Page images
PDF
EPUB

29

29

III NOTE. ARMISTICE NAVAL.

(Volume V, page 8.)

„Tant que Bonaparte avait pu se flatter de dicter la paix „,continentale sans l'accession de l'Angleterre, il avait évité de ,, faire des ouvertures dont la cour de Londres n'eût pas man„, qué de se prévaloir; mais aussitôt que la note de lord Minto, „,qui avait exigé le refus de la ratification des préliminaires de ,,M. de Saint-Julien, eût été transmise par le baron de Thugut au gouvernement français, le premier consul fit expédier à ,,M. Otto, employé à Londres comme commissaire pour l'é,, change des prisonniers, des pleins pouvoirs pour négocier un ‹ „armistice naval. Cette mission délicate ne pouvait étre con„fiée à un agent plus sage et plus capable de la remplir; c'é,, tait une idée nouvelle, une forme de procéder tout-à-fait inu„sitée que le ministère anglais n'avait pas prévue, et dont il „, fut embarrassé. Lord Grenville ne voulut d'abord traiter ,,avec M. Otto que par l'intermédiaire des commissaires se„, crets, et parut craindre l'éclat des ouvertures et l'effet qu'il ,, eût pu produire sur l'opinion et sur les fonds publics. La „, demande d'un armistice naval, appuyée du motif spécieux de ,, vouloir traiter d'une manière entièrement semblable avec les ,,deux cours alliées, cachait l'arriére- pensée de Bonaparte. ,,Comme son but était de secourir et de conserver les places de Malte et d'Alexandrie, il voulait les assimiler à celles d'Ulm „et d'Ingolstadt..... Bonaparte persista à faire de l'armistice na9, val la condition sine quâ non de l'admission du plénipoten„ tiaire anglais; et fixa pour terme fatal, après lequel il refu„, serait lui-même d'y consentir, le 11 septembre, jour de la re"prise des hostilités en Allemagne et en Italie. M. Otto pré„senta, le 5 septembre, un projet dont les articles 2 et 4 sti„pulaient la libre navigation des bâtiments de guerre et de com„merce sans qu'ils puissent être visités, et l'admission des vais

[ocr errors]
[ocr errors]

,,seaux neutres dans les ports de Malte, d'Alexandrie, et de Belle-Ile."

[ocr errors]
[ocr errors]

99

"

[ocr errors]

(Page 12.)

,, Nous 'avons cru devoir rapporter avec quelques détails ,, cette première négociation pour la paix générale entre le ca„binet de Londres et le premier consul; elle fut conduite par lord Grenville avec beaucoup de circonspection, mais avec le désir de la voir échouer. M. de Talleyrand, qui en espérait une meilleure issue, y mit beaucoup d'adresse. On y vit à découvert cette politique impérieuse et tranchante de Bona„, parte, qui lui réussit long-temps, mais qui le perdit. Il y avait donc une assez grande différence entre les deux projets ,, d'armistice naval pour rallumer la guerre. Le fol espoir de conserver les résultats incertains d'une expédition avortée, et ,, cette colonie d'Egypte, qu'il regardait comme son plus beau ,, trophée, devaient-ils l'emporter sur les intérêts de la France, ›,l'affranchissement du commerce, et le repos de l'Europe?"

"

[ocr errors]

La France avait fait des propositions de paix au mois de janvier 1800: ses demarches loyales et conciliatrices avaient été repoussées; mais six mois s'étaient à peine écoulés que lord Grenville était obligé de chanter la palinodie. Lord Minto, ambassadeur à Vienne, remit une note, dans laquelle il témoigna le désir du cabinet de Saint-James, d'entrer en négociation de paix avec la France conjointement avec l'Autriche: cette ouverture n'était pas sincère; l'Angleterre ne voulait intervenir dans les négociations que pour les faire traîner en longueur, et y trouver des prétextes pour rattacher la Russie à la coalition. En effet, si l'Angleterre voulait la paix, qui l'empêchait de conclure directement, en autorisant l'Autriche à conclure directement de son côté?

