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» d'établir un oratoire particulier, qu'il en fasse » la demande au préteur; le préteur en réfèrera >> au sénat assemblé au moins au nombre de cent » de ses membres. Le sénat le permettra, s'il y a >> lieu, à la condition toutefois que ces sacrifices » particuliers ne pourront pas se célébrer en pré» sence de plus de cinq personnes, et qu'elles >> n'auront ni caisse commune, ni directeur, ni » prêtre à leur tête. »>

Ce n'est pas sans raison que nous avons laissé l'un des représentans les plus éminens de la magistrature moderne commenter ces pages de TiteLive. Ainsi s'établit d'une manière indubitable le fait curieux de l'antagonisme éternel de la loi romaine opposée aux sodalités ou corporations chrétiennes, c'est à dire de la lutte entre le pouvoir civil et les groupes religieux qui s'isolent de lui; faits dont l'importance extrême ne cessera pas de se reproduire dans le cours de cette étude historique.

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Ce fut en haine de la société romaine que les ermites s'enfuirent au désert; on oublie trop, en parlant de ces difficiles matières, que les monastères ne furent autre chose que des forteresses bâties pour échapper à la société romaine et se soustraire à un monde abhorré, des asiles ouverts aux ennemis du monde antique romain.

En dépit des jurisconsultes et des empereurs,

les chrétiens établirent donc des sodalités, des corporations, des sociétés; en dehors de la société, au delà comme au dedans, ils se montraient ennemis de l'ordre existant. Lisez les œuvres de saint Cyprien, de saint Augustin, de saint Jérôme, de Salvien. L'un écrit la Cité de Dieu, condamnation effrayante de la cité romaine; l'autre le Gouvernement de Dieu, satire grave et terrible du gouvernement des hommes.

Au lieu d'assimiler le christianisme aux choses réelles, Salvien l'en détache, il ne songe qu'à bien marquer le contraste de la loi romaine, impure et sacrilége, et de la loi chrétienne, loi sainte et divine.

Enfin, quand le gouvernement romain, usé de vices, croulait sous lui-même, les chrétiens, vrais ennemis de Rome, fuyaient au désert, emportant leurs livres sacrés, et pleins de mépris pour une société en décadence. Il faut voir, dans saint Jérôme surtout, comment s'établirent ces premiers groupes de chrétiens qui habitaient les cavernes solitaires de la Thébaïde, et chantaient, au lever de l'aurore et au coucher du soleil, les hymnes du Seigneur et leur dédain profond pour le monde. Ce monde, c'était Rome.

La société était vicieuse, corrompue et misérable. Les solitaires et les cénobites se régénéraient dans l'abnégation, la paix et la solitude.

Quand la société devint barbare et sanglante, les corporations se trouvèrent seules avoir gardé le flambeau de la science et le sentiment du devoir.

Plus les corporations religieuses étaient hostiles au génie romain, plus elles étaient conformes au génie du christianisme; elles représentaient la cité céleste sur la terre; elles professaient le mépris des biens mondains; leur premier caractère était l'isolement, le détachement des autres hommes. Dès l'origine du christianisme, Tacite, l'aigle de l'histoire, découvre de son rapide coup d'œil le profond abîme qui va séparer de la nouvelle secte, c'est à dire du nouveau monde, la vieille institution de Rome. Les chrétiens, dit-il, sont des gens qui haïssent le genre humain. » Ils haïssaient de toutes les forces de leur âme une civilisation qui n'avait de brillant que ses cruautés, et de solide que ses vieux fondemens.

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Deux siècles après Tacite, un des derniers partisans du paganisme, revenait sur la même idée : c'était Rutilius Numatianus qui voyageait de Gaule en Italie. Les îles de la Méditerranée étaient alors peuplées d'ascètes et d'ermites chrétiens qui fuyaient le monde: soit en se condamnant à une solitude complète, soit en formant des groupes soumis à une même discipline, ils se

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