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Le comte Bathurst: Je ne répondrai pas aux allégations contenues dans un pamphlet publié par un nommé Santini, et auquel on ne doit accorder aucun crédit, Mais l'écrit signé du comte de Montholon est certainement authentique, et il est aisé de réfuter les plaintes qu'il renferme. Le principe général des instructions données au gouverneur est que Buonaparte doit être considéré comme prisonnier de guerre, et qu'en conséquence il doit être soumis à toutes les restrictions nécessaires, et seulement à celles qui le sont. Ces instructions ont déjà été mises sous les yeux de la chambre, et ont été approuvées par elle." Les changemens qu'elles ont pu subir, ont tous été en faveur du prisonnier. Examinons quelles sont ses plaintes.

10. De ne pouvoir écrire à sa famille, ou aux personnes à qui il pourroit demander des fonds pour pourvoir à ses dépenses personnelles. — Cette imputation n'est nullement fondée. Il peut écrire à qui bon lui semble, mais ses lettres doivent, avant de partir, être lues par le gouverneur. Il est certain que la nécessité de n'envoyer que des lettres ouvertes à ses amis est une restriction sévère, en ce qu'on ne peut confier au papier les effusions du cœur quand on sait qu'elles passeront sous les yeux de glace d'un inspecteur; mais cela ne peut s'appliquer à des correspondances avec un banquier. Qui a jamais entendu parler d'une traite affectueuse sur un banquier, ou d'un ordre passionné pour la vente de quelques effets publics?

2o. De ne pas recevoir de nouvelles de ses amis

d'Europe.-Rien ne les empêche de lui écrire; mais il faut aussi qu'ils en aient la volonté. Ils n'ont qu'à adresser leurs lettres au secrétaire d'Etat. Or, le secrétaire d'Etat, n'a encore reçu qu'une seule lettre pour Buonaparte; elle étoit de son frère Joseph, et elle a été immédiatement transmise à son adresse.

3. De ne pouvoir adresser une lettre close à S. A. R. le prince Régent. Cela est contraire à tous les usages. La responsabilité du ministre l'obligeroit d'ailleurs à ouvrir la lettre, et à en prendre connoissance avant de la présenter au prince.

4°.De ne pouvoir se procurer les livres qu'il désire. Il en a demandé pour 1,400 I. sterl. (38, 400 fr.); ils lui ont été fournis, à l'exception de quelques-uns qu'on n'a pu se procurer ni à Londres ni à Paris.

5o. De ne pas recevoir les journaux. Il est vrai qu'on ne peut lui donner tous ceux qu'il désire, parce qu'il est connu qu'on a essayé d'ouvrir une correspondance avec lui par le moyen de certains journaux.

6. L'accusation la plus grave porte sur ce que les lettres envoyées par le général Buonaparte ou les personnes de sa suite, sont lues par des officiers subalternes. C'est une pure calomnie. Sir Hudson Lowe a mis la plus grande délicatesse dans l'exercice de ses pénibles fonctions. Lorsque des lettres ont passé par ses mains, il n'a jamais permis à aucun individu, quelque confiance qu'il eût en lui, de les voir, soit qu'elles fussent adressées à des personnes demeurant à Sainte-Hélène ou à d'autres. It ignore ce qui a donné lieu à des plaintes sur ce point; mais voici la seule chose qui ait pu y avoir rapport.

A

Quand Napoléon et sa suite furent envoyés à Sainte-Hélène, les vaisseaux partirent avec tant de précipitation qu'ils ne purent avoir beaucoup d'objets nécessaires, tels que du linge et d'autres provisions. On jugea qu'il seroit très - incommode pour eux d'attendre qu'ils pussent les recevoir d'Europe; en' conséquence on leur en envoya d'avance. Lorsque cés articles furent arrivés, Las-Cases écrivit une lettre en Europe. Elle passa sous l'inspection de sir Hudson Lowe, qui vit qu'elle contenoit la demande des articles mêmes qui avoient été envoyés d'ici. Sir Hudson Lowe écrivit à Las Cases pour lui annoncer qu'il avoit ces articles, et qu'ils étoient fort à son service, en lui observant qu'ainsi il seroit peutêtre inutile d'envoyer la lettre, ou qu'il pourroit en retrancher la demande qu'elle contenoit. Las-Cases, dans sa réponse, fit des reproches à sir Hudson Lowe d'avoir osé lire une lettre adressée à une dame. Voilà le seul fondement sur lequel repose une telle accusation.

