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autre des actes de violence et d'envahir son territoire. Si l'établissement d'un blocus n'entraînait pas la rupture de la paix, de quel droit ceux qui ne veulent pas être considérés comme belligérants, pourraient-ils exiger des autres nations l'exacte observation des devoirs de la neutralité? La liberté commerciale des neutres n'est soumise à aucune restriction pendant la paix en temps de guerre, ils doivent s'abstenir de tout acte de partialité et de toute immixtion aux hostilités. Il faut donc admettre nécessairement que le blocus est un acte de guerre, ou bien que ceux qui prétendent fermer un port au commerce étranger tout en protestant de leurs intentions pacifiques, violent l'indépendance des nations dont ils capturent les navires.

Le blocus pacifique a été imaginé par des nations puissantes pour éviter les frais et les difficultés d'une expédition lointaine, et pour ne pas exposer leurs sujets à toutes les conséquences de la guerre. Ces motifs d'intérêt personnel ne peuvent légitimer un usage aussi contraire à tous les principes.

Il faut remarquer qu'en cas de blocus pacifique, la France ne confisque pas les navires du peuple bloqué; ces navires sont retenus provisoirement jusqu'à ce que les satisfactions demandées aient été obtenues. Quant aux neutres, lorsqu'ils tentent de franchir la ligne d'investissement, ils sont traités avec toute la rigueur des lois de la guerre, et leurs bâtiments sont de bonne prise. L'Angleterre rejette cette distinction que la logique et l'équité condamnent également.

D. Des cas où un navire peut être saisi pour défaut de justification de la nationalité.

En temps de guerre, les neutres conservent leur pleine et entière indépendance; ils peuvent naviguer librement et continuer leur commerce, pourvu qu'ils ne prennent aucune part aux hostilités et qu'ils ne favorisent pas l'un des belligérants aux dépens de l'autre. Mais, pour que la neutralité soit respectée par les croiseurs, il faut qu'elle soit justifiée; car pendant la guerre, tout bâtiment est suspect jusqu'à ce qu'il ait établi sa nationalité et sa destination pacifique.

Le pavillon est le signe distinctif du caractère national d'un navire; mais il arrive souvent que les belligérants empruntent des couleurs étrangères pour tromper l'ennemi et protéger leur navigation. Aussi s'accorde-t-on à reconnaître aux croiseurs le droit de visiter tous les bâtiments de commerce neutres. Ce n'est pas là, comme le dit très-bien M. Ortolan (1), un acte d'autorité ou de juridiction sur les neutres, mais un acte de simple précaution préventive, fondé sur le droit de propre conservation. Bien plus, tout navire qui refuse d'amener ses voiles, après la semonce qui lui en est faite, peut y être contraint, et en cas de résistance et de combat, il est de bonne prise (Arrêté, 2, Pr. XI, art. 57). C'est surtout en examinant les papiers de bord que les croiseurs peuvent constater la neutra lité du navire (2).

(1) Ort. op. cit. t. 2, Liv. III, ch. VlI.

(2) Arrété 2 pr. XI. art. 57.

I. Les lois intérieures de chaque État imposent aux nationaux l'obligation d'avoir à bord certaines pièces destinées à faire preuve de la nationalité du navire. Ainsi, d'après l'art. 226 de notre Code de commerce, tout batiment doit avoir les papiers suivants : 1° l'acte de propriété; 2o l'acte de francisation; 3° le rôle d'équipage; 4° les connaissements et chartes-parties; 5° les procès-verbaux de visite; 6° les acquits de paiement ou à caution des douanes. Les autres nations ont des règlements analogues (1).

Cette obligation pour les navires, d'être munis de certains documents a été stipulée dans tous les grands traités diplomatiques, qui sont encore la base du droit maritime européen. Sans doute, ces traités ne lient que les peuples qui les ont consentis; mais les usages qu'ils consacrent sont si universellement reçus, qu'ils forment pour ainsi dire une loi internationale. Tout navire dépourvu de pièces justificatives est nécessairement suspect, et il peut être légitimement capturé, sauf de très-rares exceptions. Toutefois, il faut reconnaître que les belligérants ont souvent été trop loin en prétendant dicter des lois aux neutres, et en créant des cas de saisie arbitraires contre les navires qui ne justifient pas de leur nationalité conformément à ces lois.

D'après le règlement français du 26 juillet 1778, (art. 2), les maîtres des bâtiments neutres sont tenus de prouver sur mer leur neutralité par les passe

(1) Loi Danoise de 1683

Code Prussien 1791, (art. 16241425) Code de com. Esp. 1829 (art. 646 Portugal Cod. 18 sept. 1833 Hol. Code 1er déc. 1838.

ports, connaissements, factures et autres pièces de bord. Il suffit d'ailleurs que l'un de ces documents constate la nationalité du navire (1), pourvu qu'il ait été à bord au moment de la saisie (2). Quant aux pièces qui peuvent être rapportées après la capture, elles ne peuvent faire aucune foi ni être d'aucune utilité.

Toutefois, le conseil des prises, par un arrêt du 23 frimaire an IX, a décidé qu'un navire français, qui a pris des expéditions étrangères pour tromper l'ennemi, peut, s'il vient à être capturé par un croiseur français, prouver sa nationalité par la production de pièces qui n'étaient pas à bord. De plus, la même faculté est accordée aux navires appartenant aux alliés, qui ne sont pas compris dans les termes de l'art. 2 du règlement de 1778 (3).

Que faut-il penser de ces dispositions générales sur le mode de justification de la nationalité? Sans doute, c'est en vertu d'une loi universelle, que les navires doivent être munis de pièces constatant leur nationalité et leur destination; mais il peut se faire qu'un neutre ait perdu ses papiers de bord, soit par suite d'un accident de mer, soit parce qu'il est tombé entre les mains des pirates. Il y a lieu alors de se demander s'il vaut mieux suivre une règle inflexible, que d'avoir égard aux circonstances. Nous pensons qu'il faut laisser au conseil, chargé de juger les prises, la libre

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appréciation des faits et l'examen des causes qui ont pu priver le navire neutre de tout ou partie de ses papiers de bord. Il ne faut pas s'arrêter devant cette considération que les pièces nécessaires pour établir la neutralité peuvent être fabriquées : car il est tout aussi facile de se munir d'avance de papiers simulés, et la fraude peut être découverte dans un cas comme dans l'autre. Ce n'est donc pas ouvrir la porte aux abus, mais seulement faire acte de justice, d'admettre les neutres à établir leur nationalité par d'autres pièces que celles qui existaient à bord.

Du reste, sous l'empire même du règlement de 1778, il a été jugé par le conseil d'État, le 3 décembre 1828, que la prise d'un caboteur, non muni de papiers de bord, n'est pas valable si, d'après la loi de son pays, cette obligation ne lui était pas imposée. Mais la solution contraire a été admise, au sujet d'un caboteur armé, voyageant sans papiers (1). Respecter alors la neutralité, serait favoriser la piraterie et permettre aux navires armés des belligérants de se cacher impunément sous un pavillon étranger.

L'absence de papiers de bord, ou leur insuffisance, ne doit donc pas toujours, et dans tous les cas, entraîner la confiscation du navire. A l'inverse, il peut se faire que, malgré l'existence de pièces régulières, la saisie soit validée : c'est dans le cas où les dépositions de l'équipage capturé contredisent les énonciations des papiers de bord. Les dépositions doivent prévaloir et faire considérer le navire comme ennemi, lorsqu'elles sont contraires à l'intérêt de ceux qui les font. C'est au conseil à contrôler avec soin la

(1) C. E., 13 mai 1829.

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