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tion de la présente ordonnance, qui sera insérée au Bulletin des Lois.

>> Donné en notre château de Saint-Cloud, le 16 juin de l'an de grâce 1828, et de notre règne le 4o.

>> Par le roi :

» CHARLES.

>> Le ministre secrétaire d'état des affaires ecclésiastiques

» Signé : + F. J. H., évêque de Beauvais. »

Les vues et les espérances de Charles X furent bientôt évidentes à tous les yeux, et la guerre qu'il eut à soutenir de 1825 à 1830, en faveur des séminaires, du clergé, des congrégations et des jésuites, annonça et prépara l'attaque populaire qui devait briser son trône. Nous avons vu quelle masse redoutable d'adversaires devait rencontrer le pouvoir spirituel dont il se portait le défenseur. Cette masse avait derrière elle et pour soutiens tous les instincts populaires; elle avait pour chefs quelques uns des hommes les plus estimés et les plus actifs de l'époque. Dès l'année 1828, Charles X et les jésuites furent obligés de reculer, ainsi que prouve l'ordonnance suivante :

ORDONNANCE DU ROI.

le

« Charles, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre,

» À tous ceux qui ces présentes verront, salut. » Sur le compte qui nous a été rendu :

>> 1°. Que parmi les établissemens connus sous le nom d'écoles secondaires ecclésiastiques, il en existe huit qui se sont écartés du but de leur institutions, en recevant des élèves dont le plus grand nombre ne se destinent pas à l'état ecclésiastique;

>> 2°. Que ces huit établissemens sont dirigés par des personnes appartenant à une congrégation religieuse non légalement établie en France;

>> Voulant pourvoir à l'exécution des lois du royaume,

» De l'avis de notre conseil,

>> Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit: » Art. 1or. A dater du 1er octobre prochain, les établissemens connus sous le nom d'Ecoles secondaires ecclésiastiques, dirigées par des personnes appartenant à une congrégation non autorisée et actuellement existant à Aix, Billom, Bordeaux, Dôle, Forcalquier, Montmorillon, Saint-Acheul et Sainte-Anne-d'Auray, seront soumis au régime de l'Université.

» Art. 2. A dater de la même époque, nul ne pourra être ou demeurer chargé, soit de la direction, soit de l'enseignement dans une des maisons d'éducation dépendantes de l'Université, ou dans une des écoles secondaires ecclésiatiques, s'il n'a affirmé par écrit qu'il n'appartient à aucune con

grégation religieuse non légalement établie en France.

» Art. 3. Nos ministres secrétaires d'Etat sont chargés de l'exécution de la présente ordonnance, qui sera insérée au Bulletin des Lois.

>> Donné en notre château de Saint-Cloud, le 16 juin de l'an de grâce 1828, et de notre règne le quatrième.

» Par le roi :

>> CHARLES.

Le pair de France, garde des sceaux, ministre secrétaire d'Etat au département de la justice,

>> Comte PORTALIS. »

Les jésuites, on le voit, n'étaient pas jugés; on les bannissait, on les frappait d'ostracisme, on les maudissait. L'instinct populaire avait raison. C'était contre le pouvoir spirituel que se dirigeait tant de haine et tant d'irritation; la société civile, violemment détachée de la société religieuse, foulait aux pieds ceux qui essayaient de faire renaître l'autorité de cette dernière. Un membre impartial de l'Université actuelle (M. Matter) apprécie très bien l'ordre, quand il dit :

« Ce qui a fait la mauvaise réputation de l'ordre auprès de toutes les classes de la société, c'est sa morale si pleine de restrictions mentales et de distinctions subtiles enseignées dans une foule d'ouvrages latins, exposées surtout par Pascal d'une

manière si spirituelle que personne ne peut rester étranger à cette casuistique. Alors, dans le langage vulgaire, le nom de jésuite devint une sorte d'outrage, un synonyme de corruption, d'intrigue, de rouerie, de déloyauté ! Il faut dire, pour être juste, que ce qu'on appelle jésuitisme ou espritjésuitique, soit en morale, soit en politique, est aussi ancien que le cœur de l'homme.

» Ce qui a réellement perdu l'ordre dans les régions du pouvoir, c'est sa politique. Elle est absolutiste, à la vérité, dans ses théories générales sur les droits des souverains; mais elle est avant tout théocratique dans toutes ses théories sur les rapports des puissances temporelles avec la puissance spirituelle. Puis elle est fanatique jusqu'aux principes du régicide, dans toutes les querelles qui peuvent éclater entre les rois et les pontifes. A cet égard, il ne saurait y avoir de doute; car si l'on a accusé, sur théories, les membres de l'ordre nés en France, en Italie ou en Espagne, plutôt que d'autres, il est certain que ceux d'Angleterre, d'Irlande et d'Allemagne ont partagé les mêmes doctrines. En effet, le bayarois Reller les a composées avec une gravité qui atteste qu'elles n'étaient chez lui ni le résultat d'une passion passagère, ni celui d'une déférence empressée.

>> D'un autre côté, ce qui demeure incontestable, ce sont les immenses services rendus par les jésui

tes dans l'éducation, qu'ils entendaient d'une manière complète, y compris même la gymnastique; dans l'enseignement, où ils ne laissaient à désirer que sous le rapport des études grecques; dans les lettres et dans les sciences, dont ils cultivèrent toutes les branches et qu'ils enrichirent de quelques unes des plus importantes publications des trois derniers siècles, et surtout dans la prédication, où se distinguèrent un grand nombre d'entre eux; enfin, dans les missions, qui leur ont fourni les moyens de répandre parmi les peuples la civilisation de l'Europe, et en Europe des lumières nouvelles sur la géographie, l'ethnologie, la linguistique et toutes les sciences qui s'y rattachent. >>

Nous ajouterons quelques mots à cet excellent jugement. Les jésuites ont eu et ont dû avoir les torts de la faiblesse qui lutte contre le courant social. Leur souplesse, leurs capitulations de conscience, l'ondoyante et fugitive variété de leurs doctrines, leurs flatteries auprès des grands et des femmes, leur captation des peuples, sont bien moins des vices personnels que la suite inévitable de cette grande politique que nous avons vue, depuis le commencement du XVIe siècle, servir avec une si ingénieuse flexibilité les intérêts du Saint-Siége et du pouvoir temporel.

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