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Dans les parties où se trouvent institués les comités et les commissions de haute police, les chambres jugeront sans doute qu'on ne pourroit supprimer ces établissemens temporaires sans assigner par une loi des peines aux prédications séditieuses, aux diverses tentatives d'embauchage, aux projets constatés d'émigration, aux propos incendiaires, aux acclamations séditieuses, et sans autoriser des mesures particulières à l'égard des hommes adroits et dangereux dont les précautions, lors même qu'elles sont impuissantes pour voiler leur conduite, suffisent pour la mettre à l'abri des poursuites judiciaires; mais alors elles auront à déterminer quelle autorité conservera le droit d'arrêter, et demeurera responsable des arrestations jugées indispensables.

En effet, je dois l'avouer, la liberté personnelle n'a pas été jusqu'ici suffisamment mise hors des atteintes que des autorités des différens ordres se croient en droit d'y porter. Il en résulte une inquiétude générale, un mécontentement secret, un affoiblissement réel et progressif du pouvoir; car le pouvoir ne commande pas toujours l'obéissance : l'obéissance est au contraire la mesure et la limite du pouvoir. Elle résulte chez les peuples civilisés de l'assentiment des citoyens.

Il est urgent que les chambres veuillent bien s'occuper des lois que les circonstances exigent, et sur lesquelles je viens de fixer votre attention.

Toutefois, en attendant que la puissance !égisla→ tive ait prononcé, je n'ai que deux règles à suivre. je me conformerai aux lois; et si je trouve une circonstance ou un devoir impérieux à m'en écarter, je

recourrai à un remède dont les lois anglaises nous donnent l'exemple, et que les chambres ajouteront sans doute à notre législation, comme un moyen sans lequel il seroit impossible de gouverner. Je serai prêt à déclarer par quel motif j'aurai excédé les bornes de mon pouvoir dans les actes de mon ministère envers les citoyens, et la nation entière jugera si je n'ai pas dû m'exposer à toutes les chances de la responsabilité ministérielle, plutôt que de compromettre le salut de l'Etat.

N° LXXIV.

DÉCLARATION AU PEUPLE FRANÇAIS.

Français ! en commençant la guerre pour soutenir l'indépendance nationale, je comptois sur la réunion de tous les efforts, de toutes les volontés et le concours de toutes les autorités nationales. J'étois fondé à en espérer le succès, et j'avois bravé toutes les déclarations des puissances contre moi.

Les circonstances paroissent changées : je m'offre en sacrifice à la haine des ennemis de la France; puissent-ils être sincères dans leurs déclarations, et n'en avoir jamais voulu qu'à ma personne! Ma vie politique est terminée, et je proclame mon fils sous le titre de Napoléon II, empereur des Français ; les ministres actuels formeront provisoirement le conseil de gouvernement. L'intérêt que je porte à

mon fils m'engage à inviter les chambres à organiser sans délai la régence par une loi. Unissez-vous tous pour le salut public, et pour rester une nation indépendante.

Donné au palais de l'Elysée, le 22 juin 1815.

Signé NAPOLÉON.

N° LXXV.

RÉPONSE DE SA MAJESTÉ AUX BUREAUX DES

DEUX CHAMBRES.

N. B. Les délibérations prises par les chambres sur la déclaration de l'empereur au peuple français, ont été présentées à S. M. par des députations composées des membres du bureau de chacune des chambres.

S. M. a répondu à l'une et à l'autre de ces députations en ces termes :

« M. le président, je vous remercie des sentimens que vous m'exprimez. Je recommande à la chambre de renforcer les armées, de les mettre dans le meilleur état de défense : qui veut la paix, doit se préparer à la guerre. Ne mettez pas cette grande nation à la merci de l'étranger, de peur d'être déçus dans vos espérances. Dans quelque position que je me trouve, je serai heureux si la France est libre et n dépendante. Si j'ai remis le droit qu'elle m'a donné,

à mon fils, de mon vivant, ce grand sacrifice, je ne l'ai fait que pour le bien de la nation, et l'intérêt de mon fils, que j'ai, en conséquence, proclamé

empereur. >>

N° LXXVI.

PROCLAMATION DE LA COMMISSION DE GOUVERNEMENT AUX FRANÇAIS, DU 24 JUIN (1).

Français !

Dans l'espace de quelques jours, des succès glorieux et un revers affreux ont de nouveau agité vos destinées. Un grand sacrifice a paru nécessaire à votre paix et à celle du Monde. Napoléon a abdiqué le pouvoir impérial; son abdication a été le terme de sa vie politique; son fils est proclamé.

Votre constitution nouvelle, qui n'avoit encore que de bons principes, va recevoir tous ses déve→ loppemens, et ses principes même vont être épurés et agrandis. Il n'existe plus de pouvoirs jaloux l'un de l'autre ; l'espace est libre au patriotisme éclairé de vos représentans, et les pairs sentent, pensent et votent comme mandataires.

Après vingt-cinq années de tempêtes politiques

(1) La commission de gouvernement s'est constituée le 23 juin sous la présidence de M. le duc d'Otrante, au château des Tuileries.

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Voici le moment où tout ce qui a été conçu de sage, de sublime, sur les institutions sociales, peut être perfectionné encore dans les vôtres. Que la raison et le génie parlent; et, de quelque côté que se fasse entendre leur voix, elle sera écoutée.

Des plénipotentiaires sont partis pour traiter au nom de la nation, et négocier avec les puissances de l'Europe cette paix qu'elles ont promise à une condition qui est aujourd'hui remplie.

Le Monde entier va être attentif comme vous à leur réponse; leur réponse fera connoître si la justice et les promesses sont quelque chose sur la

terre.

Français soyez unis; ralliez vous tous dans des circonstances si graves. Que les discordes civiles s'apaisent; que les dissentimens même se taisent en ce moment, où vont se discuter les grands intérêts. des nations. Soyez unis du nord de la France aux Pyrénées, de la Vendée à Marseille. Quel qu'ait été son parti, quels que soient ses dogmes politiques, quel homme né sur le sol de la France pourroit ne pas se ranger sous le drapeau national pour défendre l'indépendance de la patrie!

On peut détruire en partie des armées; mais l'expérience de tous les siècles et de tous les peuples le détruit prouve, on ne pas, on ne soumet pas surtout une nation intrépide qui combat pour la justice et pour sa liberté.

L'empereur s'est offert en sacrifice, en abdiquant.

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