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ait préalablement envoyé trois prises effectives dans les ports de l'État.

Les armateurs qui veulent autoriser les capitaines de leurs corsaires à rançonner les bâtiments ennemis, doivent en faire la déclaration par écrit à l'administrateur de la marine préposé à l'inscription maritime dans le port d'armement, et demander le nombre de traités de rançon qu'ils désirent remettre aux capitaines. Ces traités, imprimés d'avance, sont destinés à constater le fait de la prise, et l'engagement du capitaine capturé de payer une certaine somme. Pour garantir l'exécution de cette promesse, un des principaux officiers du bâtiment rançonné et un certain nombre d'hommes de l'équipage doivent être retenus comme otages. (Ar. Pr. XI, art. 40-43.) Leurs dépositions permettent, en outre, de vérifier le rapport du capitaine, et de découvrir les fraudes qu'il a pu commettre. Autrefois, d'après l'ordonnance de 1681 (19), les deux principaux officiers devaient être emmenés comme otages, et les papiers de bord devaient être saisis. Le règlement du 27 janvier 1706, avait déjà modifié ces dispositions avant l'arrêté de prairial.

Un navire rançonné peut-il être pris ou ranconné par un autre corsaire? D'après le règlement du 7 janvier 1706, le billet de rançon dont un double était délivré au capitaine capturé, lui tenait lieu de sauf-conduit; il ne pouvait être repris ni rançonné pendant un certain délai, pourvu qu'il ne s'écartât pas de la route indiquée par le traité. Il n'en est plus de même aujourd'hui, sous l'empire de l'arrêté de prairial:(art. 44) un navire déjà rançonné ne peut l'être une seconde fois, mais il peut être pris et légitimement

pris. Dans ce cas, les obligations souscrites cessent d'être exigibles vis-à-vis de ceux qui devaient les reinplir; mais l'armateur du corsaire capteur devient personnellement débiteur de la somme stipulée envers l'armateur du premier corsaire, si mieux il n'aime lui abandonner la prise. Les otages ne sont plus considérés que comme de simples prisonniers de guerre.

Il pourrait arriver que le capteur nanti du traité de rançon et des otages tombât au pouvoir des ennemis; cette reprise aurait-elle pour effet d'éteindre l'obligation, ou du moins de substituer un nouveau créancier à l'ancien? D'après Valin, (op. cit., p. 148), le billet de rançon et l'otage représentent chacun séparément et solidairement le navire rançonné, de telle sorte que la reprise d'un corsaire avec l'un ou l'autre suffit pour frustrer de la rançon et la faire changer de maitre. C'est là une erreur : le billet n'est que la preuve de l'obligation et non l'obligation elle-même; l'otage n'est qu'une sûreté donnée pour garantir le paiement. Lorsque la preuve de l'obligation, lorsque la caution qui garantit l'exécution viennent à échapper au créancier, le droit incorporel n'en subsiste pas moins sur sa tête. Malgré la réprise, la rançon reste donc à celui qui l'a stipulée.

La perte du navire rançonné n'a pas non plus pour effet d'annuler l'obligation souscrite par le capitaine. On pourrait alléguer, il est vrai, que l'engagement a été contracté sous cette condition tacite que le navire arriverait à bon port; mais pour renverser cette objection, il suffit de remarquer que la rançon est un traité à forfait, indépendant de tous les évènements postérieurs.

Au retour de leurs croisières, les capitaines de cor

saires doivent déclarer par écrit à l'administrateur de la marine, s'ils ont fait usage des traités de rançon qui leur ont été délivrés. Les traités qui n'ont pas été employés sont immédiatement annulés; quant à ceux qui ont été souscrits par les capitaines des navires rançonnés, il en est pris note par l'administrateur de la marine. Les otages sont ensuite interrogés, ainsi que les officiers et l'équipage du corsaire capteur, pour confronter les dépositions.

Les règles qui seront ci-après établies par l'instruction, le jugement et la répartition des prises sont communes aux rançons: la prise est liquidée, mais il faut en juger la validité. (Ar. 2, Pr. XI, art. 45, 46, 50).

