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MEMBRE DU CONSEIL SUPÉRIEUR DES COLONIES

Concessions

Congolaises

PARIS

AUGUSTIN CHALAMEL, EDITEUR

17, rue Jacob, 17

LIBRAIRIE MARITIME ET COLONIALE

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AVANT-PROPOS

Pourquoi publier une brochure sur les Concessions Congolaises?

Pour plusieurs raisons.

Administrateur de deux Sociétés concessionnaires au Congo, j'éprouve les plus grandes difficultés à amener mes collègues à partager entièrement ma manière de voir sur les grandes concessions, et dans les réunions de l'Union Congolaise les idées que je développe sur ce sujet paraissent tellement révolutionnaires qu'elles sont souvent prises pour des boutades.

J'ai donc profité des vacances d'août pour approfondir à mon aise cette importante question de la colonisation par les grandes concessions. J'ai coordonné toutes les idées que le maniement des affaires coloniales m'avait suggérées, et je les ai disséquées et analysées, puis j'ai cherché les raisons pour lesquelles elles n'étaient pas bien accueillies. L'étude à laquelle je me suis livré très consciencieusement sans aucun parti-pris, et avec l'unique désir de trouver la vérité, n'a fait que fortifier l'opinion que j'ai depuis quelque temps sur les grandes concessions.

Longtemps j'ai cru que les difficultés éprouvées dans l'exercice des concessions provenaient de ce que les décrets conférant des droits de ce genre n'avaient pas suffisamment déterminé les droits et obligations des deux contrac

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tants, et surtout de ce que les régimes foncier et forestier n'avaient pas été établis. Aussi lorsqu'au commencement de 1899 parurent les décrets relatifs au régime domanial, au régime foncier et au régime forestier, ainsi que le décret-type des concessions congolaises, je fus porté à croire que les grandes concessions territoriales aux colonies françaises ne seraient plus un leurre. Mais la pratique m'a démontré que j'étais de nouveau dans l'erreur.

C'est vraiment curieux comme, en matière de concessions, les dispositions prises pour en assurer l'efficacité peuvent paraitre parfaites tant qu'elles restent dans le domaine de la théorie, et comme elles deviennent vaines dès que leur application est essayée.

Ainsi au commencement de cette année j'entre dans le Conseil d'administration d'une Société concessionnaire à Madagascar, et après avoir étudié théoriquement le décret de concession je deviens très partisan du système employé à Madagascar. Aussi, dans le rapport du Conseil, à une Assemblée de mai 1901, j'amène mes collègues à exprimer l'avis suivant :

« Les droits de notre Compagnie sur ces vastes territoires sont tout autres que ceux résultant des concessions africaines. En effet, celles-ci confèrent, soit le droit à l'exploitation ou à la jouissance, soit le droit à la pleine propriété après l'exécution de travaux considérables ou la mise réelle en valeur; elles obligent à des charges multiples, telles que redevance annuelle, cautionnement, et contribution à l'établissement des postes de douane, etc.; elles sont, en outre, entourées de nombreuses stipulations prohibitives. Tout au contraire, notre concession nous confère, sans charge autre

que le paiement, une fois effectué, de 2 francs par hectare, et sans aucune stipulation prohibitive, la pleine et entière propriété, à l'expiration du délai de trois ans, de 200.000 hectares, sur la simple justification de la dépense de 1 million de francs pour mise en valeur. Cette justification sera donnée aisément; par conséquent, nous pouvons envisager que la Compagnie sera définitivement propriétaire de 200.000 hectares, dont elle pourra disposer librement sans avoir, pour le faire, à demander aucune autorisation ».

Eh bien, les opérations de délimitation auxquelles il est actuellement procédé démontrent que je me suis encore trompé. Le régime des grandes concessions à Madagascar est loin d'être parfait dans la pratique. Réserve a été stipulée de trois hectares par habitant, de cinq hectares par boeuf, et de deux hectares et demi par veau (presqu'autant que pour un être humain), les régions attribuées au concessionnaire sont ainsi disséminées, et de plus elles ne sont pas supérieures en qualité à celles que l'indigène a gratuitement. Je sais bien que le directeur intelligent d'une Société concessionnaire peut atténuer dans une large mesure ces dispositions. Il lui suffirait, avant les opérations de délimitation, d'acheter le bétail de la région et de prendre les indigènes momentanément au service de la Société. Mais un régime n'est bon qu'autant qu'il ne donne naissance à aucune subtilité. Mon revirement d'opinion au sujet des concessions de Madagascar est une nouvelle preuve de la nécessité de l'usage d'un régime pour le bien connaître.

Puisque la théorie n'a de bases solides qu'autant qu'elle repose sur un ensemble de faits et d'observations, il m'a

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