaient pas devant les difficultés que leur opposait le développement du protestantisme septentrional. Ils essayaient de devoir à la culture des lettres, à celle des sciences et à la supériorité de l'esprit, les succès que l'on aurait disputés à leur politique ou à leur ruse. En Allemagne, Ingolstadt, Munich, Vienne, Prague, Augsbourg, Trèves, Mayence et Aschaffembourg étaient pour les jésuites autant de centres importans. Dans les Pays-Bas, Charles-Quint et sa sœur, la reine de Hongrie, leur avaient refusé toute faveur, et cette résistance ne les avait pas découragés. Bientôt Philippe II, Espagnol et catholique par excellence, monta sur le trône et comprit que cette milice était la garde avancée de ses opinions; Phi

lippe II et Marguerite d'Autriche, suivant les mêmes principes, les attirèrent sur plusieurs points.

La France, au contraire, repoussait les jésuites; et quoique l'évêque de Clermont leur eût donné une maison dans Paris et Henri III l'autorisation d'y avoir un collége, le parlement avait refusé d'enregistrer l'édit du prince; la Sorbonne, d'accord avec l'évêque de la capitale, les avait repoussés ; ils étaient réduits au seul collége de Billom.

Plus une race ou une nation adhérait profondément et complètement au catholicisme papal, plus les jésuites y trouvaient d'appui. La France, toujours attachée à sa liberté gallicane, un peu sceptique mais non septentrionale ni protestante, gardait son attitude ordinaire.

Cependant les jésuites possédaient douze provinces en Europe; trois en Amérique, une en Afrique et une en Asie, quand ils perdirent, en 1556, Loyola leur premier chef. Aucun obstacle ne les avait étonnés. Soutenus par les vastes desseins de leur fondateur, persuadés de la grandeur et de la sainteté de leur mission, ils se consolaient aisément de quelques refus, qu'ils se flattaient d'ailleurs de vaincre par leur persévérance.

Lainez était depuis long-temps le génie organisateur de l'ordre; chargé du gouvernement central après la mort du chef, il imprima une vive et puis

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