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pas et n'a jamais voulu l'être de nom bien qu'il ait pris entre ses mains les rênes du gouvernement » 1.

Dans ces conditions, la direction des affaires était assez indécise, d'autant que, comme on le verra, le Comte Bernstorff n'aimait pas la France. C'est alors que le Baron Didelot fut nommé le 23 janvier 2 pour résider à Copenhague en qualité de Ministre plénipotentiaire. Il était alors Ministre plénipotentaire près la Cour de Wurtemberg et le cercle de Souabe depuis le mois de septembre 1802. Il reçut l'ordre de se rendre d'extrême urgence à son poste 3.

Le 7 février, notre Chargé d'affaires faisait savoir que l'An-, gleterre avait notifié à Copenhague la résolution royale qui ordonnait la saisie des bâtiments neutres naviguant de port en port soit en France, soit dans les pays alliés ou au pouvoir de la France; et il montrait déjà que le Danemark courait le « risque de se voir bientôt menacé » bien qu'il ne fit point de préparatifs qui pourraient porter ombrage aux Anglais « qui, disait-il, dans leur politique violente croiraient aussitôt prudent et légitime de s'assurer le Sund... ». On ne pouvait se dissimuler que la position du Danemark était embarrassante et que sa politique demandait une grande habileté. Mais alors que précisément l'on signalait (28 février) l'équipement d'une grande flotte anglaise destinée à la Baltique, on continuait à Copenhague à montrer la plus grande sécurité, comme si ce pays n'avait rien à craindre de l'orage qui menaçait d'éclater à ses portes. Les Danois se flattaient que les Anglais les ménageraient... Il était déjà difficile de concevoir leur tranquillité à moins qu'ils n'eussent reçu du Gouvernement Britannique l'assurance de n'être point inquiétés ce qui expliquait la présence de leurs forces dans le Holstein, tournées plutôt contre la France 5. D'ailleurs, le 14 mars, le Comte Bernstorff disait à notre Chargé d'affaires que « le gouvernement était

1. Lettre du 8 janvier 1807, Désaugiers l'aîné,

2. Lettre du Ministre des Aff. ext., Varsovie, 23 janvier 1807. 3. Lettre du 29 mars à Talleyrand, CoN. no 12218.

• Voilà trois mois que je n'ai reçu de nouvelles du Danemark. Dans les circonstances actuelles cette légation doit envoyer un courrier toutes les semaines... Donnez ordre à mon ministre à Copenhague de se rendre à son poste dans les 24 heures qui suivront la réception de votre courrier. Les nouvelies d'Angleterre, de la Baltique et de la Russie doivent m'arriver par Copenhague. Ecrivez au général Clarke d'envoyer un courrier à cette légation pour les engager à lui écrire tous les jours et à adresser leurs dépêches à M. Bourrienne qui les enverra au général Clarke. »

4. Lettre de Désaugiers l'aîné, 7 février, Fo 22. Arch. M. A. E.

5. Lettre de Désaugiers Faîné, 28 février, Fo 31. Idem.

absolument tranquille sur les intentions de l'Angleterre et n'en craignait rien » 1.

Napoléon, recevant ces nouvelles, écrivait au Général Clarke qui commandait à Berlin, le 25 mars: « Voilà le moment où il est très important d'être instruit de bonne heure de ce qui se passe dans la Baltique » et, le 31, il faisait donner l'ordre à M. Didelot de se rendre immédiatement à Copenhague et d'envoyer au Général Clarke à Berlin des renseignements sur tous les mouvements de l'ennemi. M. Didelot se mettait bientôt en route, était, le 12 mai, à Hambourg, et annonçait, le 20, son arrivée à Copenhague. Le 25, il avait une audience du Roi pour la remise de ses lettres de créance.

Tandis que les événements se précipitaient, que Napoléon avait battu les ennemis partout où il les avait rencontrés; que Dantzig, Neiss avaient capitulé ; le 23 juin, ignorant évidemment que le lendemain les Empereurs de France et de Russie devaient avoir une entrevue, en bon Courtisan, le Baron Didelot, Ministre de France à Copenhague, écrivait à Talleyrand 2 :

་་

Monseigneur, malgré le zèle qui m'anime pour le bien du service de S. M. l'Empereur, je crains bien qu'elle ne rende également inutile ici comme à Stuttgard mon rôle d'observation. A peine ai-je eu le temps d'exécuter vos ordres et déjà les points surveillés sont au pouvoir de ses armées... J'attendais des renseignements sur les dispositions des ennemis, et je n'en reçois que sur leur fuite et la marche rapide de nos troupes... Si S. M. veut que mes services lui soyent de quelque utilité il serait bien à propos que les opérations militaires allassent un peu moins vite... >>

Néanmoins, il annonçait le départ de Londres de la 1" division de l'expédition anglaise et l'arrivée d'un grand nombre de petits bâtiments de guerre dans le Sund en exprimant ses regrets de ne pouvoir avoir un agent français à Elseneur pour mieux surveiller le passage, il prévenait que les troupes anglaises étaient sous le commandement du général Cathcart et destinées à Stralsund.

Le 7 juillet, passaient à Elseneur 100 bâtiments composant la 2° partie de l'expédition.