VIII. Aussitôt après l'arrivée de la prise dans quelque rade ou port de France, le chef conducteur est tenu de faire son rapport à l'officier d'administration de la marine, de lui représenter et remettre sur inventaire et récépissé, les papiers et autres pièces trouvées à bord, ainsi que les prisonniers, et de lui déclarer le jour et l'heure où le bâtiment a été pris, en quel lieu ou à quelle hauteur; si le capitaine semoncé a fait refus d'amener ses voiles ou de faire voir sa commission et son congé; s'il a attaqué ou s'il s'est défendu, quel pavillon il portait et les autres circonstances de la prise et du voyage. (Ar. 2, Pr. XI, art. 66, Ord. 1681, art. 21).

Ces obligations sont communes aux corsaires et aux vaisseaux de l'État. (Ord. 3 janvier 1760). Le rapport du conducteur de prise est le premier acte qui doive servir de base à l'instruction.

CHAPITRE V.

DES CHOSES DE BONNE PRISE.

A. Navires ennemis.

Tous les navires ennemis sont de bonne prise, qu'ils appartiennent à la marine de l'Etat, ou qu'ils soient montés par des corsaires; les bâtiments de commerce eux-mêmes ne sont pas respectés en temps de guerre, et ils peuvent être légitimement capturés.

C'est aussi une règle constante que les navires des belligérants, échoués ou naufragés sur les côtes ennemies, sont confisqués comme s'ils étaient pris en pleine mer. L'ordonnance du 12 mai 1696, voulant couper court aux contestations qui s'étaient élevées à ce sujet, a décidé d'une manière formelle que le jugement des échouements devait être assimilé à celui des prises.

Le règlement du 26 juillet 1778 (art. 14), l'arrêté du 6 germinal an VIII (art. 2), ainsi que le décret plus récent du 18 juillet 1854 (art. 2), ont confirmé cette disposition. Lorsque les navires échoués ou naufragés sont reconnus ennemis, la confiscation est prononcée, et le produit de la vente est attribué à la caisse des Invalides (L. 30 avr., 13 mai 1791, art. 4, § 5. — L. 22 mai 1816, art. 5, § 3).

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Il nous semble que la même solution doit être admise dans le cas où un navire belligérant est forcé par la tempête de relâcher dans un port ennemi. L'asile est dû à tout bâtiment en détresse, quelle que soit sa

nationalitė; mais il n'en résulte nullement que les réfugiés ennemis ne soient pas soumis aux lois de la guerre. Pourquoi les belligérants relâcheraient-ils un navire ennemi qui a volontairement cherché asile dans un de leurs ports, alors que l'échouement et le naufrage sont des causes légitimes de confiscation? Sans doute, ce n'est pas une action d'éclat de saisir un bâtiment battu par la tempête et poussé dans un port par la crainte du naufrage; mais un belligérant ne fait qu'user du droit de la guerre, en profitant des circonstances et des fortunes de mer, d'autant plus que l'ennemi pourrait ne pas laisser échapper l'occasion de reconnaître le port où il s'est réfugié.

Les navires ennemis sont donc de bonne prise, Toutefois, d'après les principes du droit des gens, une exception a été admise en faveur des bateaux qui se livrent à la pêche côtière. Les raisons et les limites de cette immunité sont clairement exprimées dans une lettre du roi à l'amiral, en date du 5 juin 1779 :

« Le désir que j'ai toujours eu, écrivait Louis XVI, d'adoucir les calamités de la guerre, m'a fait jeter les yeux sur cette classe de mes sujets qui se consacre au commerce de la pêche, et qui n'a pour subsistance que les ressources que ce commerce lui présente ; j'ai pensé que l'exemple que je donnerais à mes ennemis, et qui ne peut avoir d'autres principes que les sentiments d'humanité qui m'animent, les déterminerait à accorder à la pêche les mêmes facilites auxquelles je consentirais à me prêter. En conséquence, j'ai donné ordre à tous les commandants de mes bâtiments, aux armateurs et capitaines de corsaires, de ne point inquiéter, jusqu'à nouvel ordre, les pêcheurs anglais et de ne point arrêter leurs bâtiments, non

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