un tableau vraiment curieux que celui des conceptions de Napoléon telles qu'il les enfantait d'abord, et ensuite accommodées aux temps, aux circonstances et aux instrumens. La France, l'Europe, le monde tout entier rapetissaient les idées premières de Napoléon; et s'il a péri, c'est par leur disproportion avec la puissance de l'homme, et par l'ascendant irrésistible qu'elles exerçaient quelquefois sur lui. Ses deux malheurs sont d'avoir fait trop de prodiges, et surtout d'avoir, dans de grandes circonstances, regardé comme faites les choses extraordinaires qu'il avait ordonnées. Nul moyen de combattre l'ascendant suprême de Napoléon; il entraînait également la nation et l'armée, il dominait l'Europe et imposait à son siècle; comment ses ministres et ses serviteurs auraient-ils pu ne pas subir le joug de sa supériorité? Dès le moment de son apparition à la tête d'une armée, il parut né pour le commandement; et, depuis que la fortune l'avait élevé si haut, aucun prince n'a pu résister à ses volontés: sa seule présence avait une séduction et un empire dont le fils de Catherine II est le plus mémorable exemple. Et quel homme, en effet, que celui dont on peut dire tour à tour avec vérité, sous plus d'un rapport: C'est Alexandre, moins les débauches qui l'ont perdu à Babylone; c'est César, moins les crimes énormes de son ambition pour parvenir, et les vices honteux de sa vie; c'est Charlemagne, moins le massacre d'un peuple généreux ; c'est Frédéric II, avec sa rectitude d'esprit, son application extrême à ses devoirs de prince, mais avec des entrailles et un cœur accessible à l'amitié; enfin c'est l'Annibal moderne ! En effet, comme ce grand capitaine, qu'il mettait au premier rang, Napoléon fut, toute sa vie, l'adversaire et l'ennemi d'un peuple qui aspire à l'empire du monde: trahi enfin par la fortune, au lieu d'aller attendre le lever d'un petit roi de Bithynie, il demanda l'hospitalité à un gouvernement libre; et, trompé dans sa généreuse attente, il mourut avec grandeur sur le rocher de Sainte-Hélène, après avoir vaincu et gouverné les nations. Présent au milieu de nous par sa gloire, Napoléon s'élève entre les trois dynasties comme un géant dont aucun de leurs princes n'atteignit la hauteur, et dont leurs héritiers devront un jour interroger les actions, les vertus, les talens, les fautes et les services, comme la plus éloquente des leçons du trône. Cependant Napoléon ne repose point dans la terre natale, ainsi qu'il l'a désiré à son heure dernière. Peut-être eût-il été digne des nobles princes qui nous gouvernent de redemander les cendres de l'homme qui a fait revivre la célèbre inscription de l'arc de triomphe de la porte Saint-Denis en l'honneur de Louis XIV, qui a consacré des autels expiatoires aux mânes de toutes les races royales de France, et rétabli leurs tombeaux dans les honneurs du Temple où reposaient ensemble Louis XII et Henri IV, ces deux pères du peuple. FIN. TABLE DES CHAPITRES CONTENUS DANS CE VOLUME. Pages. CHAPITRE Ier. Napoléon depuis sa naissance jusqu'à sa CHAP. III. Expédition d'Égypte, jusqu'au retour de CHAP. IV. Retour d'Égypte et suite, jusques et y com- 20 44 57 CHAP. V. Depuis la bataille de Marengo jusqu'à l'érec- CHAP. VII. Depuis le traité de Tilsitt jusqu'à la nou- 98 120 169 321 405 FIN DE LA TABLE DES CHAPITRES. |