Pendant ce temps à Copenhague toute l'attention publique était fixée sur Tilsitt; on répandait des nouvelles inquiétantes à l'égard du Danemark; on prétendait que Napoléon vou

1. Lettre de Désaugiers l'aîné, 14 mars.

2. Didelot, 23 juin, Fo 108, M. A. E. Vol. Danemark.

lait faire occuper le Holstein par ses troupes; et, aussitôt, le Consul anglais, à Altona, avait donné l'ordre aux bâtiments de sa nation de sortir des ports d'Usum et Tonningen. Puis on démentit ces bruits qui n'avaient certainement pour but que d'amener le Danemark à ne s'occuper que du Holstein et à motiver d'avance quelque mesure hostile de la part de l'Angleterre et de la Suède à l'égard de ce pays 1. D'ailleurs, les journaux anglais y préparaient l'opinion.

Le Courrier du 13 juillet portait en tête « Préliminaires de la paix entre la France et la Russie: Conduite hostile du Danemark envers ce pays (l'Angleterre). » Les manœuvres anglaises rappelaient, disait notre ministre, la fable du Lièvre et des Grenouilles; mais de leur part ce n'était que perfidie et il était évident que « les Anglais vont prendre à l'égard de ce pays-ci des mesures hostiles ». Le Baron Didelot se proposait donc, en l'absence d'instructions fermes, de ranimer « s'il en était besoin la fermeté du gouvernement danois en l'entraînant à prendre contre les Anglais les mesures les plus vigoureuses » 2.

Toutefois, il reconnaissait (28 juillet) que le Danemark n'avait pas de moyens de résister à l'Angleterre3 et qu'il serait finalement forcé d'entrer dans la querelle. C'était ce que l'on craignait à Conpenhague. Précisément alors Napoléon, ayant toute son attention portée de ce côté depuis sa rentrée, le 27, à Paris, écrivait, le 31 juillet, à Talleyrand la lettre suivante après lui avoir prescrit de manifester son mécontentement à Bourienne de ce que la factorerie anglaise. était toujours à Hambourg, et de ce que les marchandises anglaises continuaient à circuler dans les villes hanséatiques, il lui disait :

4

« Le même courrier continuera sa route sur Copenhague et sera porteur d'une lettre à mon ministre par laquelle vous lui jerez connaitre mon mécontement de ce que les promesses qu'a faites le Danemark n'ont point d'effet et que la correspondance continue avec l'Angleterre. Vous lui donnerez l'ordre de conférer avec le ministre danois sur la nécessité de faire cesser ces communications, et sur ce que veut faire le Danemark si l'Angleterre se refuse à faire la paix sur des bases raisonnables. Vous laisserez entrevoir que, le cas arrivant, il est possible que tous les ports de l'Europe soient fermés à l'An

1. Lettre de Didelot du 14 juillet.

2. Lettre du 25 juillet.

3. Lettre du 28 juillet.

4. Lettre du 1er août n° 12972.

gleterre et que les puissances du continent lui déclarent la

guerre.

« Dimanche au plus tard vous aurez une conférence sur ce sujet avec M. de Dreyer1. Vous lui direz que, quel que soit mon désir de ménager le Danemark, je ne puis empêcher qu'il ne se ressente de la violation qu'il a laissé faire de la Baltique, et que si l'Angleterre refuse la médiation de la Russie, il faut nécessairement qu'il choisisse ou de faire la guerre à l'Angleterre, ou de me la faire ; que l'amitié que m'a témoiynée le Prince Royal et l'intérêt du Danemark me font espérer qu'il n'hésitera pas dans son choix. »

En prévision, Napoléon prenait de sérieuses dispositions et, dès le 22 juillet, donnait des ordres pour la formation à Hambourg du corps du Maréchal Bernadotte, dont les troupes espagnoles devaient former le noyau, celles qui étaient alors sous les ordres du Maréchal Brune et celles qui venaient de France 2. Le Maréchal devait avoir ainsi 15.000 Espagnols et 15.000 Hollandais qui se réunissaient dans l'Oldenbourg et l'Ost-Frise sous les ordres d'un général Hollandais.

Deux jours plus tard, il écrivait au Maréchal Bernadotte, après lui avoir annoncé l'arrivée des troupes sous ses ordres 3: « Je ne veux pas tarder à vous faire connaître mes intentions qu'il faut tenir secrètes jusqu'au dernier moment.

« Si l'Angleterre n'accepte pas la médiation de la Russie, il faut que le Danemark lui déclare la guerre ou que je la déclare au Danemark. Vous serez destiné, dans ce dernier cas, à vous emparer de tout le continent danois. Comme vous êtes sur les frontières de ce pays, envoyez-moi des mémoires sur les obstacles que pourrait opposer le Danemark et sur les ressources qu'il présente pour vivre. Votre langage doit être celui-ci vous récrier beaucoup sur ce que le Danemark a ouvert le passage du Sund et laissé violer une mer qui, pour les Danois, aurait dû être aussi inviolable que leur territoire. »> Napoléon exagérait évidemment l'attitude du Danemark comme il avait l'habitude de faire pour obtenir plus rapidement des résultats; mais il était bien évident que le Danemark, comme je l'ai déjà exposé, avait montré plutôt des intentions contre la France que contre l'Angleterre, et que, malgré l'expérience de 1801, il avait trop négligé Copenhague, la défense de la Seeland et des passages vers la Baltique. Son

1. Ministre du Danemark à Paris (Note sur Dreyer, Annexe I). 2. Voir Boppe, p. 19 et ci-dessous.

3. 2 août. 12,974.

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