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CHAPITRE IV.

Réaction et révolte contre le pouvoir temporel.

Le pouvoir pontifical touche à son apogée au XIII° siècle; c'est aussi à cette époque que les hommes instruits, les bourgeois, les membres des universités s'insurgent violemment contre les usurpations romaines et les prétentions exorbitantes des moines. Ces derniers, à titre de soldats dévoués et d'athlètes puissans de la papauté, exercèrent sur les peuples une autorité impérieuse,

souvent rendue plus haïssable par des exactions. On ne doit pas perdre de vue que dans ce combat du principe chrétien et du principe politique, les corporations religieuses, toujours au premier rang, soit en théorie, soit en pratique, servaient à Rome d'armées mobiles, infatigables et toujours renouvelées; elles s'opposaient au progrès et à l'indépendance définitive des Eglises nationales et favorisaient de tout leur pouvoir l'omnipotence romaine. Une partie du clergé régulier se joignit à ces corporations qui devinrent de plus en plus redoutables; les rois, se voyant de toutes parts débordés, s'inquiétèrent. Le Vatican, dans ses nécessités pécuniaires, profita de la situation et rançonna les peuples, ses vassaux spirituels. Bientôt ce fut un proverbe vulgaire que, pour se mettre bien avec Rome et les moines, il fallait leur donner beaucoup d'argent.

Si tu veux estre bien avec Rome, va da! (donne.) Mais si ne veuilles donre (donner), anda la voie, anda! (vat-en, passe ton chemin !)

Ce sont les mots du trouvère parisien de la fin du xin siècle. De cette époque à la fin du XIV, le mouvement qui s'opéra dans le monde politique revint frapper de son contre-coup les corporations et l'autorité spirituelle. La féodalité,

s'éclipsant peu à peu, laissa la puissance à la royauté, soutenue par la bourgeoisie. L'autorité temporelle, qui avait craint de tomber en esclavage, reprit le dessus. Le pape avait dominé le roi, le roi domina le pape.

Par degrés on relâcha et même on parvint à rompre les liens antiques des Eglises nationales avec le pape. Le pontificat, transféré dans Avignon, devint une dépendance misérable de la couronne de France; en 1306, sur dix cardinaux promus, on compta neuf Français et un Anglais; en 1316, sur huit, sept Français et un Romain. Réduits à la condition de secrétaires des volontés du roi de France, les papes semblèrent un moment n'avoir d'autre destination que de consacrer et d'homologuer, par leur signature, les faits accomplis dans le domaine politique; en échange de cette situation honteuse, on concédait à la cour papale le droit de pressurer les peuples, de les soumettre aux annates, aux mandats, aux réserves, et de se venger, par des bénéfices scandaleux, de l'oppression sous laquelle elle-même gémissait. Cela s'opéra de la manière la plus naturelle, et comme ces tristes partages qui ont lieu si souvent entre les iniques. L'autorité spirituelle, long-temps avilie, trouva enfin moyen de se relever de cet abaissement profond, sans perdre jamais le souvenir ni de sa

toute-puissance, ni de sa terrible chute. En dépit des concordats et des pragmatiques, ce ne furent plus que luttes sourdes, hostilités non avouées, mutuelles concessions et réserves réciproques. La nécessité de veiller incessamment au maintien de cet accord entre les deux puissances témoignait de la fragilité du contrat. Personne n'osait énoncer encore les vérités que nous avons signalées et dont beaucoup de personnes s'étonnèrent; personne n'osait rappeler la guerre fondamentale et cachée des intérêts chrétiens et des intérêts du monde.

A force de compromis, on vint à bout de voiler la plaie et de pacifier, à l'extérieur du moins, ce qui était au fond inconciliable. La pragmatique-sanction de Louis IX, la pragmatique de Bourges, rendue sous Charles VII, le concordat de François Ier, ne furent pas autre chose que des tempéramens dans la pratique (pragmatique), pour sauver de plus graves dissonances.

CHAPITRE V.

Des pragmatiques et des concordats.

Il ne faut point confondre les pragmatiques et les concordats. Ces deux palliatifs témoignaient également du mal auquel on voulait porter remède; mais l'un n'était que l'expression d'un fait, l'autre constituait un droit.

« Les pragmatiques, dit très bien à ce sujet un excellent historien de ces querelles, étaient des espèces de chartes religieuses destinées à limiter

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