En

En se présentant à Lunéville et faisant cause commune avec l'empereur, elle voulait donc sacrifier une partie de ses conquêtes d'outremer, pour racheter les pays conquis par la France en Allemagne et en Italie ? L'égoïsme de la politique insulaire était trop connue pour que l'on pût se bercer de parailles illusions: la paix était facile à conclure avec l'Autriche; il y avait un antécédent auquel on pouvait se rapporter, le traité de Campo-Formio; la paix avec l'Angleterre était au contraire hérissée de difficultés: le dernier état de choses était le traité de 1783, et depuis ce temps le monde avait changé. Admettre un négociateur anglais à Lunéville, c'était lui mettre en mains la navette et les fils, pour tramer une nouvelle coalition.

Cependant le cabinet des Tuileries, pour mieux se convaincre de la vérité de ses conjectures, proposa d'ouvrir les négociations de Lunéville avec les ministres d'Autriche et d'Angleterre, mais que pendant ce temps les hostilités continuassent sur terre et sur mer, ce qui était conforme à l'usage de tous les temps. Les traités de Westphalie, d'Utrecht, d'Aix-laChapelle, etc., avaient été conclus ainsi: la supériorité des armées françaises était trop constatée, pour que les intrigues de l'Angleterre pussent retarder la marche des négociations; chaque victoire serait un puissant stimulant qui forcerait les coalisés à en finir: aussi cette proposition fût-elle rejetée. On proposa alors d'admettre les plénipotentiaires à Lunéville, de continuer l'armistice sur terre, à N. Tome I.

4

condition qu'il serait étendu à la mer, afin que les puissances alliées fussent toutes les deux sur le même pied en état d'armistice. Étaitil en effet convenable que l'Autriche exigeat, pour négocier, la prolongation de la suspension d'armes, et que l'Angleterre exigeat d'être admise à ce congrès, et cependant continuât à être en état d'hostilités? Si le ministère anglais était sincère dans ses protestations, quel inconvénient pouvait-il trouver à faire quelques légers sacrifices, qui indemnisassent la France du tort qu'elle éprouvait par la prolongation de l'armistice sur terre; et enfin, si on se refusait à cette deuxième proposition, on mit en avant celle de traiter séparément et à la fois avec l'Autriche et l'Angleterre: avec l'Autriche en prolongeant l'armistice, avec l'Angleterre en continuant les hostilités.

Le ministre anglais montra beaucoup d'étonnement, et se récria sur l'étrange proposition d'un armistice naval: elle était nouvelle dans l'histoire des deux peuples; mais enfin il admit le principe. Le comte Otto qui 'était à Londres suivit les négociations avec lord Grenville; il ne tarda pas à s'apercevoir qu'en adoptant le principe l'Angleterre voulait se refuser aux conséquences, rédiger les conditions de cet armistice de manière à ce qu'il n'offrit aucun avantage à la France. Les trois places allemandes bloquées recevaient des vivres; l'Angleterre consentit à ce que l'on en fit entrer dans les trois places bloquées de Belle-Ile, de Malte, et d'Alexandrie; mais Belle-Ile et Alexandrie n'avaient pas besoin de vivres, et pou

vaient au contraire en fournir à l'Angleterre. Le seul avantage que la France pût tirer d'un armistice naval, était que les relations commerciales fussent rétablies de tous ses ports avec toutes ses colonies; l'Angleterre s'y refusait pour Malte et l'Égypte. La France proposa enfin pour ultimatum, que, pour tenir lieu de la levée du blocus d'Alexandrie, six frégates armées en flûte pussent y pénétrer comme parlementaires: c'était un secours de 4,000 hommes qu'on pourrait ainsi faire passer à l'armée d'Égypte. C'était un bien faible avantage pour compenser ceux qu'obtenait l'Autriche par la prolongation de l'armistice, ce qui lui permettait d'employer les nombreux subsides que lui payait l'Angleterre pour lever des troupes, et accroître ses moyens de résistance.

C'était cependant un spectacle assez satisfaisant pour un vrai Français, que les changements qui s'étaient opérés en si peu de mois; en janvier et en février 1800. La France sollicitait la paix, lord Grenville y répondait par un torrent d'injures, se permettant les plus étranges insinuations; il desirait que les princes de cette race de rois.... remontassent sur le trône de France. I exhortait le premier consul à constater par des preuves la légitimité de son gouvernement; et aujourd'hui c'était le même lord Grenville qui sollicitait comme grace d'être admis à traiter avec la république: il proposait même d'acheter cette grace par des concessions navales.

Les négociations pour un armistice naval furent rompues; les places d'Ulm, de Philips

« PreviousContinue »