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7°. Buonaparte prétend que des lettres étant arrivées d'Europe pour lui et les gens de sa suite, on les renvoya en Angleterre parce qu'elles n'étoient pas venues par le canal du ministère. Sir Hudson Lowe ayant vu ce passage, a écrit au comte de Montholon pour lui demander sur quoi il fondoit cette assertion : il n'en a reçu aucune réponse. Ce fait n'a jamais existé.

8°. Il se plaint d'être gêné dans ses communications personnelles. On a toujours accordé la permission de le voir à tous ceux qui l'ont demandée; on a même porté la délicatesse jusqu'à exiger qu'ils eussent

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préalablement obtenu l'autorisation du comte Bertrand, afin d'épargner au prisonnier les visites qui auroient pu lui être désagréables. Il n'y a pas d'exemple qu'une telle permission ait été refusée, ni qu'on ait empêché aucunes personnes de l'appro-, cher, si ce n'est celles qui ont été surprises en essayant d'arriver auprès de lui, sous des déguisemens ou de faux noms. Il se plaignit un jour à un officier du 53e régiment que toute communication 1ui fût interdite avec les officiers de ce corps. L'officier lui répondit que cette interdiction n'existoit pas ; et depuis ce temps il ne manifesta pas une seule fois le désir de les voir.

Dans le commencement de sa détention, il avoit un cercle d'au moins douze milles (quatre lieues do France), dans lequel il pouvoit se promener à pied ou à cheval sans être accompagné d'aucun officier, et ce cercle n'a été rétréci qu'après qu'on a su qu'il avoit abusé de la confiance qu'on lui témoignoit en cherchant à gagner les habitans; mais il lui reste une étendue de huit milles (environ trois lieues), et il peut s'y promener sans être accompagné d'aucun officier. Au delà de ces limites, il peut aller dans toutes les parties de l'île, suivi d'un officier dont le grade ne doit pas être au-dessous de celui de capitaine dans l'armée. Ainsi on ne peut pas dire qu'à cet égard il soit soumis à des restrictions déraisonnables.

Le général Buonaparte, a-t-on dit, ne peut sortir de sa maison, dans le seul temps où l'exercice soit salubre sous ce climat. Le fait est que, quoiqu'il n'ait pas la liberté de traverser l'ile après le coucher du

soleil, il peut à toute heure se promener dans le jardin ; mais il a dit qu'il n'aimoit pas à se promener lorsqu'il étoit ainsi surveillé. Sir H. Lowe, pour le satisfaire, a placé depuis les sentinelles dans des endroits d'où elles ne pouvoient pas le regarder. Devoit-on ôter ces sentinelles à l'époque et aux heures où l'évasion seroit le plus facile? Qu'on se figure pour un moment qu'au lieu de discuter la motion du noble lord, la chambre apprenant l'évasion de Buonaparte ait à interroger sir H. Lowe à la barre, qu'on lui demande quand et d'où il s'est échappé, et s'il n'étoit pas gardé par des sentinelles. Que penseroit la Chambre, s'il répondoit que le général s'est évadé le soir de son jardin, et que les sentinelles avoient été ôtées parce qu'elles lui avoientdéplu? que penseroit-on d'une telle excuse? leurs Seigneuries doivent donc considérer la situation pénible et délicate dans laquelle sir H. Lowe est placé; il est ruiné dans sa fortune et sa réputation si le général Buonaparte s'évade; et s'il n'en fait pas même la tentative, il ne manquera pas de gens qui par une fausse pitié feront un reproche à Sir H. Lowe des restrictions qui peutêtre l'auront prévenue.

9o. Il est dit dans le mémoire que la résidence assignée au général Buonaparte est désagréable et insalubre, Tout ce qu'on peut répondre, c'est que cela ne s'accorde avec aucune description de l'île, ni de cette maison. Elle étoit auparavant habitée par le lieutenant-gouverneur, et ordinairement ces officiers ne choisissent pas le local le plus désagréable et le plus malsain (on ri). Le général Buonaparte en

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