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L'unité du commendement est la chose la plus importante à la guerre. Deux armées ne doivent jamais étre placées sur un même théâtre. Les troupes modernes n'ont pas plus besoin de pain et de biscuit que les Romains: donnezleur pendant les marches de la farine ou du riz ou des légumes, elles ne souffriront pas. C'est une erreur de supposer que les généraux anciens ne portaient pas une grande attention à leurs magasins: on voit dans les commentaires de César, dans plusieurs de ses campagnes combien ce soin important l'occupe. Ils avaient seulement trouvé l'art de n'en pas être esclaves, et de ne pas dépendre de leurs munitionnaires; cet art a été celui de tous les grands capitaines. Le système, suivi par les Français dans les campagnes de Hanovre, est l'art de faire battre de grandes armées par de petites, et de ne rien faire avec des moyens immenses.

Les généraux en chef sont guidés par leur propre expérience, ou par leur génie. La tactique, les évolutions, la science de l'ingénieur et de l'artilleur, peuvent s'apprendre dans des traités, à peu près comme la géométrie; mais la connaissance des hautes parties de la guerre, ne s'acquiert que par l'expérience et par l'étude de l'histoire des guerres et des batailles des grands capitaines. Apprend-on dans la grammaire à composer un chant de l'Iliade, une tragédie de Corneille?

VIIIe NOTE.

DE LA FORCE DES ARMÉES SOUS NAPOLÉON ET SOUS LOUIS XIV.

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(Page 75.)

"...........Mais on s'est servi de la conscription pour faire périr des générations entières dans de folles expéditions! Hé bien! sachons prévenir les abus, en donnant des limites convenables à ce mode de recrutement. Les deux chambres arrêtent annuellement les levées d'argent nécessaires pour les dépenses de l'état; pourquoi n'arrêteraient-elles pas en même temps les levées d'hommes nécessaires à sa défense? L'un est encore plus important que l'autre.“

(Page 77.)

Voilà des calculs que l'on trouvera sans doute bien froids, lorsqu'il s'agit de la vie des hommes; mais, je le demande, est-ce en invoquant l'humanité qui l'on obtiendra des conquérants, qu'ils restreignent les levées de troupes dans de justes bornes? Ce mot n'est-il pas vide de sens pour eux? Au lieu de tenir inutilement de s'adresser à leur cœur, ne vaut-il pas mieux s'adresser à leur raison, en leur prouvant, par des calculs positifs, qu'au-delà d'un certain terme, la guerre ne fait que les affaiblir, en affaiblissant la population du royaume qui sert de base à leur puissance, et que l'échafaudage de leurs conquêtes s'écroule lorsqu'il ne s'appuie plus que sur des armées

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qui dépérissent journellement par l'impossibilité de se recruter? ............. C'est ce qui est arrivé à Napoléon à la fin de sa carrière, et ce qui arrivera à tous les conquérants qui n'écoutant qu'une aveugle ambition, se jetteront dans des entreprises disproportionnées à la population de l'état qui sert de base à ieur puissance,"

Le maximum des troupes que Napoléon ait eues sur pied est 600,000 hommes. La population de son empire était de plus de quarante millions d'ames, le double de celle de la France sous Louis XIV qui a longtemps soldé 400,000 hommes. On commettrait une étrange erreur si l'on supposait que toutes les conscriptions décrétées, aient effectivement été levées; c'était une ruse de guerre dont on se servait pour imposer aux étrangers; on en faisait un moyen de puissance, et c'est cet usage constamment suivi, qui a toujours fait croire que les armées françaises étaient plus nombreuses qu'elles ne l'étaient en effet.

En Égypte il avait été convenu avec tous les chefs de corps, que dans les ordres du jour on surchargerait d'un tiers la quantité réelle de toutes les distributions de vivres, d'armes, d'effets d'habillements. Aussi l'auteur du précis militaire de la campagne de 1799, s'étonnet-il que les ordres du jour de cette armée la fassent monter à 40,000 hommes, lorsque les autres renseignements authentiques qu'il a recueillis constatent que son effectif était fort inférieur à ce nombre. Dans les rapports des campagnes d'Italie en 1796 et 97 et depuis, les mêmes moyens ont été employés pour donner des idées exerées des forces françaises. Aucune c

n'a été levée sous l'em

pire, sans une loi rédigée dans un conseil privé, présentée au sénat par des orateurs du conseil d'état, renvoyée à l'examen d'une commission, et sur son rapport délibérée, et votée au scrutin secret. La liberté de ces délibérations était entière; elles avaient lieu par des boules blanches et noires; il y a eu souvent sept à huit boules noires; la presque totalité des sénateurs croyaient donc à l'utilité de ces levées; cette opinion, la nation entière la partageait; elle était convaincue que dans les circonstances politiques où elle se trouvait, elle devait être prête à tous les sacrifices, aussi long-temps que l'Angleterre se refuserait à reconnaître ses droits, la liberté des mers, à lui restituer ses colonies, et à mettre fin à la guerre.

Il serait facile de prouver que de toutes les puissances de l'Europe, la France est celle qui dequis 1800, a le moins perdu. L'Espagne, qui a éprouvé tant de défaites, a perdu davantage dans la proportion de sa population; que l'on considère ce que l'Arragon seul a sacrifié à Sarragosse; les levées de l'Autriche en 1800 détruites à Marengo, à Hohenlinden, celles de 1805, détruites à Ulm, à Austerlitz. celles de 1809; détruites à Eckmühl, à Wagram, ont été hors de proportion avec sa population. Dans ces campagnes les armées françaises avaient avec elles des armées bavaroises, wurtembergeoises, saxonnes, polonaises, italiennes, russes, qui composaient la moitié de la grande-armée; l'autre moitié sous l'aigle impérial, était pour un tiers composée de Hollandais, Belges, habitants des quatre départements du Rhin, Pié

montais, Génois, Toscans, Romains, Suïsses; la Prusse perdit toute son armée, 250 à 300,000 hommes, des sa première campagne en 1806.

En Russie nos pertes furent considérables, mais non pas telles qu'on se l'imagine, 400,000 hommes passèrent la Vistule; 160,000 seulement dépassèrent Smolensk pour se porter sur Moskou; 240,000 hommes restèrent en réserve entre la Vistule, le Borystène, et la Dwina, savoir: les corps des maréchaux ducs de Tarente, de Reggio, de Bellune, du comte Saint-Cyr, du comte Reynier, du prince de Schwarzenberg; la division Loison à Wilna, celle de Dombrowsky à Borisow, celle Durutte à Varsovie. La moitié de ces 400,000 hommes étaient Autrichiens, Prussiens, Saxons, Polonais, Bavarois, Wurtembergeois, Bergois, Badois, Hessois, Westphaliens, Mecklenbourgeois, Espagnols, Italiens, Napolitains; l'armée impériale proprement dite était pour un tiers composée de Hollandais, Belges, habitants des bords du Rhin, Piémontais, Suisses, Génois, Toscans, Romains, habitants de la trente-deuxième division militaire, Brême, Hambourg, etc.; elle comptait à peine 140,000 hommes parlant français. La campagne de 1812 en Russie, coûta moins de 50,000 hommes à la France actuelle. L'armée russe dans sa retraite de Wilna à Moskou, dans les différentes batailles, a perdu quatre fois plus que l'armée française; l'incendie de Moskou a coûté la vie à 100,000 Russes morts de froid et de misère dans les bois, enfin dans sa marche de Moskou à l'Oder, l'armée russe fut aussi atteinte par l'intempérie de la saison. Elle ne comptait à

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